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Développement régional : des entrepreneurs qui gueulent, un gouvernement qui ne fait rien
17/12/2015 | 19:59
5 min
Développement régional : des entrepreneurs qui gueulent, un gouvernement qui ne fait rien

Depuis la révolution, l’« emploi » et le « développement régional » sont devenus les principaux ingrédients du discours socio-économique officiel. Deux mots que nos responsables ressassent de manière stéréotypée dans leurs discours et à chaque déplacement qu’ils font dans les régions. Cela fait maintenant cinq ans que les programmes gouvernementaux promettent de booster l’économie des gouvernorats de l’intérieur, tout en chantant la même rengaine: « Le développement régional et l’emploi sont nos premiers sujets d’inquiétude »,  « nous mobiliserons tous les moyens pour les atteindre ».

 

Force est de constater que ces propos n’ont plus aucune crédibilité auprès des milliers de jeunes qui sont en recherche d’emploi, mais pas seulement. D’autres qui sont entrepreneurs ne croient plus en ce discours. Pour eux, rien de concret n’a été fait. Ces belles paroles ne sont que des promesses creuses, déplorent-ils, regrettant d’y avoir cru.

 

Déçus par le discours « trompeur » du gouvernement sur le développement, plusieurs chefs d’entreprises se mordent aujourd’hui les doigts d’avoir investi leur énergie et leur argent dans des projets à forte employabilité, mais au gain incertain. « Méfiez-vous de ce qu’on vous dit dans les journées de l’entreprise. On vous fera croire que tout est rose alors que c’en est loin », prévient Ramzi Rouached, jeune entrepreneur installé à Gafsa, mardi dernier, lors de son passage chez Borhen Bsaïes sur Nessma TV.

 

D’après lui, l’Etat ne fait rien pour aider les entreprises en difficulté. Il en existe des dizaines aujourd’hui qui risquent de mettre la clé sous la porte. Une situation qu’ils n’ont pas choisie, mais qui s’est imposée à eux suite aux grèves interminables, aux procédures administratives longues et compliquées et à la dégringolade du dinar.

 

A Gafsa, par exemple, plusieurs sociétés fraîchement créées n’arrivent pas, ou difficilement, à démarrer. Certaines ont tout finalisé. Elles ont implanté les locaux et acheté les équipements, mais leurs unités de production ne tournent pas encore. Il leur manque de quoi payer les premiers salaires et commander la matière première. D’autres, opérant dans les industries chimiques, peinent à trouver leur vitesse de croisière à cause de l’activité interrompue de l’usine de phosphate de la région. Ce sont donc ces aléas, soutient-on, qui ont chamboulé le business plan des uns et perturbé la production des autres.

 

La plupart de ces entreprises ont contracté des crédits pour pouvoir financer leurs projets. Aujourd’hui, elles sont censées commencer à rembourser cet argent. En même temps, leurs recettes sont nulles ou presque. Résultat : elles se retrouvent en incapacité de paiement avec un endettement qui se creuse de jour en jour. Alors, pour sauver les meubles, ces entreprises n’avaient pas autre choix que de solliciter l’aide des autorités dans l’espoir d’obtenir une subvention ou un crédit complémentaire.

 

A Gafsa, selon Ramzi Rouached, le montant est « dérisoire ». Il suffit, dit-il, de 4 millions de dinars pour permettre à 26 entreprises de sortir de cette fâcheuse situation et sauver ainsi près de 1.500 postes d’emploi. C’est moins cher, estime-t-il, de sauvegarder des entreprises qui existent déjà que d’en créer des nouvelles. Mais jusque-là rien n’a été fait par l’Etat. « Tous les dirigeants avec qui je me suis entretenu me disaient qu’ils compatissent, mais personne n’a eu le courage d’aider concrètement», a-t-il dit. « Des fois, poursuit-il, on me dit que  ‘si nous en sommes arrivés là, c’est quelque part à cause d’une mauvaise gestion de notre part’. Ce que je rejette totalement. Sinon,  comment vous expliquez que des dizaines de sociétés à Gafsa de tous secteurs confondus subissent la même situation ?».

