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SUR LE FIL
Quand il est dur d'avancer, ce sont les durs qui avancent
Par Nizar Bahloul
27/01/2025 | 15:59
7 min
Quand il est dur d'avancer, ce sont les durs qui avancent

 

Le mois de janvier touche à sa fin, marquant la fin de l’utilisation actuelle des chèques. Une formule qui date de l’invention des chèques et qui est la même partout dans le monde.

À partir de la semaine prochaine, un nouveau format de chèques entrera en vigueur. Entretemps, les anciens chèques ne sont plus acceptés. Depuis quelques jours, nous sommes confrontés à des situations ubuesques : les nouveaux ne sont pas encore arrivés et les anciens ne sont plus en vigueur. Comment payer les gros montants ? Chacun se débrouille comme il peut.

Aux recettes des finances, on refuse les chèques, mais aussi le paiement en espèces des montants dépassant les trois mille dinars. Les cartes bancaires sont souvent plafonnées et ne permettent pas d'effectuer des paiements de cinq chiffres et plus. Il en va de même pour les virements par téléphone portable, eux-aussi handicapés par des plafonds ridicules. Les banques sont d’ailleurs incapables de fournir des réponses claires aux clients. Dans les commerces, c’est la débandade totale. Nous sommes en pleine période de soldes, mais les magasins tournent à vide. Peu de clients passent à la caisse.

La situation est particulièrement critique dans les cliniques. On peut toujours reporter l’achat d’un téléviseur ou d’un réfrigérateur, mais pas le règlement d’une clinique en cas d'urgence médicale. Concrètement, ces derniers jours, on imposait aux gens de ramener des espèces pour payer leurs factures. Des espèces que même les banques n’ont pas dans leurs coffres et qu’il faut « commander » au moins 24 heures à l’avance pour les obtenir.

En résumé, le législateur n’a pas bien préparé le changement et a laissé face à face banquiers, commerçants, clients, et même les propres services de l’État.

Au lieu de prévoir une période de transition de six mois pour permettre aux anciens et aux nouveaux chèques de coexister, le régime de Kaïs Saïed a imposé des dates fermes et n’a accordé aucune marge de manœuvre. Abrupt comme toujours, il impose son diktat sans tenir compte des problèmes rencontrés par les citoyens et de leur urgence.

 

Un régime qui refuse le débat, l’expertise et les avertissements

Ce qu’a entrepris le régime de Kaïs Saïed avec le changement de la loi sur les chèques va non seulement mettre l’économie sur la glace, mais aussi ralentir la croissance. C'est déjà le cas, puisque la période de transition se déroule très mal.

L’histoire des chèques reflète la politique générale de Kaïs Saïed. Il décide d'abord, puis constate les conséquences par la suite.

Le régime ne sait pas mener d'études d'impact au préalable. Il ne sollicite pas l'avis des experts pour s'assurer que les changements répondent aux attentes. Il refuse tout débat public dans les médias pour discuter des projets de loi et des réformes. Il ne met pas en place de campagnes de communication explicatives et ludiques pour accompagner ses nouvelles lois.

Quand Kaïs Saïed a une idée, il la transcrit ou la fait transcrire sous forme de projet de loi, que son Parlement de 11% vote les yeux fermés, et les Tunisiens subissent ensuite ses conséquences. Il impose, le parlement dispose et les Tunisiens subissent.

On a vu ça avec le décret 54, la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature, la loi sur les sociétés communautaires (cette idée stalinienne est une réelle absurdité économique qui a montré ses limites depuis plusieurs décennies), son décret de réconciliation qui n’a rien rapporté, ses multiples campagnes contre les spéculateurs qui ont engendré des inflations et des pénuries, son refus d’aller voir le FMI tout en s’endettant auprès de banques commerciales internationales aux intérêts usuriers, etc. Sa dernière « trouvaille » en date est la décision de recruter des enseignants vacataires, alors que rien n’a été prévu dans la loi de finances 2025 pour payer ces 14.266 nouvelles recrues. Le pouvoir n’est même pas capable de respecter sa propre loi, pourtant votée il y a quelques semaines à peine !

Les avertissements des médias, de l’opposition et des experts ont alerté suffisamment à l’avance du danger de certaines des idées de Kaïs Saïed, mais cela ne l’a jamais empêché de continuer tout droit vers le mur (ou vers le puits). En guise de réponse, il a crié au complot, au mépris des riches contre les pauvres (CQFD) et à la nécessité de ramener des idées nouvelles parce que les anciennes, dit-il, ont montré leurs limites.

