alexametrics
lundi 23 juin 2025
Heure de Tunis : 10:05
Chroniques
Les islamistes entre les mains de la justice ou la justice entre les mains des islamistes
Par Nizar Bahloul
30/05/2022 | 15:59
6 min
Les islamistes entre les mains de la justice ou la justice entre les mains des islamistes

 

Rached Ghannouchi convoqué devant le juge d’instruction dans l’affaire de l’appareil secret d’Ennahdha. Rached Ghannouchi interdit de voyage.

Quand on est anti-islamiste, il y a de quoi se réjouir après une pareille information. Cela fait des années que nous attendions une telle nouvelle. Cela fait un bail qu’on a désespéré de voir les islamistes prendre le chemin des palais de justice pour répondre de leurs actes.

C’était une des premières choses qu’on attendait après le putsch du 25-Juillet.

Il vaut mieux tard que jamais, diriez-vous ? Oui. Mais il ne faut pas se réjouir trop vite.

Cette histoire d’interdiction de voyage de M. Ghannouchi ne tourne pas rond et suscite des interrogations.

Si Kaïs Saïed voulait arrêter les islamistes, il l’aurait fait depuis son putsch du 25-Juillet. Pourquoi avoir attendu dix mois, alors qu’il y a des dizaines de dossiers les accablant ?

 

Le président de la République est de plus en plus isolé, aussi bien sur le plan national qu’international. Pour cette semaine, il a essuyé trois revers qui l’ont fortement perturbé le poussant à chercher une diversion pour regagner en popularité.

L’UGTT lui a publiquement dit non à son projet de Constitution et de participation à la commission consultative pour une nouvelle République. Il sait pertinemment que la centrale syndicale a une forte capacité de nuisance et qu’il lui sera difficile de réussir son projet sans elle. Il lui faut une grande adhésion du peuple. Après le revers des syndicalistes, il a essuyé celui des Doyens d’universités de droit et de sciences politiques. Qu’à cela ne tienne, il a joué la fuite en avant en envoyant balader tout le monde. Malgré le refus net, il a quand même publié un décret nommant les réfractaires dans la commission consultative.

Dernier revers, synonyme d’une grosse claque, le président algérien Abdelmajid Tebboun déclare que l’Algérie est prête à aider la Tunisie pour un retour sur la voie démocratique. Théoriquement, il devrait être groggy après cela. Il lui faut obligatoirement une diversion pour détourner l’attention de l’opinion publique.

Il convoque immédiatement les ministres de la Justice et de l’Intérieur. Officiellement, il leur parle de généralités.

Mais comme par hasard, dès le lendemain, les médias relaient l’information de l’interdiction de voyage de Rached Ghannouchi, ainsi que toutes les personnes impliquées dans l’affaire de l’appareil secret d’Ennahdha.

En notre qualité de média, on sait qui nous donne ce genre d’informations et pour quelle raison. Business News figure parmi les tous premiers médias à l’avoir relayée.

Théoriquement, le juge chargé de l’affaire devait informer le prévenu ou, à la limite, son avocat de cette mesure. Or Rached Ghannouchi a appris l’information de son interdiction de voyage dans les médias. La preuve est que son assesseur Maher Medhioub s’est précipité pour la démentir avant de se rétracter plus tard.

Le fait que l’information de l’interdiction paraisse d’abord dans les médias, qu’elle survienne le lendemain de la convocation de la ministre de la Justice par le président, le lendemain de la déclaration du président algérien et trois jours après les claques envoyées par l’UGTT et les doyens, n’est pas du tout un hasard de calendrier. Il faut être naïf pour croire qu’il y a un hasard dans la politique.

 

Clairement, sans l’ombre d’un doute, Kaïs Saïed est derrière cette mesure frappant Rached Ghannouchi. L’affaire de l’appareil secret traîne depuis 2014, il est impensable que le juge la traitant ait décidé des mesures spectaculaires en ce moment précis où le président de la République essuie une véritable déconfiture.

Kaïs Saïed a besoin de regagner en popularité aux yeux des Tunisiens, mais aussi aux yeux de certains partenaires étrangers. Qu’y a-t-il de mieux que de présenter le président des islamistes comme offrande ?

Cela fait dix mois que Kaïs Saïed a effectué son putsch et cela fait dix mois que les islamistes sont ménagés de toute poursuite judiciaire sérieuse.

Ce ne sont pourtant pas les affaires qui manquent.

Rappelons juste les affaires spectaculaires. L’islamiste radical et président d’Al Karama Seïf Eddine Makhlouf demeure en liberté bien qu’il ait outragé publiquement un magistrat et agressé physiquement sa collègue Abir Moussi. Le député nahdhaoui Néji Jmal a giflé, devant les caméras, sa collègue Zeineb Sefari. L’islamiste radical d’Al Karama Mohamed Affes a multiplié les prêches invitant les terroristes à partir faire le djihad en Syrie. L’ancien procureur Béchir Akremi est impliqué dans de multiples affaires où on le soupçonne d’avoir étouffé les dossiers des islamistes.