 

Le jeune entrepreneur soulève, par ailleurs, une deuxième problématique. Celle des « dirigeants frileux » qui fuient toutes prises de décisions ou d’initiatives.  « Les structures de financement sont là. Elles existent, mais elles ont peur de prendre des décisions », a-t-il affirmé. Puis d’enchainer : « j’ai parlé avec un directeur général du ministère de l’Industrie. Il était conscient de mon problème, sans m’aider à débloquer ma situation […] Au final, il m’a suggéré de me débrouiller en vendant un bien si déjà j’en avais un. Comment puis-je être rassuré quand j’entends une réponse pareille ? ».


Depuis la révolution, on remarque une frilosité chez les hauts-responsables de l’Etat de prendre des décisions « non-ordinaires ». Ceci serait dû à la peur d’enfreindre la loi et de devenir passible de poursuites judiciaires. D’ailleurs, cette peur sclérose aussi le gouvernement qui, lui aussi, manque de célérité sur bien des dossiers à cause d’un arsenal de lois rigides et désuètes.

 

Cette immobilité et inaction amènent beaucoup à dire qu’avant, du temps des taâlimat (ndlr. Les consignes venant du haut de la hiérarchie), « c’était indéniablement mieux » et que « les choses allaient beaucoup plus vite ».

 

 Selon Moez Joudi, président de l’Association Tunisienne de Gouvernance (ATG), le problème est bien au-delà des lois qu’il faut assouplir. D’autres facteurs freinent, en effet, l’économie et le développement régional. L’expert pointe une absence de vision et de leadership capable de s’imposer et de forcer le respect. Aussi, relève-t-il, il y a un problème de compétence qui s’est beaucoup accentué depuis la révolution. « Beaucoup de cadres compétents sont partis à la retraite et les autres qui sont nouveaux ne sont pas aussi performants », a-t-il dit en substance.

 

Aujourd’hui, à Gafsa, des chômeurs et des entrepreneurs protestent contre le délaissement de l’Etat. La solution ne tient pourtant qu’à quelques millions de dinars et un peu de volonté. Une volonté qui semble faire défaut chez le gouvernement actuel comme chez ceux qui l’ont précédé.

 

Elyes Zammit

17/12/2015 | 19:59
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Commentaires (9)

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Immo
| 05-03-2020 15:25
Relancez ce genre d'article pour que le gouvernement prend connaissance et réagit .
Ce projet est toujours en situation de blocage .personne ne s'en occupe .Les médias restent toujours l'?il de critique et l'unique moyen de pression .

Merci

takilas
| 21-12-2015 19:43
Et nahdha qui sabote et met les bâtons dans les roues. Et se fait apprécier par ses souteneurs alléchés espérant vainement son retour pour poursuivre les arnaques des quatre ans d'obscurantisme.

MDO
| 18-12-2015 15:29
Les années Ben Ali avaient créée une génération des hauts fonctionnaires qui manque surtout de l'esprit d'initiative qui est primordial pour chaque responsable pour bien jouer son rôle, ainsi tout le monde est habitué à attendre les instructions et tant que le responsable jouit de ses avantages liés à ses fonctions et que son chef hiérarchique surtout le ministre est satisfait de lui il dort sur ses lauriers et ne pense jamais à avancer des propositions ou des réformes ou même prendre les décisions inhérentes à son poste et il se contente de gérer le quotidien. Donc le plus grave actuellement c'est que les générations des hauts fonctionnaires qui ont entré dans l'administration durant les 25 dernières années et qui occupent actuellement les plus hauts postes de responsabilités ou qui le seront pendant les 20 années avenir comme déjà mentionné manquent d'esprit d'initiative et l'audace alors que le pays nécessite des réformes approfondies qui exigent pour garantir leur réussite les qualités citées et en regardant les ministres et hauts responsables actuels il n' y a presque que Mr Néji Jalloul le ministre de l'éducation nationale qui possède une caractéristique importante d'un haut responsable c'est la volonté de changer en mettent ses programmes à exécution avec courage et ce malgré le fait que ce monsieur n'est pas un gestionnaire de formation.