Un dirigeant a le droit d'avoir de mauvaises idées, mais il n'a pas le droit de ne pas écouter les opinions contraires qui les réfutent en lui apportant des arguments solides. On ne peut pas, à chaque fois, se permettre de tomber dans le puits pour constater que c’en est un (proverbe tunisien).

 

Les Tunisiens subissent de plein fouet le diktat présidentiel

La situation étant ce qu’elle est, les Tunisiens subissent de plein fouet le diktat présidentiel. Les uns sont emprisonnés à cause du décret 54, d’autres le sont parce qu’ils ont refusé de payer des sommes astronomiques et irréalistes, d’autres encore ont fait faillite à cause de la guerre menée contre les prétendus spéculateurs.

Nous ne sommes pas au bout de nos peines, et il est à parier que l’année 2025 enregistrera un nombre record de faillites de petits et moyens commerces qui ne subsistaient que grâce aux chèques antidatés. Les grands investisseurs, qui sont les seuls capables de créer des emplois et de relancer la croissance, sont dans l’expectative. Les uns ont peur d’être touchés par les vagues d’arrestations des hommes d’affaires et des plus nantis et se terrent. Les autres sont incapables d’avancer ne serait-ce qu’un iota, faute de visibilité suffisante, puisque la loi de finances 2025 est déjà en partie caduque à cause des décisions présidentielles irréfléchies.

Face à cette réalité amère, où il est difficile de progresser, seuls les plus résistants y parviendront.

Il faut en effet avoir des reins solides pour continuer à survivre sous un régime qui ne sait pas prévoir, qui ne sait pas anticiper, qui ne débat pas et qui n’écoute pas.

Les petits commerces qui ne subsistaient qu'avec les chèques antidatés vont devoir mettre la clé sous la porte. Ceux qui ont un bon bas de laine vont se réinventer et survivre.

Les malades qui ont de l'argent vont pouvoir entrer immédiatement dans les cliniques pour se soigner. Les autres ne pourront pas se soigner, car ils n’auront pas les moyens de payer leurs factures.

Ceux qui envisageaient de se marier ou de partir en vacances à crédit vont devoir reporter leurs projets. Seuls les plus nantis ont désormais droit au bonheur immédiat.

 

La sélection naturelle selon Darwin

Ce qui nous arrive là obéit à l'une des plus anciennes lois de la nature, voire la plus ancienne : celle de l’évolution. Telle que décrite par Charles Darwin, la sélection naturelle nous enseigne que les espèces qui ne s’adaptent pas aux changements vont devoir disparaître.

« Ce ne sont pas les espèces les plus fortes ou les plus intelligentes qui survivent, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements », disait-il en 1859.

Concrètement, Kaïs Saïed a imposé de nombreux changements dans le pays. Seuls ceux qui vont pouvoir s’adapter à ces changements vont pouvoir survivre. Ceci est valable pour les commerces, mais également pour les individus.

 

Je saute du coq à l’âne pour aller voir ce qui se passe sous d’autres cieux où l’herbe est plus verte.

Cette semaine, juste après son investiture, le 47e président des États-Unis Donald Trump a annoncé l’injection de quelque 500 milliards de dollars dans le méga projet Stargate de l’intelligence artificielle. Conscient que cette technologie est un changement majeur pour l’humanité toute entière et qu’elle va tout révolutionner, M. Trump a trouvé les fonds et les hommes capables d’opérer ce changement.

En chiffres plus concrets (source OCDE), les États-Unis ont investi en intelligence artificielle quelque 55 milliards de dollars en 2023. La Chine, plus modeste, a investi 18 milliards de dollars. L’Union européenne, encore plus modeste, a investi huit milliards de dollars, alors que la France, Israël, l’Allemagne et l’Inde ont investi deux petits milliards de dollars chacun.

En Tunisie, pas pressée d’opérer ce changement comme le reste de l’humanité, Kaïs Saïed a déclaré que l’intelligence artificielle est un danger imminent. En clair, le président Saïed est sceptique et ne semble pas prêt à opérer ce changement. Que disait Darwin à propos de ceux qui ne savent pas s'adapter aux changements ?

