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Chroniques
Chahed et HCE se sont battus, Ennahdha a gagné
31/07/2018 | 16:59
4 min

Par Synda Tajine

 

Dans le grand bouleversement qui a accompagné le vote de confiance du nouveau ministre de l’Intérieur au parlement émerge désormais une certitude : l’espoir de voir un contre-pouvoir solide et réel au parti islamiste Ennahdha n’est plus. Du moins pas dans un avenir proche et pas avant les prochaines élections de 2019 qui marqueront, sans grande surprise, un raz-de-marée islamiste.

 

Si certains (dans leur grande naïveté) ont vu en Nidaa Tounes le grand contrepoids qui marquera le changement (bernés par les slogans du vote utile), ils ne peuvent que déchanter aujourd’hui. Les chantiers qui attendent ce parti sont tellement titanesques qu’il ne pourra pas sortir la tête de l’eau avant plusieurs années. S’il y arrive un jour…

Qu’on se le rappelle, Nidaa Tounes a été le grand gagnant des législatives de 2014. Il était donc, à un moment, le parti au pouvoir. Ennahdha, qui est arrivé deuxième, a eu l’humilité de prendre le recul nécessaire pour digérer sa défaite. Il en sort grandi aujourd’hui.

 

Les multiples bourdes multipliées par le parti de Béji Caïd Essebsi (à l’origine) et de Hafedh Caïd Essebsi (aujourd’hui) étaient tellement énormes que le parti islamiste n’a pas eu besoin de rester dans l’ombre longtemps. Il suffisait de se baisser pour ramasser les fruits de l’incompétence et du manque de discipline de son adversaire au pouvoir. D’abord en faire un allié, ensuite regarder sa déchéance en ricanant et en assoyant sa popularité. Aujourd’hui, dans le parlement, le seul parti capable d’assurer une discipline de fer, de tenir des positions assumées et de savoir réellement ce qu’il fait est sans conteste Ennahdha. Aucun adversaire à l’horizon. Pas même à plusieurs kilomètres à la ronde.

La position d’Ennahdha au sujet du vote de confiance de Hichem Fourati était claire dès le début. Le parti (qui cherche au fond uniquement ses intérêts propres, qu’on ne se leurre pas) a sorti les grands discours de « l’intérêt de la nation », « de la stabilité gouvernementale et politique » et de « la pérennité des institutions de l’Etat ». « Nous voterons pour Hichem Fourati », aussitôt dit, aussitôt fait. Dans sa discipline implacable, 65 députés d’Ennahdha étaient présents et 65 ont voté pour. Une erreur de vote concernant le chef du bloc Noureddine Bhiri a aussitôt été dénoncée par ce dernier, afin de ne pas porter préjudice à la discipline du parti.

 

Si les mêmes arguments ont été brandis par le parti de Hafedh Caïd Essebsi, ils n’auront réussi à berner personne. Le même parti, dont la moitié de députés annonce qu’elle votera pour et l’autre moitié contre, finit par faire volte-face à quelques heures du vote pour se ranger du côté de la majorité…et tenter de sauver (ce qui reste de) son honneur. Ridicule et décevant. Dans les coulisses, et pendant des jours, Hafedh Caïd Essebsi et acolytes ont multiplié les opérations de lobbying afin de saboter le nouveau ministre du gouvernement Chahed. Cela n’a pas fonctionné et au lieu d’assumer ses positions jusqu’au bout, le parti préfère opérer un revirement qui ne leurre personne. Comment justifier cela ? Comment regarder en face ceux qu’on avait, dans la même journée, menacé s’ils s’aventuraient à voter pour ? Hafedh Caïd Essebsi finira-t-il par dissoudre « son » parti comme il avait menacé de le faire ? Nous ne sommes pas à une position ridicule près….

