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Tunisie - Annulation de la grève générale, une défaite, une trêve ou une victoire?
13/12/2012 | 1
min
Tunisie - Annulation de la grève générale, une défaite, une trêve ou une victoire?
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La grève générale décrétée par l'UGTT et prévue pour aujourd’hui, jeudi 13 décembre 2012, a fini par être annulée. Le match s'est joué durant le dernier quart d'heure puisque la décision n'a été prise que la veille, le 12, après une longue journée de négociations marathoniennes et de suspense. Puis le verdict est tombé : la grève tombe à l'eau. Une décision qui a engendré des réactions mitigées.
Cette annulation a fait le bonheur des uns et la déception des autres. Alors qu'entre les deux clans se positionnent certaines personnes qui "comprennent" et expliquent les motivations de l'UGTT quant à l'annulation de cette grève générale.

A priori, les déçus appartiennent à une frange des membres et adhérents de l'UGTT ainsi que de la Gauche tunisienne. Ils regrettent que l'UGTT n'ait pas su tenir sa promesse de faire valoir sa décision, cédant sous la pression du gouvernement.

Hamma Hammami, faisant partie des leaders du Front populaire, a analysé la situation, dans une intervention radiophonique, mettant en exergue l'existence d'une combinaison de facteurs qui ont poussé l'UGTT à renoncer à sa décision. Il a rappelé que la rue tunisienne a été marquée récemment par la présence de deux phénomènes distincts, mais qui, accumulés, représentent une menace d'une grande gravité. Il s'agit de certains Imams qui ne se limitent plus à l'espace des mosquées et qui sortent dans la rue afin d'inciter à la haine et la violence, d'un côté, et d'un autre côté, les Ligues de protection de la révolution (LPR), qui poussent vers la confrontation. Hamma Hammami considère donc que ces facteurs sont entrés en jeu dans l'annulation de la grève et que l'UGTT les a certainement pris en considération.

Par contre, concernant les réactions officielles, les présidences de la République et de l'Assemblée nationale constituante ont accueilli la nouvelle avec soulagement et ont salué la décision de l'UGTT de renoncer à la grève. Le président de la République, Moncef Marzouki, a considéré la décision comme étant "positive et sage" et a affirmé qu'il s'agissait "d'un pas important vers l'assainissement du climat social et l'instauration de relations de coopération et de partenariat entre l'UGTT et le gouvernement.
Quant à Mustapha Ben Jaâfar, président de l'ANC, il a qualifié cette décision de "courageuse, reflétant le patriotisme et le souci de faire prévaloir la raison et le dialogue". Il est à rappeler que lors de son discours adressé au peuple tunisien, M. Ben Jaâfar a précisé qu'il était à l'origine de l'instauration de ce dialogue afin de parvenir à un compromis entre le gouvernement et l'UGTT.

De son côté, le ministre de l'Agriculture, Mohamed Ben Salem, étant parmi les membres du gouvernement qui ont pris part aux négociations, a affirmé que l'initiative était bilatérale et provenait à la fois du gouvernement et de l'UGTT. M. Ben Salem a également précisé que les négociations étaient difficiles et loin d'être évidentes, mettant en valeur les efforts fournis par chacune des deux parties en vue de dépasser les clivages et de conclure un accord.

Certains médias ont relevé que Meherzia Laâbidi, vice-présidente de l'ANC, aurait publié sur sa page Facebook officielle que "La grève a été annulée, les LPR ne seront pas dissoutes... et le peuple est glorieux". Sauf que Mme Laâbidi a démenti cette déclaration, lançant, au début, "Cela m'étonne!" Ensuite, elle a précisé qu'il s'agirait d'un "faux-profil". Elle a également ajouté que son vrai compte comporte un cercle retreint d'amis et qu'elle se sert du drapeau national comme photo de profil. Vrai compte ou faux compte, il reste tout de même utile de préciser que ladite phrase, qui a dérangé plus d'un, a disparu de la page Facebook peu de temps après sa publication !

Néanmoins, la plus frappante des réactions reste celle des LPR, à travers, notamment, la vidéo d'une responsable au bureau exécutif de ces ligues, Halima Maâlej, une vidéo qui a touché les bas-fonds en matière de communication de certaines tendances politiques et qui s'attaque directement et nommément à des personnalités publiques de l'UGTT et des partis politiques de l'opposition.
Parlant au nom des LPR, cette dame a titré son speech s'adressant à Houcine Abassi président de l'UGTT ainsi que "ses acolytes" par : "La leçon est finie espèce de ...".

En effet, affirmant que "le peuple avait dit son dernier mot !", cette représentante des LPR a déclaré que le peuple avait "effacé" l'opposition. L'annulation de la grève générale est, pour elle, "une victoire du peuple et une victoire des LPR. Sur un ton un tantinet ironique, un tantinet menaçant, elle crie au triomphe des LPR tout en adressant à M. Abassi de violentes affirmations telles que : "Vous êtes achevés, la leçon est finie espèce de ...". Elle a, de surcroit, affirmé que le pays a été, désormais, débarrassé de "l'Union de Abassi". Mme. Maâlej n'a pas omis, non plus, d'accuser les syndicats de corruption tout en insultant leurs membres.
Cette représentante des LPR a, également, défié le gouvernement en attestant: "Même si les ligues ont fauté, le gouvernement n'a pas le droit et n'est pas habilité à les dissoudre". Ceci incombe, selon elle, à la justice. Mme Maâlej a ensuite crié à la victoire des LPR et a précisé que le peuple a réitéré sa confiance en ces ligues et leur a donné encore plus de légitimité.
Enfin, cette représentante des ligues dites de protection de la révolution ne mâche pas ses mots en prononçant des menaces contre l'UGTT et l'opposition affirmant disposer d'une armada d'avocats (près de 200), qui seraient à la disposition des LPR afin de déposer des plaintes et de parvenir à leurs fins, "par la voix de la Justice", disait-elle.

Ainsi, face à l'annulation de la grève générale, les attitudes des parties prenantes par rapport à l’annulation de cette grève générale sont réellement divergentes, allant entre les discours prônant l'accalmie et ceux incitatifs, voire même menaçants. Dans cette ambiguïté, la crise semble n'être qu'en rémission et le feu de la discorde peut reprendre de plus belle à tout moment.

Dorra Megdiche Meziou
13/12/2012 | 1
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