 

  • Titre inspiré par une citation apocryphe de John Fitzgerald Kennedy
Par Nizar Bahloul
27/01/2025 | 15:59
7 min
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Commentaires
Mzali Neigette
Chéquiers
a posté le 04-02-2025 à 12:15
Dérive totale et ILL'?GALIT'?S se sont infiltrées dans les procédures : des Abus d'autorité '?normes ! ET une perte énorme de formation et de responsabilité des personnels qui ""suivent "" des surenchères ( corruptions ? ) / et des pressions !!!
2 / Méconnaissance du citoyen moyen et du rackett monumental des Mobiles : on va avoir de gros soucis et problèmes ! Un code affiché à la disposition de tout bricoleur/ bidouilleur de téléphones 3/ Pas de planification, et de prévisibilité dans le temps pour et dans l'organisation : On a interdit les paiements par chèques bien avant d'avoir informé et puis organisé l'édition des nouveaux documents....qu'il faut attendre 1 ( une) semaine !! On se trimballe avec quoi Des sommes importantes.....alors que les Vols à la tire sont en augmentation constante !
4/ La Vie Publique de tout un chacun, dés qu'il sort, est un traquenard et une épreuve !
Voilà le tableau dans lequel il faut agir pour assainissement !
Houda
Seule la vitesse arrirre
a posté le 28-01-2025 à 14:53
Est en marche chez lui sa boîte a vitesse est rouillée et LARP n a recrutés que des man'?uvres leurs seuls outils c est des marteaux pour démolir nous sommes en pleine démolition de notre histoire puisque le chef chantier est aussi un ouvrier non spécialisé
Gaha
Bel article
a posté le 28-01-2025 à 14:39
Bravo journaliste pour cette analyse brillante et surtout courageuse... continue à nous éclairer et à nous dire nos quatres tristes vérités...
fares
Pauvre Tunisie !
a posté le 28-01-2025 à 11:08
Pourquoi les responsables n'ont pas pensé aux retraités seniors qui n'ont plus le réflexe de suivre ce changement de chèque non réfléchi.
Pour se soigner ils trouveront des difficultés énormes avec les cliniques qui refusent les anciens chèques, encore on parle de la promotion de l'investissement, avec ce gabegie, il me semble que ni les étrangers ni les nationaux s'aventureront pour créer de la richesse. Est-ce que les responsables sont conscients de ces problèmes ? où sont les compétences du pays ?
Merci Si Bahloul de cet éclairage inédit.
le financier
je vous avez prevenu il y a plus de 6mois
a posté le 27-01-2025 à 21:26
Je vous l avez dit il y a plus de 6 mois que vous allez pleurer du sang en 2025 mais ce n est qu un debut néanmoins l etat ne devrait pas tarder a injecter un peu d argent entre fin fevrier jusqu a juillet , payer les impayés ses fournisseurs ....
La fin de l annee a partir d octobre les manifestation commenceront parceq les penuries commenceront a venir du fait de l echec de la politique de KS. Il se rendra compte que sa politique a echoué et mettra en prison les hommes politiques qui l ont mal servi .
L ambiance sera tendu et, apres la recolte d olive , decembre janvier , l etat sera obligé de réduire les salaires les pensions, n en payant qu une parti .
Les TRE se feront taxés bcp + cet été .
A quand KS se decidera a appliquer le tournant mitterandien .

Vous avez ecris : " Quand Kaïs Saïed a une idée"
Il n a pas d idee quelqu un tire les ficelles son frere ou autre
Chelbi
Il faut revenir à la source du malheur
a posté le 27-01-2025 à 20:01
Et la source de tous les malheurs ci-haut cités c'est bien le braquage armé du pouvoir un certain 25 juillet n'est-ce pas? Ou bien on ne rappelle du désastre qu'a travers ses conséquences (dissolution de CSM, article 54, détentions hors la loi, kidnapping, destruction systématique de l'économie, etc)?

