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Affaire des Bratels : encore une injustice !
22/11/2013 | 1
min
Affaire des Bratels : encore une injustice !
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C’est une histoire qui date de 1974. Trente neuf ans plus tard, des personnes s’en trouvent écrouées en prison, injustement. Ce sont des pères de familles, des maris, des frères et des fils. Des vies détruites par les soins d’une justice orchestrée par des racleuses en la matière. Trois ans après une sacro-sainte révolution, nous nous retrouvons, tempête sous crâne, à défendre des cas d’injustice, une turpitude perpétrée par ceux-là mêmes qui égrenaient à longueur de temps, toutes les monstruosités que leur a fait subir le régime Ben Ali. C’est à peine croyable et pourtant !

Présentement, les gouvernants en place, anciennement prisonniers, pastichent quasi-religieusement le modèle Ben Ali. Mieux, ils apportent leur touche livide et presqu’inventive. Feulement de pleutres, plutôt !

Nous nous penchons ici, sur un nouveau cas d’injustice. Un autre de plus qui vient s’ajouter au tableau de chasse du mouvement islamiste au pouvoir, Ennahdha. Quatre hommes croupissent depuis des mois en prison dans l’affaire des « Bratels ». Affaire censée être tassée depuis le règne de Ben Ali et qui a eu un happy end satisfaisant toutes les parties concernées. Mais voilà qu’en 2012, l’affaire est remise sur le tapis : certaines victimes, pourtant indemnisées et plus qu’à juste titre, ont inféré qu’ils sont dans le droit d’en revendiquer encore plus car mériteraient encore plus. Décidément, une habitation conforme à toutes les normes d’usage, bien placée qui plus est, n’était que semblant de Patras de secours à leurs yeux.

Il y’a toujours deux versions…et un méchant dans chaque histoire. Pour comprendre qui est le méchant de l’histoire, il faut connaître les deux versions. Dans l’affaire des Bratels, il y a la version racontée par les victimes plaignantes et celle des présumés coupables et objets de la plainte judiciaire. Sur le plan des faits, les deux versions concordent : lorsque la décision d’un conseil ministériel de démolition des habitations des Bratels, car menaçant de tomber toutes en ruine, a été prise, une décision d’indemnisation des occupants des lieux l’a accompagnée. Les occupants se bifurquent, justement, en deux catégories : les propriétaires et les locataires. N’établissant pas de mesures d’exception, les autorités compétentes sous l’égide de Ben Ali, ont décrété le relogement de tous dans des habitations encore plus avantageuses, confortables et, par surcroît, plus sécurisées.

Jusqu’ici tout va bien. Mais il a bien fallu y avoir un point de crochet : certains des occupants ont refusé de quitter les lieux même sur ordre des autorités de tutelle à la Goulette. Le délégué s’est trouvé dans la contrainte de faire évacuer les lieux par la force. Voici donc la faille : faire scandale, crier au tollé, pleurer pour avoir été chassé de chez soi, bougonner de perdre ses affaires et montrer combien potentats de responsables, pilotés par le chef de la bande Imed Trabelsi. Car la légende raconte que ce dernier voulait s’emparer de la situation privilégiée des Bratels pour y faire immerger un projet touristique de grande envergure. De ce fait, et tout bien pesé, certains, environ quatre couples, de ceux qui ont été indemnisés, ont estimé que cela n’est pas suffisant et que l’humiliation dont ils étaient victimes devrait être payée. Aussitôt réfléchi, aussitôt fait, les plaignants ont donc mandaté une avocate qui s’est chargée en 2012 de déposer à nouveau plainte à l’encontre des anciens responsables de la localité de la Goulette.

Nous avons rencontré la sœur de l’un des accusés : Mohamed Mâali, ancien président de la municipalité de la Goulette, accusé d’avoir signé la décision de démolition et même d’être présent le jour des faits où certains occupants prétendent être maltraités. Nous avons eu accès au PV d’interrogatoire de Mohamed Mâali le jour où il s’est déplacé, sous le coup d’une invitation officielle, au Pôle juridique de Mohamed V. Dans le PV en question, nous pouvons lire clairement les chefs d’accusation à l’encontre de l’ancien président de la municipalité de la Goulette, portant sur violence, coups et blessures, violation de domicile d’autrui, vols et torture sur citoyens.