Tous ces énergumènes jouissent encore de leur liberté, alors que leurs affaires sont claires comme de l’eau de roche.

Peut-on, dès lors, dire que la justice est entre les mains des islamistes ? Le raccourci n’a rien de simpliste, il nous est imposé. Il y a trop de faits, trop de suspicions, trop d’affaires douteuses.

 

Maintenant que Rached Ghannouchi est convoqué par la justice et qu’il est interdit de voyage, peut-on dire que les islamistes sont désormais entre les mains de la justice ?

Bien sûr qu’on l’espère fortement, mais si cela s’avère vrai, ce serait pour de mauvaises raisons.

Si Kaïs Saïed voulait faire arrêter les islamistes, il l’aurait fait depuis le 25 juillet. Il a multiplié les actes abusifs à l’encontre de plusieurs opposants politiques, mais il n’a rien fait contre Rached Ghannouchi et son entourage.

Le président a mis la pression la semaine dernière, juste pour utiliser l’islamiste comme écran de fumée. Il l’a déjà fait il y a quelques semaines quand il l’a fait convoquer au lendemain de l’organisation d’une plénière à distance de l’assemblée.

Le chef de l’État a besoin que l’on regarde ailleurs, il a besoin d’une diversion.

Il utilise les islamistes comme un joueur d’échecs utilise des pions.

 

Sauf que Kaïs Saïed est un piètre politicien et certainement un très mauvais joueur d’échecs (si jamais il sait jouer). Face à lui, Rached Ghannouchi est un véritable renard endurci.

En tout état de cause, cette nouvelle histoire va être à l’avantage de l’islamiste, comme l’a été l’arrestation abusive de Noureddine Bhiri. Il y a eu beaucoup de bruit pour rien au final.

Kaïs Saïed a beau dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature et exercer des pressions sur les magistrats, il n’obtiendra rien. La raison ?

Parce qu’il n’est pas sincère. Ses pressions n’ont pas pour objectif d’atteindre la justice, elles ont toutes des objectifs politiques. C’était le cas avec Bhiri, Taïeb, Makhlouf, Ben Gharbia…

Le président prend une affaire, la monte en épingle et pense que la justice va le suivre. Sauf qu’en piètre politicien, il prend les mauvaises affaires, voire des affaires qui n’existent que dans sa tête.

Les vraies affaires impliquant les islamistes, elles, sont toutes étouffées par les magistrats. Pourtant, elles sont bien nombreuses. Quand bien même le président voudrait faire bouger l’une d’elles, il ne trouve pas de répondant chez les magistrats. Ces derniers auraient bien pu accepter de travailler dans l’intérêt suprême de la justice, en faisant fi de leurs tendances idéologiques, mais ils trouveront mille et une excuses pour ne pas être des pions entre les mains d’un piètre politicien.

La Justice, c’est quelque chose de sérieux monsieur le président, c’est même la chose la plus sérieuse, elle ne peut pas être utilisée comme un écran de fumée ou une diversion.

Par Nizar Bahloul
30/05/2022 | 15:59
6 min
sur le fil
Tous les Articles
Suivez-nous
Commentaires
Petit x
@ NB
a posté le 31-05-2022 à 17:50
Vous me faites marrer lorsque vous dites "GHANNOUCHI est un renard endurci".... en politique vous l'entendez !

Non, la vérité c'est que le gourou de la secte Ennakba n'est qu'un vulgaire extrémiste religieux traître à la Nation, au service du sultan ottoman Merdogan qui a joué sur la fibre du terrorisme islamiste pour faire peur aux tunisiens; chose qui lui a permis d'exister des années 70 aux années 2000 et d'arriver à s'imposer sur la scène politique depuis 2011, aidé dans sa besogne par ses maîtres protecteurs à l'international de la nébuleuse des frères musulmans et de la gauche tunisienne de HAMMA HAMMAMI & co.

GHANNOUCHI, petit prof d'instruction religieuse au lycée de Bab El Khadhra à Tunis, présenté comme un génie en politique moderne, allez, soyez sérieux les gars !!!

