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Les Comar d’Or 2025 : la littérature tunisienne célébrée à Tunis et à Sfax
22/05/2025 | 21:18
5 min
Les Comar d’Or 2025 : la littérature tunisienne célébrée à Tunis et à Sfax

 

L’hôtel Majestic de Tunis a accueilli, jeudi 22 mai 2025, un événement revenant sur la 29e édition des Prix littéraires Comar d’Or, un rendez-vous désormais incontournable du paysage culturel tunisien. Organisés depuis 1997 par Comar Assurances, ces prix distinguent chaque année l’excellence du roman tunisien, aussi bien en langue arabe qu’en langue française. Cette année, un total de 76 romans, dont 55 en arabe et 21 en français, étaient en lice.

Depuis leur création, les Comar d'Or ont vu concourir 1 179 romans, écrits par 787 auteurs arabophones et 392 auteurs francophones. Cette longévité témoigne de l'engagement durable des organisateurs en faveur de la création littéraire tunisienne.

Une édition marquée par l’ouverture régionale

Grande nouveauté de cette édition 2025 : pour la première fois, la cérémonie a été retransmise en direct dans une autre région du pays. La ville de Sfax, et plus précisément Bab El Diwen, a accueilli un écran géant permettant au public sfaxien de vivre en immersion cet événement littéraire. Une initiative qui s’inscrit dans la volonté des organisateurs de démocratiser l’accès à la culture et de valoriser les talents littéraires sur tout le territoire tunisien.

Un jury pluridisciplinaire

Le jury de cette édition 2025 réunissait des personnalités issues de divers horizons : Ridha Kefi, journaliste et romancier, Mohamed Harmel, doctorant en philosophie, Amina Chnik, enseignante de littérature française et militante écologiste, Mokhtar Sahnoun, professeur en linguistique générale et française, et Azza Fillali, consultante en gastro-entérologie.

Les lauréats en langue française

Le Prix Comar d’Or 2025 a été attribué au roman « Écris, tu seras aimé des dieux » de Mahdi Hizaoui, publié chez Arabesques. Le jury a salué un texte au ton désabusé, teinté d’une réflexion existentielle où le narrateur, alter ego de l’auteur, traîne un regard désabusé sur les êtres, les phénomènes et les choses. Une vision du monde sévère, insolente et drôle.

Le Prix Spécial du Jury a récompensé « Le Vert et le Bleu » d’Abdelatif Mrabet, publié chez Contraste Éditions. Le roman met en scène un militant écologiste qui revient dans son pays natal pour réaliser son rêve : entretenir la terre familiale située au cœur de l’oasis maritime de Gabès.

Le Prix Découverte est revenu à Houda Mejdoub pour son roman « Écoute-moi ma fille », paru chez Arabesques. À travers les récits entrecroisés de plusieurs personnages appartenant à trois générations, l’auteure explore les relations familiales marquées par les non-dits et les malentendus, mais où l’amour finit par triompher.

Les lauréats en langue arabe

Le prix Comar d’or en langue arabe a été décerné à « لمن تجمع وردك يا مكرم » de شفيق الطارقي. Le jury a salué un roman sur l’humain en quête de sens à travers les échecs et les douleurs du quotidien, mêlant différentes formes artistiques pour évoquer la réalité culturelle dans sa richesse et ses blessures.

La mention spéciale du jury est allée à « أصحاب الهدهد » de سفيان رجب, salué pour la cohérence de sa structure, l’originalité de ses événements et l’intégration réussie du patrimoine soufi dans une langue à la fois simple et poétique.

Le Prix Découverte a été attribué à بلقيس خليفة pour son roman « نافذة على الشمس ». Le jury a apprécié une narration bien construite, abordant de multiples thèmes politiques et sociaux dans une œuvre qui cherche à redonner du sens à travers la littérature.

Une reconnaissance qui dépasse le cercle littéraire

Au fil des années, les Prix Comar d’Or ont su se forger une légitimité incontestée, autant auprès des auteurs que du lectorat. En témoigne la diversité des genres, des approches narratives et des thématiques abordées cette année encore, entre introspection existentielle, préoccupations environnementales, mémoire familiale et engagement social.

L’édition 2025 illustre parfaitement cette richesse : on y retrouve des voix confirmées comme Mahdi Hizaoui ou Abdelatif Mrabet, aux côtés de nouveaux talents tels que Houda Mejdoub ou Balkis Khalifa. Cette coexistence entre générations et sensibilités différentes donne à voir une littérature tunisienne vivante, plurielle, et profondément ancrée dans son époque.

Le livre comme miroir de la société

Les œuvres primées cette année s’inscrivent toutes dans une résonance avec les enjeux contemporains. Le roman de Mahdi Hizaoui, avec son ton ironique et ses interrogations métaphysiques, interroge le sens de l’écriture et du monde. Celui d’Abdelatif Mrabet évoque un combat écologique profondément localisé mais universel dans son message. Quant aux romans arabes, ils traitent de la quête de soi, du rapport au patrimoine, et des fractures sociales, comme autant de reflets des questionnements qui traversent la Tunisie actuelle.

Ces choix du jury témoignent d’une volonté de valoriser des œuvres qui pensent le réel, tout en renouvelant les formes de narration. La littérature n’y est pas simple divertissement : elle devient outil d’analyse, espace de résistance ou d’introspection, et parfois, un appel à l’action.

Un événement ancré dans la continuité, tourné vers l’avenir

Alors que le Comar d’Or s’approche de sa 30e édition, son impact n’a jamais été aussi visible. Le choix de Sfax comme ville partenaire pour une retransmission en direct n’est pas anodin : il symbolise une décentralisation culturelle, une volonté de rompre avec le monopole de la capitale sur les grands événements littéraires. Cette ouverture régionale pourrait bien devenir un tournant dans l’histoire du prix.

Comar Assurances, à l’origine de cette initiative, confirme ainsi son engagement de long terme envers la culture tunisienne, en misant sur la pérennité, l’accessibilité et la visibilité des œuvres et des auteurs tunisiens, dans les deux langues d’expression du pays.

Vers une nouvelle génération d’écrivains

À travers le Prix Découverte, les Comar d’Or continuent de détecter de jeunes talents et de leur offrir une reconnaissance souvent déterminante pour la suite de leur parcours. Ce prix a déjà permis à plusieurs auteurs de faire leurs premiers pas remarqués sur la scène littéraire tunisienne et internationale.

En cette 29e édition, l’émotion, la qualité des échanges et la diversité des lauréats ont rappelé que, malgré les mutations de l’édition et les défis du numérique, le roman tunisien demeure un lieu d’expression fondamental, à la fois intime et collectif, et un pilier de la vie culturelle du pays.

 

Hassen Khemakhem

22/05/2025 | 21:18
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