Botti
| 18-12-2015 11:39
Des entrepreneurs qui "gueulent" ? Hakka

Foufou2
| 18-12-2015 09:30
En 2015,la Tunisie n'a plus besoin de l'Etat.Désolé de vous faire peur mais ,si on veut donner de l'espoir à ce pays,il faut changer la mentalité des dirigeants.En est-on capable?Je ne le pense pas.Il faut une vraie révolution mentale.Pour que ce pays progresse ,on devrait faire appel à l'initiative privée,aux associations investisseurs tunisiens-investisseurs étrangers ,aux joint-ventures pour les structures plus importantes.Le rôle de l'Etat sera différent.
Ce qui est urgent en ce moment :
1-créer une loi qui permette l'initiative privée ,les projets communs,le financement privé ,l'installation de toute société étrangère sans délai,la constitution de société en moins d'une semaine.
-le modèle de certains pays est à méditer.En Angleterre,vous avez l'autorisation d'exercer en 24 H , en Roumanie en 3 jours,ailleurs c'est du pareil au même.Les démarches administratives se font sur internet entre autres,sont automatisées et les réponses sont instantanées.
-le rôle de l'Etat se limite à légiférer ,socialement et juridiquement.
-constituer un pôle investissement et emploi sur internet .Transparence totale.Consultaions ouvertes à tous les publics.Offres directes.Demandes directes .Aucun intermédiaire.Les affaires se font en toute clarté.
-les contrôles se font a posteriori,jamais a priori car cela freine l'initiative et fait appel à la corruption et à l'arbitraire.
Il y a encore beaucoup de choses à faire ,à penser et à ordonner.Il y a des spécialistes qui sont là pour le faire.
Ce que je veux dire,c'est que notre pays a les moyens minimum pour sortir du marasme,pour initier une révolution culturelle et économique aussi tranchante que la révolution-évolution politique de 2010-2011 .Il est temps de penser au Tunsien moyen,aux gens qui vivent à l'intérieur du pays.Il y a assez de personnel compétent,relativement bien formé,en état d'apprendre davantage.Mais il faut leu donner des perspectives et de l'espoir aussi.
Bien,voici la théorie.rester à la mettre en pratique.Et là,bonjour la vraie guerre contre l'immobilisme car les freins sont mis au niveau maximum.Et pour les desserrer,je n'ai pas beaucoup de solutions.Aux vrais patriotes et aux investisseurs acharnés de pousser vers une nouvelle dynamique.

El Gat'
| 18-12-2015 09:15
Une solution s'impose d'elle même: Sortir comme on peut son argent à l'étranger et investir dans le pays qui offre les meilleurs avantages.

mehdi
| 18-12-2015 04:43
Ce problème vous pouvez le généraliser à toutes les régions, au Kef des dizaines d'entreprise sont fermées pour manque de fonds de roulement, on nous a promis que les sicars régionales nous aideraient mais elles mêmes n'ont pas reçu les 25 millions de dinars promis par l'état et même prévus dans la loi de finance complémentaire de 2015, on nous ment sans cesse c'est la seule vérité.

Tunisienne
| 17-12-2015 20:52
Ça c'est une réalité indéniable, surtout dans les régions interieures.
Mais il existe également un attentisme inconcevable de la part d'ENTREPRENEURS : "Quelques milliards pour l'aide au démarrage, quelques milliards pour renflouer la trésorerie et aider à l'exploitation, quelques milliards pour soutenir les entreprises en difficulté..." !
Il vaut mieux chercher un travail salarié que d'entreprendre avec cette mentalité.

DHEJ
| 17-12-2015 20:21
L'Etat tue les entreprises... point barre!



M; JOUDI ne saura jamais interpréter la formule de GOUVERNANCE lui machin gouvernance pour déterminer "LE JUSTE DEBIT FISCAL"!


Une volonté de peuple sclérose incapable de S'AUTOMATISER!