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La pédophilie en Tunisie : Tabou, ou légende urbaine ?
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En Tunisie, comme ailleurs, la pédophilie profite encore d’une loi du silence quasi-généralisée. Sujet tabou dans une société où le moindre mal est camouflé et embelli, cette vérité éclate aujourd’hui et fait beaucoup de bruit. L’amnistie générale, qui a permis de remettre en liberté de nombreux prisonniers coupables de crimes en tous genres - pédophilie comprise - semble délier les langues. Une véritable omerta règne sur cette pratique de l’ombre sur laquelle on ferme honteusement les yeux, de peur de voir toute l’horreur qui l’entoure.
La pédophilie, concept plutôt ambigu, est « l’attraction sexuelle envers des personnes que la loi définit comme des enfants ». Il s’agit donc, à la fois, d’une infraction et d’un trouble de la préférence sexuelle. Les cas de crimes pédophiles ne remplissent pas les colonnes des journaux à scandales tunisiens, mais ce mal ne cesse de prendre de l’ampleur dans le pays. Si les victimes des délinquants sexuels se comptent parmi toutes les catégories d’âges, il n’en demeure pas moins que les mineurs fassent également partie du triste tableau, tout autant que les adultes. Attentat à la pudeur, attouchement, viol, inceste…sont autant de manifestations abjectes d’un mal qui continue bien de sévir dans notre société. Une société « touchée », malgré ce qu’on pourrait croire, par la pédophilie.
On rappellera les tristes faits, de l’année 2007, où un ressortissant américain fut jugé pour pédophilie et détention de photos et de films pédopornographiques. Un avocat de 47 ans qui « s’est adonné à la sodomie sur la personne d’un mineur tunisien et qui disposait de fichiers de photos et de films pornographiques, destinés à la diffusion » (Tel que rapporté par la TAP). L’accusé aurait également abusé de nombreux autres enfants et diffusé, sur son site internet, des films et séquences pornographiques pédophiles, auprès d’amis en Tunisie. Une affaire dont la presse fait écho s’agissant d’une « première » en Tunisie.
Un autre « cas » semblable fait du bruit en 2011. Un touriste anglais en visite en Tunisie a été arrêté, en possession d’enregistrements à caractère pédophile, à l’aéroport de Tunis-Carthage alors qu’il prenait un avion de retour vers son pays d’origine.
Le tourisme sexuel semble faire recette en Tunisie. Un mot bien souvent empreint d’un étrange exotisme et qui, pratiqué à des milliers de kilomètres loin de chez soi, semble perdre la lourdeur de sa culpabilité. Un tourisme d’un genre particulier qui se développe à quelques pas de chez nous, dans les pays d’Afrique, et même, ô scandale ! En Tunisie.
Boosté par la faiblesse d’une législation dissuasive et par une population libérée des poids des traditions, le tourisme sexuel se nourrit aussi de la misère. Si les touristes occidentaux, mais aussi ceux des pays du Golfe, semblent faire aussi leur « shopping » en Tunisie, cette pratique semble être à la portée de Monsieur ou Madame Tout-le-Monde. « Slateafrique », journal africain en ligne, place la ville de Hammamet parmi les grandes destinations du tourisme sexuel en Afrique : « Une destination de choix pour les touristes sexuels».
Mais au risque de choquer les plus conservateurs (et crédules), la pédophilie est loin d’être l’apanage exclusif des pays occidentaux. Les pays arabes, musulmans de surcroit, font face à ce phénomène….de plus en plus élargi.
En Tunisie l’inceste semble être la première cause des abus sexuels sur les enfants. Des cas d’attouchements d’enfants de la part d’un parent proche - père, oncle, cousin ou grand frère – seraient même assez courants.
Les médecins que nous avons interrogés sur le sujet nous font part d’un constat sans équivoque : « une grande majorité des victimes de pédophilie, serait liée à des cas d’incestes », des cas dénoncés tardivement par l’enfant, à l’adolescence ou même après. Les attouchements étant généralement opérés par un membre « de confiance » l’enfant n’ose pas en parler, victime d’un silence pesant imposé par un acte qu’il ne comprend pas. La famille ne soupçonne parfois même pas l’existence de pareils abus.
Des abus commis par un être qui pervertit son autorité par un pouvoir sur le corps de sa victime. Tel est le cas de l’inceste où le parent pensant détenir le corps de son enfant, en fait un objet sexuel.
