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Tunisie - Mehdi Jomâa peut réussir là où Jebali et Laârayedh ont échoué

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La Tunisie dispose, depuis moins d’une semaine, d’un nouveau gouvernement, conduit par Mehdi Jomâa et formé de hautes compétences pour gérer les affaires du pays d’ici la fin de l’année 2014 et mettre en place les conditions adéquates pour l’organisation d’élections transparentes, neutres et démocratiques.
Et selon les premiers indicateurs, tout porte à croire que la nouvelle équipe gouvernementale, née dans la douleur, possède les ingrédients et les atouts nécessaires pour réussir dans sa mission bien déterminée et limitée dans le temps alors que les deux précédents cabinets, pourtant dits légitimes, ont lamentablement échoué .
Le premier gouvernement, dirigé par Hamadi Jebali, issu du scrutin du 23 octobre 2011, avait les faveurs du pronostic, mais l’entrée en force d’Ennahdha parce que grisé par l’ampleur de son score aux élections, a vite fait tourner le vent et mis le principal parti au pouvoir dans une posture délicate.
Le putsch perpétré au sein de l’Assemblée nationale constituante en reniant les engagements quant à la limitation de la durée du mandat, la transformation de l’étape constitutive en législative ont déjà entamé le crédit d’une Troïka outrageusement dominée par le parti islamiste qui s’était approprié les principaux portefeuilles ministériels dont notamment ceux de souveraineté.
Ensuite, la multiplication des propos et des faits dans le sens d’une islamisation à outrance du pays ont fini par faire peur à la majorité des Tunisiens, habitués à vivre dans une atmosphère d’ouverture et de tolérance.
Le fameux discours de Hamadi Jebali à Sousse annonçant, triomphalement, la naissance prochaine du sixième Califat, les terribles incidents au Palais d’Al Abdelliya, l’attachement, pendant plusieurs mois, des Nahdhaouis à introduire le principe de la Chariâa dans le texte de la Constitution ainsi que les nombreuses nominations partisanes et le laxisme envers les membres des groupes extrémistes ont entraîné une méfiance compréhensible et légitime chez les forces démocratiques et laïques et chez une grande partie parmi le commun des citoyens.
Les résultats de cette politique ne se sont pas fait attendre avec l’aveu d’échec exprimé par M. Jebali en personne le jour de l’assassinat de Chokri Belaïd et l’appel à la formation d’un gouvernement restreint de technocrates.
Mais la Troïka, guidée par Ennahdha, a choisi, encore une fois, de se cramponner aux chaises donnant naissance à une Troïka bis dirigée par Ali Laârayedh qu’on a voulu présenter comme étant un homme d’Etat alors qu’il a à son passif le plus grand nombre de déboires avec l’attaque contre l’ambassade américaine, l’agression contre le siège et les militants de l’UGTT, les tristes tirs à la chevrotine à Siliana et la carte blanche accordée aux Ligues dites de protection de la révolution dirigées par des hors la loi dont les tristement célèbres Imed Deghij et Recoba.
Le passage d’Ali Laârayedh de l’Intérieur à la Kasbah n’a fait qu’envenimer la situation avec l’accentuation du phénomène du terrorisme. Et ce qui devait arriver, arriva : un deuxième assassinat politique en la personne du martyr Mohamed Brahmi et les multiples guets-apens dont ont été victimes les militaires et les éléments de la Garde nationale au Mont Chaâmbi, Goubellat et Sidi Ali Ben Aoun
Et là, il a fallu toute l’énergie et la conjugaison des efforts de toutes les bonnes volontés démocratiques afin de contraindre la Troïka à partir et entamer la dernière ligne droite de cette phase transitoire qui n’a fait que trop durer.
Sans avoir une baguette magique, M. Jomâa et ses compagnons du nouveau gouvernement, ont vite fait de restaurer le climat de confiance avec les Tunisiens. Comme quoi, l’effet psychologique a son importance. En effet, le fait de savoir que les membres du nouveau cabinet sont de très hautes compétences qui ont sacrifié leurs situations matérielle, sociale et familiale des plus confortables pour relever un des paris les plus difficiles dans une conjoncture incertaine, cela leur donne un préjugé favorable.
Le fait de savoir qu’ils n’ont rien à gagner matériellement et même politiquement puisqu’ils renoncent à toute ambition politique immédiate, cela renforce le préjugé favorable.
Le fait d’avoir laissé passer l’orage du passage devant l’ANC et de se plonger dans le travail et les dossiers, sans trop de bruit, cela consolide le préjugé favorable.
Quand on voit les premiers gestes, certes symboliques, de certains ministres dont ceux de la Santé, de la Jeunesse et des Sports et de la Justice, cela donne une idée des nouvelles approches et de la nouvelle mentalité des nouveaux gouvernants cherchant l’apaisement avec des signes simples et positifs.
Le gouvernement de Jomâa, une fois de retour d’Algérie, un voyage riche en symbolique et dénotant une certaine maturité politique n’est-ce pas M. Marzouki ?- est appelé à continuer sur la même lancée et concrétiser les promesses et les engagements à respecter les principaux points de la feuille de route mise au point par le Quartet dans le cadre du dialogue national.
La révision des nominations partisanes, la dissolution des LPR et leurs milices, l’octroi de tous les moyens adéquats à l’Instance indépendante des élections, la prise de mesures urgentes pour atténuer la flambée des prix, la garantie de la neutralité des mosquées sont autant de décisions à prendre dans les meilleurs délais pour faire preuve de crédibilité et bonne foi.
L’autre volet de première importance est celui du développement dans les régions défavorisées afin de redonner confiance à leurs habitants. En effet, ces régions ont besoin de faits concrets et un vrai début d’amélioration de l’infrastructure de base et des conditions de vie.
Et ce n’est sûrement pas avec ce genre de projet annoncé par le gouverneur de Mahdia concernant un accord-cadre, signé entre la chambre de partenariat euro-Afrique de Belgique et le gouvernorat de Mahdia portant sur la réalisation d’un port de plaisance et de plusieurs projets dans la région.
Des experts en économie expriment leur étonnement devant l’annonce d’un tel « mégaprojet » de port de plaisance qui sera réalisé à la sebkha Ben Ghayadha proche du centre-ville de Mahdia.
Or, ajoutent les mêmes experts, tout le monde sait que les chambres de partenariat ne disposent pas elles-mêmes de l’argent, mais elles font jouer leurs réseaux pour amener les financements adéquats.
Et dans le cas précis, les responsables des départements ministériels économiques et financiers sont appelés à se pencher sur ce genre d’annonces faites par un gouverneur, car le coup s’avère douteux, c’est toute la crédibilité du gouvernement qui serait entamée. Ce cas est relevé et cité à titre d’exemple pour l’ampleur du coût du projet, en l’occurrence, quatre milliards de dinars !
Pour peu que les nouveaux dirigeants respectent leurs engagements tout en disant la vérité aux citoyens et se limitent aux tâches qui leur sont assignées afin de ne pas disperser leur énergie, ils pourraient accomplir leur mission avec succès et entrer, de plain pied, dans l’histoire de la Tunisie.
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