Une frange d’occupants des lieux et témoins de la scène d’évacuation, ont attesté, vidéos à l’appui, que Mohamed Mâali n’était même pas présent le jour des faits. Selon les dires de l’un de ses avocats, maître Chemli, son client est accusé, en outre, d’avoir signé l’autorisation de démolition en sa qualité de président de la municipalité. Cette signature a été imposée à la suite de l’établissement de sept expertises sur l’état des habitations des Bratels, faites notamment par le ministère des Domaines de l’Etat, un ingénieur et un architecte relevant de la municipalité de la Goulette. Mohamed Mâali ne pouvait s’abstenir alors de signer l’autorisation en question, par surcroît à la lumière des rapports d’expertise élaborés en toute légalité.

D’anciens occupants des habitations des Bratels ont témoigné, en toute objectivité et sincérité, que les indemnisations qui leur ont été attribuées ont été fortement justes et même sur-proportionnelles. Bien sûr, lorsqu’on quitte un domicile en piteux état et enclin à devenir ruines, pour une habitation moderne et confortable, il est difficile de prétendre que la contrepartie n’a pas été juste. Hier, la Justice a décidé la libération de deux ingénieurs de la municipalité de la Goulette, mais a renvoyé l’affaire devant le juge d’instruction du Pôle juridique. Les quatre autres accusés dans la même affaire à savoir : l’ex-gouverneur de Tunis, Mondher Friji, l’ex-directeur du cabinet du ministre des Domaines de l’Etat, Fethi Soukri, l’ex-délégué de La Goulette, Ali Riahi et l’ex-maire de la localité, Mohamed Mâali restent en détention.

A y voir plus clair, l’on se rend rapidement compte, qu’il n’existe quasiment pas d’affaire. Des accusations que les proches de Mohamed Mâali, en l’occurrence, qualifient de superbement injustes à son encontre. Pis, le prévenu lorsqu’il s’est déplacé chez le juge d’instruction en mai 2013, il y était convoqué en tant que témoin, et quelques petites heures à peine plus tard, ce même juge émet un mandat de dépôt contre lui. Il sera transféré, le jour même, à la prison de la Mornaguia, il y croupit en cellule jusqu’à ce jour. Toutes les demandes de libération faites par ses avocats ont été rejetées. Mohamed Mâali souffre de problèmes cardiaques, en prison, il ne jouit pas des soins médicaux nécessaires, et son épouse s’est même trouvée obligée, par moments, à lui faire passer, secrètement, des médicaments pour soins dentaires indispensables.

Mohamed Mâali était un homme qui servait, en toute âme et conscience son pays. Depuis son poste de PDG à l’Office National du Tourisme Tunisien ou encore celui de directeur général à l’Agence Foncière du Tourisme, Mohamed Mâali décline un parcours professionnel sans tâches.

Mohamed Mâali est le parangon de l’homme digne et compétent dont la Tunisie a plus que besoin en ces temps difficiles. Néanmoins, et comme beaucoup d’autres, il se retrouve aujourd’hui derrière les barreaux ayant servi un jour sous les ordres de l’ancien régime. Les gouvernants actuels n’ont eu de cesse à rappeler au monde combien ils ont souffert de la composante de l’injustice dont ils étaient victimes des années durant, infligée par le régime de Ben Ali. Pourtant, et aujourd’hui qu’ils ont quitté l’habit de la victime, ils se plaisent à revêtir celui du bourreau. Combien d’autres cas d’injustice, investissant les hauts lieux des prisons de la Tunisie y en a-t-il encore et dont on ignore l’existence ? L’on croyait que pire que le système et le régime de Ben Ali, le pays ne pourra pas en connaître, or tout porte à croire le contraire, aussi déplaisant et décevant que cela puisse paraître. Révolution dites-vous ?


Nadya B’CHIR
22/11/2013 | 1
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