Poussons encore plus loin l’horreur, et citons les cas des abus faits par les hommes religieux ou les enseignants dans les écoles coraniques ou les « kottéb ». Nombreux sont ceux qui croient que l’Eglise chrétienne détient la palme en matière de scandales pédophiles, en raison de la frustration de ses prêtres, contraints à la chasteté. Les récentes études théologiques et historiques sur l'église catholique démontrent cependant que les abus seraient fortement corrélés au poids d’une « institution qui pense détenir la vérité et se place dans une situation de puissance », puissance sur les hommes, mais aussi sur les âmes.
Une puissance conférée également à l’institution islamique qui a la mission sacrée d’élever les âmes…et les corps.
La pédophilie semble être une véritable « culture populaire» dans certains pays se voulant être « islamiques ». Une pratique que nombreux légalisent même au nom de l’Islam, à travers les mariages précoces avec des filles impubères, ou même encore, les contrats de mariage temporaires.
Le code pénal tunisien, occultant de telles pratiques, semble disposer de tout un arsenal juridique pour sanctionner les crimes de viols et d’abus sexuels sur mineurs. La Tunisie a même ratifié, sans aucune réserve, la Convention des Droits de l’enfant concernant les articles 34 et 35, relatifs à la protection de l’enfant contre toutes les formes d’exploitation et de violence sexuelles.
Selon le code pénal, l’attentat à la pudeur commis sur un enfant, âgé de moins de 18 ans, est punissable de 12 ans de prison. En cas de violences, d’usage d’arme ou de séquestration, cette peine peut aller jusqu’à l’emprisonnement à vie. L’attentat à la pudeur commis sans violence sur un enfant âgé de moins de 18 ans est punissable de cinq à six ans d’emprisonnement. Une peine doublée dans le cas où, les coupables des infractions seraient des ascendants de la victime ou auraient de quelque manière que ce soit, autorité sur elle ou même si l'attentat a été commis avec l'aide de plusieurs personnes (articles 228 et 228 bis du code pénal).
Malgré cette loi, dans certains cas, les peines prononcées demeurent légères, fruit de la corruption ou d’un manque de preuves et de témoignages.
Cette législation peut également sembler relativement souple comparée à celle appliquée dans d’autres pays comme la Russie par exemple où les députés viennent de voter une loi pour « castrer chimiquement » les pédophiles reconnus coupables de crimes sexuels sur des mineurs de moins de 14 ans. Une réponse de la société « à l'augmentation du nombre des crimes sexuels sur les mineurs ».
Mais pour punir, encore faut-il que l’action soit dénoncée. Ce qui est loin d’être évident lorsqu’on connait les conditions inconfortables dans lesquelles les plaintes sont déposées, où les enfants envahis par la peur et la culpabilité, se réfugient dans la loi du silence. La pédophilie, et notamment l’inceste, demeurent aujourd’hui protégées par la pudeur et le poids lourd des traditions.
Un psychologue spécialisé de l’enfance, interrogé sur le sujet, nous informe que les enfants ayant subi des attentats à la pudeur ou des actes sexuels sont aujourd’hui victimes de dépressions, de tentatives de suicide, de troubles psychologiques et sexuels, de dépendances à la drogue ou à l’alcool et même de pulsions violentes les incitant à faire de même à d’autres personnes et à commettre des viols ou des abus.
Il affirme également que dans son expérience «la majorité des prostitués (des deux sexes) et des toxicomanes auxquels il a eu affaire ont subi des sévices sexuels dans leur enfance ». Rappelons que pas plus tard qu’hier, dans la ville de Ksibet Mediouni, un jeune homme âgé d’à peine 20 ans agresse un ancien détenu, récemment libéré grâce à la loi d’amnistie générale, et qui aurait sexuellement abusé du jeune homme, à l’époque enfant. Pour prendre sa revanche et se faire justice lui-même, ce dernier aurait essayé de l’assassiner.
En Tunisie, à cause de l’omerta qui règne sur le sujet, les chiffres font défaut. La pédophilie est un mal auquel sont témoins les autorités et la société civile mais que personne ne dénonce. De nombreux délinquants sont aujourd’hui remis en liberté sans réelles garanties pour éviter leurs récidives. La rédaction d’une nouvelle constitution est une occasion unique afin de donner un meilleur cadre juridique à ces pratiques abjectes. Mais plus que la loi, n’est-il pas urgent que le carcan social redonne sa sacralité à l’enfant ?
Synda TAJINE
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