Ali
X Petit x
a posté le à 12:42
Merçi de. Vote Post Petit x
Vous avez tout dit.
habib
objectivité
a posté le 31-05-2022 à 10:24
Déjà, en qualifiant les mesures du 25 juillet de putch , tu ôtes à ton papier toute objectivité, et à ton analyse toute crédibilité, mais n'est pas professionnel qui veut.
TRA
@AR: Bonjour !
a posté le 31-05-2022 à 10:18
Désolé d'où vient cette énorme domination d'Ennahdha dans l'état tunisien ?!
Je n'aime pas Ennahdha et je suis allergique aux religions, mais je dois dire qu'Ennahdha depuis 1956 n'a gouverné qu'une seule année , n'est-ce pas ? De plus, depuis le 25 juillet, Ennahdha n'a aucune influence sur les événements politiques du pays. S'il vous plaît, je veux bien qu'on me fasse la leçon !
AR
@ TRA, bonjour
a posté le à 11:35
Sans prétention pour donner des leçons, le com est une opinion supportée par des arguments et des faits.
Pour vous rappeler que l'histoire de la secte ne date pas d'hier, le recrutement et l'initiation des jeunes c'était vers les années 70.
Quel rapport ? C'était l'idée fondamentale, bien préparer son coup pour le jour J et accéder au pouvoir.
Mais avec un handicap de taille, d'après même l'aveu du gourou et son entourage : le manque de compétences.
Une année vous dîtes ?
Les ministères clés ont été dirigés par des pro secte depuis 2011, sauf au début du gouvernement Mechichi.
La secte n'a pas besoin de pratiquer directement, ses proches s'en chargent et on y voit que du feu.
Les séquelles du passage de l'ouragan sectechien sont encore visibles dans toutes les articulations de l'état et les derniers événements le prouvent.
Pour remettre en place des structures saines et eleminer les parasites il faut du temps et la patience.
Ali
Justice.
a posté le 31-05-2022 à 09:36
Cet affaire va ns permettre de savoir si vraiment la justice a été ou non noyautee par les islamistes. La justice qui clame haut et fort son indépendance est cette fois ci à la croisée des chemins et devant une occasion historique de donner des gages sur son indépendance et de prouver que le corps de la magistrature est integre. Si non tous les reproches dont elle est la cible s'avereraient vrais.
AR
L'ingratitude blesse, l'injustice outrage, l'insensibilité révolte, les reproches froissent, la négligence altère, l'oubli et la légèreté détruisent.
a posté le 31-05-2022 à 02:15
Le pouvoir a toujours façonné la justice pour la soumettre à son service , ses désirs et surtout décimer les opposants.
Bourguiba puis B.Ali , ont fait de la justice un appareil de destruction, le rouleau compresseur, pour démolir toute tentative de désobéissance.
La secte, arrivée au pouvoir, n'a pas dérogé à la règle, par son entrisme minutieusement déjà préparé, a veillé à protéger ses derrières, prévoir les jours difficiles et garantir une hégémonie sur les articulations de l'état, histoire de contrôler toutes les situations.
Un seul appareil a échappé à la vigilance de la secte : l'appareil militaire, rebelle insoumise, malgré plusieurs tentatives de déstabilisation.
Bhiri, en tenant le palais, a réussi à implanter ses fidèles et placer ses pions dans les endroits les plus sensibles.
Nettoyer cet appareil s'est avéré une tâche bien compliquée, qui nécessite du temps, des femmes et des hommes loyaux.
Le président n'est pas le justicier à assurer ce boulot, et même avec ce coup de sang neuf, la justice peine à bouger, les mauvaises habitudes et la manière de gérer les dossiers n'ont pas changé, pour ce il faut attendre. La justice comme vous le soulignez, est un défi extrêmement sérieux, c'est le fondement de la République.
Fares
L'art de se tirer un obus dans le pied
a posté le 30-05-2022 à 18:49
Ces diversions ne dupent plus personne. Les médias et les tunisiens ont réagi à celle là par un "Gib ghirha ya aysoun afandi".

Saïed s'est tiré une balle dans le pieds avec l'affaire Bhiri. Il n'a plus de crédibilité quant il s'agit de la lutte contre les islamistes. Sa crédibilité est vendue à un dinar à Moncef Bey, et personne n'en veut. Au contraire, Saïed protège le nid de Daechiens connu sous l'appellation: Université Kharadhaoui.

La béquille Ennahdha est en fin de vie ya Kais et ya Kaisounistes, je compte sur votre créativité pour trouver mieux, sinon vous êtes foutus.

nazou de la chameliere
Y'a aussi
a posté le 30-05-2022 à 17:28
La circulaire de la plante verte !!!
C'est une bombe qui va exploser à la tête des Tunisiens !!

Il n'y a plus de contre pouvoir.
Les apprentis sorcier vont appliquer des décisions, qui ne sont voté par aucune majorité, ni parlementaire ni présidentielle !!!
DHEJ
Oui tout à fait...
a posté le 30-05-2022 à 17:13
Car la JUSTICE tunisienne est extra-constitutionnelle...

Le code pénal n'est pas cité dans la constitution de 2014 non plus dans le décret du 22 septembre.