Il n'a pas avalé tous les pouvoirs lâchement pour améliorer nos vies. Il a avalé le pouvoir parce qu'il a perdu contrôle de ses désirs et a attrapé la meme maladie dont tous les dictateurs arabes souffrent. Sauf qu'honnêtement, les symptômes de cette maladie étaient bien visibles avant le 25 juillet. C'est juste la haine et l'aveuglement idéologique qui nous traine dans la boue sans avoir les moyens de s'en sortir après. Exemple, est-ce que Les Abbou sont capables de faire quelque chose aujourd'hui?
Lambda
Excellent article
a posté le 27-01-2025 à 19:37
Excellent titre de JFK et excellent article, mais mieux que tout ça, la chute et son second degré, ils sont divins. Bravo nizar, c'est du must que tu nous fais.
Juan
la suisse comme exemple ..........
a posté le 27-01-2025 à 18:39
cette histoire de chèque, en suisse, se serait passé ainsi:
débats dans les médias. une émission TV "arena" réunit les politiques, citoyens experts ...
on demande au peuple de voter, oui ou non pour le nouveau chèque.
si oui, la loi passe au parlement qui peut apporter des rectifications.

çà s'appelle démocratie directe, deutsche Qualitaet !!
A1
Le roi est nu !!!
a posté le 27-01-2025 à 18:03
Un article qui enlève une khamja du coeur de tout tunisien. On se demande souvent si la Tunisie toute entière a basculé définitivement chez les mabouls tellement elle est gérée d'une manière archaique, anachronique, bete, obsolète, caduque, stérile, irrationnelle, contre-nature, contre-productive, etc. etc. etc.

Des points de vue comme le votre, Mr NB, nous redonnent espoir, le roi est vraiment nu et quelques uns le voient...
Saadoun
Le roi est nu
a posté le à 19:15
Jamais nu en Tunisie, le ***
********
A1
a posté le à 18:37
Un journal sans programme politique, ça ne tient pas debout. » 
Disait Simone de beauvard
journal est avant tout une tribune au service d'une politique ici BN défend l'opposition, c'est un contre pouvoir.
riri
juste une exemple parmi d'autres
a posté le 27-01-2025 à 17:38
Un exemple simple pour moi qui illustre notre gestion:

- LA Tunisie fait la fierté de l'Afrique du Nord avec son secteur du Lait. Celui ci intégré verticalement, maitrise parfaitement la chaine du froid. Le Lait par de la vache et arrive au consommateur, même à l'étranger, dans un beau tetrapack stérile.
A coté, en algérien pourtant plus riche et plus verte, on boit du lait de vache en poudre importé. Ce qui illustrait bien les défis de l'Algérie (produire localement, le problème de la rente mal géré etc etc)

Les éleveurs tunisiens ont commencés à sonner la sonette d'alarme il y a au moins 3 ans. LEs producteurs de Lait aussi. Avec la hausse des cours du pétrole et donc aussi des fourrages, le prix de production augmente.
Ils ont supplier de pouvoir augmenter un peu le prix du Lait.
NADA, wallou: le pouvoir protège les pauvres contre les méchants spéculateurs qui le vole. Le prix du lait ne doit pas bouger et il ne bouge pas.

3 ans plus tard, comme prévu par les professionnel du secteur qui ne mentaient pas: on ne peux plus produire à ce cout.
30% du Cheptel tunisien aurait été tué iou vendu en 1 an.
ET .. ET.. et la Tunisie importe du lait en poudre pour la première fois depuis des décennies!! importé en devises bien fortes en plus.

Cette décision, de ne pas augmenter le prix, soit disant pour protéger les pauvres à pour conséquence d'appauvrir tout le pays et bien plus.

Il avait fallu des décennies de travail sérieux de tous pour construire cette filière

Ca c'est juste 1 seul exemple récent.

Je suis patriote, et j'aime mon pays que je n'aui jamais trahi ou volé, alors pourquoi je donne cet exemple avec la peur au ventre? pourquoi essayer d'aider son pays peut devenir un crime
DHEJ
Je ne suis pas Razi
a posté le 27-01-2025 à 17:31
Un parlement de 11% et le reste semble d'adapter...
********
Cheques
a posté le 27-01-2025 à 17:27
Trop complexe pour moi les chèques en Tunisie.
D'abord une question les assurances n'existent pas pour les impayés en Tunisie ?

Tout ce remue ménage, la prison n'est pas supprimée. Pour quelle raison ?

Les banques en Tunisie leurs rôles est d'accable le citoyen ? Pourquoi à chaque fois ils proposent des chèques or qu'il y a d'autres moyens moins contraignants.
airoud123
VOUS N'AVEZ ENCORE RIEN VU
a posté le 27-01-2025 à 16:22
je m'en réjoui pour les lèches bottes du 25 juillet tazmiiiiiiiiiiir