Nidaa Tounes nomme un chef de gouvernement parmi ses membres, un des leurs, un des enfants du parti, ensuite met tout en œuvre pour le saboter. Le parti adverse regarde en ricanant, un bol de glibettes turques à la main, et se dépêche pour lui offrir le bras afin d’amortir sa chute. Il en fait son protégé et multiplie les positions pour le soutenir. Comment ne pas sauter sur un gain aussi facile ?

 

Hafedh Caïd Essebsi pourra continuer à parler d’intérêt de la nation, Béji Caïd Essebsi pourra continuer à dire qu’il est contre « le legs du pouvoir », personne n’y croit plus désormais. Enfin ceux qui y ont cru à un certain moment, ceux-là mêmes qui croient aux licornes qui chantent…

Il faut être dupe pour croire qu’un parti qui se disloque depuis des années est encore capable de positions honorables. Il faut être encore plus dupe pour croire qu’un président de la République, qui se présente lui-même comme l’héritier d’un ancien président, soit contre l’héritage du pouvoir. Ne le soyez pas…

Une opposition, une gauche politique ou une alternative tout court au parti Ennahdha (appelez-ça comme vous voulez) s’est consumée petit à petit, au fil des années, et de l’exercice politique. C’est dire qu’elle n’a pas eu le recul nécessaire pour préparer son arrivée sur la scène. C’est dire aussi qu’elle n’a pas atteint la maturité nécessaire pour s’y faire une place aujourd’hui. Entre Nidaa Tounes dont on ne compte plus les bourdes, Afek Tounes qui privilégie toujours la fuite en avant qu’une position assumée (avouez que c’est quand même plus facile), un Machrouû qui n’est pas capable de discipline partisane et…tous les autres.

 

Toute cette énergie politique perdue n’aura servi qu’à montrer l’ampleur du désastre de nos partis actuels. Elle aurait été plus bénéfique au pays si elle avait servi à s’atteler à des chantiers moins loufoques et plus vitaux. La crise de l’eau et des médicaments (pour ne citer que ces ceux-là), ils y pensent ?  

 

31/07/2018 | 16:59
4 min
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Commentaires (14)

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Imed
| 01-08-2018 15:56
Un vieux renard edente a plusieurs tours dans son sac...
Beji Caied Essebsi a toujours ete un homme de clans,et fin manipulateur,qui ne defend que ses interets et ceux de ses proches.....Il sera toujours pret a tout balancer afin d atteindre ses objectifs egoistes.Revivez toute sa route " politique" et sa vie privee.......le resultat est deshabillant

Sensei
| 01-08-2018 15:03
Une rigoureuse et pertinente analyse de l etat des choses ! Bravo ! Tout le monde se dit connaitre Ennahda et son presume " obscurantisme" mais personne ne parle de la vraket nature des conflits d interets entre les groupes qui ont fait de Nida un karakouze suicidaire ?

canada
| 01-08-2018 12:09
c'est exactement ce que je voulais dire.........
tjs et tjs des attaques contre la famille Sebsi et chahed tjs épargné .....
c flagrant .....

Karim Benzarti
| 01-08-2018 11:53
Il y a un état tunisien mais en aucun cas "un peuple tunisien" a 99% "le tunisien" aiment sa région plus que "son pays" ,le jour ou nous aurons compris cela nous aurons régler 90% des problèmes.
Si nous voulons un avenir un minimum serein ce sera uniquement dans un etat federal ou les régions du sud et de l ouest pourrons s épanouir librement.
A défaut de cela se sera la somalie 2 et dans un laps de temps plus proche que vous ne pouvez l imaginez .

je dis la vérité
| 01-08-2018 11:23
J'ai lu l'article de bout en bout.
D'accord, le mouvement Nahdha semble gagner la partie. En apparence, mais réellement non....

Ce parti appartient à la mouvance des frères musulmans. Les frères musulmans sont disciplinés et ne se trahissent pas, c'est leur méthode. Il jurent sur le Coran, qu'ils ne se feront pas des coups bas. Tout cà, on le sait. Mais, nous autres citoyens, nous voulons des programmes pour développer le pays, sauver son économie et lutter contre le chômage et la précarité.

