A la Une
Tunisie - Les programmes économiques, talon d'Achille des partis politiques

{legende_image}
Tout le monde parle politique ces derniers temps alors qu’ils savent tous, partis politiques en tête, que la réussite de la démocratie en Tunisie passe par une bonne transition économique, qui relancerait l’économie et absorberait le chômage.
‘Nous ne pouvons opérer une répartition plus équitable des richesses, si nous ne créons pas ces dites richesses et à un rythme plus soutenu, pour absorber le chômage’, a clairement expliqué le professeur Néji Baccouche, membre de la commission nationale d’établissement des faits sur les affaires de malversation et de corruption.
‘Les partis politiques vivent encore en spectateurs. Pourtant, ils sont appelés à développer leurs diagnostics de la situation économique pour apporter les bonnes réponses, une fois au pouvoir’, n’a cessé de répéter Mohamed Haddar, président de l’Association des économistes tunisiens (ASSECTU), en ajoutant que ‘les slogans et les promesses creuses sont les pires ennemis de l’économie’.
L’ASSECTU a par ailleurs organisé deux colloques internationaux, en mai et en juin, pour aider à voir plus clair dans la transition économique. Le premier a axé sur les expériences internationales de transitions similaires en Amérique latine (Argentine et Chili), Europe du Sud (Espagne, Grèce et Portugal), Europe centrale et de l’est (Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Géorgie et Pologne). Le deuxième colloque s’est interrogé sur le modèle de développement à adopter pour la Tunisie démocratique. Un autre colloque est prévu sur les programmes économiques des partis politiques.
Les académiciens crient donc à qui veut bien les entendre que la période actuelle est cruciale pour le futur de la Tunisie. ‘Les premiers temps des ruptures sont décisifs et orientent inéluctablement les trajectoires à venir. La Révolution crée une situation nouvelle et appelle donc à une réflexion nouvelle sur les schémas et les programmes de développement du passé, rejetés par les Tunisiens’, a expliqué Ghazi Boulila, en marge du colloque de l’ASSECTU sur le modèle de développement.
La synthèse de ce colloque a par ailleurs émis plusieurs propositions pour les hommes politiques, à commencer par les vœux des Tunisiens qui ont fait la révolution. A cette question, la synthèse a répondu : ‘Tout d'abord, ils revendiquent l'emploi et la dignité. La dignité commence par un emploi durable et un revenu consistant, ainsi qu'une protection des pauvres et des vulnérables. Pour ce faire, une croissance à forte valeur ajoutée, créatrice d'emplois, inclusive, et acceptée par tous, est indispensable. En chiffres, cela implique la création, sur les dix prochaines années, de 170000 emplois par an, dont 80000 pour les diplômés’.
Il ne s’agit pas, bien sûr, de s’arrêter au niveau de la question. La synthèse a proposé une esquisse de réponse : ‘Premièrement, en adoptant une intégration dans la mondialisation sur la base d'avantages construits, et non pas banalisés. Deuxièmement, en promouvant un secteur privé dynamique et innovant, tant au niveau national qu'au niveau international. Troisièmement, en concevant de nouvelles dynamiques mettant à contribution l'ensemble des acteurs économiques (état, entreprises, ménages)’.
Elle a même présenté une approche pour faire face à la concurrence internationale : ‘l’économie tunisienne a peu de chances en l’état actuel d’être compétitive. Pour maintenir ses parts de marché, elle doit devenir plus efficiente et plus compétitive sur certains créneaux. Des marchés potentiels existent. C'est aux entrepreneurs tunisiens d'identifier ces niches potentielles, et c'est au gouvernement de les accompagner dans leur démarche. Au niveau du privé, il faut doubler le volume d'investissement national : actuellement de l'ordre de 12%, il faudra rapidement atteindre des niveaux « asiatiques » de 25%. En outre, ces investissements doivent être créateurs de plus de valeur ajoutée et d'emplois qualifiés’.
Concernant le rôle de l’Etat, il consiste à ‘accompagner ces transformations en faisant des choix réfléchis quant à la dissolution, la création, et la mise en place des structures et institutions qui relèvent de sa tutelle. L'Etat doit, également, jouer son rôle dans la redistribution de la richesse et dans la protection des vulnérables. La réussite de ce nouveau modèle dépend intimement des choix de l’Etat, ainsi que des décisions stratégiques et de la réactivité des investisseurs. Elle dépend en outre du génie, du savoir-faire, et du capital humain de la population, Ce cheminement repose sur l'instauration d'une relation de confiance entre l’Etat et ses citoyens, ainsi que sur le sacrifice de tous pour le bien commun’.
La même synthèse attire l’attention sur la nécessité de couper avec le passé en soulignant que : ‘les responsables façonnés pendant de longues années par la traduction des discours présidentiels en programmes et plans de développement continuent officiellement ou officieusement à tracer des programmes économiques et sociaux pour les enfants de la Tunisie. Ces mêmes personnes, qui ont systématiquement masqué la réalité et imposé une rétention de l'information empêchant toute réflexion ouverte, ne sont ni intellectuellement, ni moralement aptes à construire un nouveau modèle de développement pour la Tunisie’.
Elle signale les défauts de l’ancien modèle économique qui a généré un taux de croissance relativement élevé mais qui ne représentait qu'une face de la société et, bien que cadrant avec l'orthodoxie des institutions internationales, cachait une toute autre réalité. Celle-ci comportait : ‘(I) une corruption systématisée étouffant l'initiative entrepreneuriale ; (II) la pauvreté, la marginalisation, l'exclusion et la frustration d'une partie importante de la population ; III) l'inégalité criarde entre les groupes sociaux et les régions ; (IV) le chômage, particulièrement celui des jeunes diplômés’.
En guise de conclusion, et pour couper à tous ces maux de l’économie tunisienne et réussir la transition, la synthèse propose des pistes à adopter : ‘I) Des institutions économiques (droits de propriétés, règlementation de la concurrence) sont à reconstruire, en extirpant la corruption ; (II) Des institutions politiques stables et non-manipulables, au service du développement, sont à inventer ; (III) De nouvelles valeurs nationales sont à bâtir, basées sur le travail, l'innovation et la citoyenneté active ; (IV) Une meilleure prise en compte du secteur agricole dans les schémas de développement doit être atteinte, ainsi qu'une meilleure gestion des ressources naturelles, plus particulièrement l'eau ; (V) Un environnement des affaires sain doit être établi, incluant la mise en place (et le respect) d'un système de prévention de la corruption et de la malversation, un système fiscal équitable et au service du développement, et un système financier efficient et innovant ; (VI) Il est également crucial de mettre en place un système national d'innovation, dont les deux éléments essentiels sont, d'une part, les entreprises, qui doivent innover face à la concurrence internationale, sous peine de disparaître, et d'autre part l'articulation entre la formation, la recherche et l'innovation’.
Il est clair donc que le chemin est encore long et qu’il faut disposer de suffisamment de clairvoyance pour aborder ces virages difficiles mais essentiels pour réussir la transition économique. Les partis politiques sont-ils suffisamment avisés des enjeux ? That’s the question.
Commentaires
Pépites

On veut faire disparaitre Kamel Letaïef
05/05/2025
10

Mourad Zeghidi, fino alla fine*
05/05/2025
4