Tout parti politique, qu'il soit en Tunisie ou ailleurs dans le monde, se fixe des objectifs, compte tenu des moyens et des circonstances. Un pays disposant de ressources énormes, en gisements miniers, gaz ou pétrole, peut s'enliser, s'il ne planifie pas son avenir. On peut dépenser tant d'argent à tout va, mais le pays trébuche et stagne dans le sous-développement. Je ne m'étale pas sur ce sujet....

Revenons à la Nahda....Est-ce que ce parti est capable de sortir ce pays du marasme économique? Non, bien sûr.
A mon sens, si le mouvement,quoique deuxième parti, lors des dernières législatives, savait qu'il ne serait pas en mesure de faire progresser l'économie tunisienne. Alors, il se rallie ou se cache, pour ne pas perdre la face, devant ses électeurs et tous les Tunisiens.
La Troïka, sachons -le, avait lamentablement échoué et jeté le pays dans une crise structurelle. Politiquement, cette Troika, s'était mal conduite : envoi des salafistes sur les fronts de Syrie et peut-être ailleurs, maladresses diplomatiques graves, troubles sociaux, représsions des manifestants, etc....Son bilan est inoubliable....Eux, les nahdaouis, le savent....
Le fait de cautionner, le parti Nidaa au Parlement et de voter pour tous ses projets, les islamistes cautionnent une mauvaise politique, économique tout au moins.Eux aussi, ils sont à court d'idées. Il n'y a pas de programme miracle. Aucun parti politique en a.

Si le chef du gouvernement Chahed, a échoué, c'est ceux qui l'ont soutenus.
A mon sens, du point de vue des électeurs, ils sont dans le même sac....

L'électorat tunisien, y compris, celui des islamistes, est blasé. Les prochaines législatives de 2019, verraient des votes sanctions. Peu d'électeurs iraient voter. Même municipales, même législatives. Nous aurions un Parlement peu représentatif des citoyens. Mauvais signe.....Des crises s'en suivraient.....

Hamza
| 01-08-2018 09:13
La premiere question qu'on doive se poser est :
Pourquoi ces partis ne reuississent pas a imposer une discipline interne aupres de ces adherents, et pourquoi ils echouent toujours a se montrer unis?
La reponse est simple, les adherents de chaque partis n'ont pas confiance entre eux et de deux la strategie politique qu'ils adoptent est : l'asymetrie. Leur slogan : Nous sommes contre ceux qui sont en face, nous sommes pas les autres, nous sommes differents du parti du Nahdha. Et alors , etre different du Nahdha ne veut pas dire que tu es mieux, tu peux etre pire encore. Pour cela , il faut que les partis se demarquent de cette strategie has been pour une strategie qui se tourne vers le peuple en mettant le doigt sur les vrais problemes soit le chomage, la nourriture la sante et la securite. Cette classe politique doit savoir que la politique du 21 siecle se base essentiellement sur des programmes economiques et non pas sociaux ni ideologiques. En deux mots, passons au choses serieuces et evitons les discussions politiques vides de sens

Khneji
| 01-08-2018 00:14
Chahed en desaccord avec son propre parti ,avec BCS ou avec HCS ....ca n enpeche pas la Nahdha de marquer des points et de gagner toujours qque soit le climat politique !

MFH
| 31-07-2018 23:01
2012 : BOUCHLAKA, gendre de Ghanouchi, était ministre des AE. Personne n'imagine que la demande de recrutement de la future épouse du fils du vice Président de l'arp, puisse faire l'objet d'un rejet. On ne finit pas de prendre le tunisien pour un idiot fini.

mansour
| 31-07-2018 19:51
Et la surprise viendra de Nous pour un dernier sursaut patriotique en votant massivement pour Madame Abir Moussi et la forces patriotique et constructive de l'UGTT pour sauver le pays des islamistes freres musulmans

Ali Baba au Rhum
| 31-07-2018 17:47
bravo ! au royaume des corrompus , les fanatiques sont rois.