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Souad Abderrahim : En arabe toute !
06/01/2019 | 15:59
5 min
Souad Abderrahim : En arabe toute !

La décision prise par le conseil municipal de Tunis, présidé par la mairesse d’Ennahdha Souad Abderrahim, a beaucoup fait réagir. D’apparence anecdotique, l’obligation de transcrire les enseignes commerciales en arabe dénonce une d’une volonté affichée de « se débarrasser d’une langue dite coloniale » au profit d’une autre « plus adaptée à l’histoire et à l’identité du pays ».

 

Le 31 décembre 2018, le conseil municipal de Tunis a approuvé un arrêté obligeant les propriétaires des magasins à utiliser la langue arabe pour leurs enseignes. Il s’agit d’une disposition visant à se conformer à l’article 39 de la Constitution qui énonce que « l’État garantit le droit à un enseignement public et gratuit dans tous ses cycles et veille à fournir les moyens nécessaires pour réaliser la qualité de l'enseignement, de l'éducation. L'état veille aussi à enraciner l'identité arabo-musulmane et l’appartenance nationale dans les jeunes générations et à ancrer, à soutenir et à généraliser l’utilisation de la langue arabe, ainsi que l’ouverture sur les langues étrangères et les civilisations humaines et à diffuser la culture des droits de l’Homme ».

Ahmed Bouazzi, membre du conseil municipal et instigateur de cette initiative, explique que cet arrêté vise à appuyer l’identité arabe chez les Tunisiens et à débarrasser la ville de toutes formes de colonialisme français.

« La langue arabe est l’une des plus importantes manifestations de l’identité d’une ville. Le promeneur est étonné aujourd’hui de constater l’absence d’affiches et enseignes placardées dans les devantures des commerces et magasins dans la majorité des rues et places publiques et se pose, ainsi, des questions sur l’indépendance du pays » peut-on lire dans le texte de l’initiative qui note également que « les planificateurs politiques en France savent que la colonisation des esprits est plus puissante et moins couteuse que la colonisation territoriale et que la langue peut remplacer une présence militaire par une autre plus sournoise ». Les membres du conseil municipal se félicitent pour cette décision « historique » qui « honore le combat de nos pères et grands-pères contre les colons français ».

 

Face à cette annonce, les réactions se sont multipliées sur la toile. Les internautes rivalisant d’humour et de sens de la dérision se sont moqués de cette décision affichant des enseignes dont les noms seraient compliqués à traduire et pourraient porter à confusion. D’autres pourraient même être défigurés et se transformer en gros mots difficiles à prononcer.

Plusieurs critiques ont émané quant à la faisabilité de la chose et à son coût. En effet, si les commerçants pourront encore garder leurs noms commerciaux écrits en lettres latines, ils devront le faire en petites lettres face à une retranscription en arabe qui prendra la plus grande partie de l’enseigne. Ainsi, il faudra refaire la majorité des enseignes des devantures et magasins, y compris celles des marques franchisées ou inspirées de noms étrangers, sous peine de sanctions financières. Ceux qui préfèrent choisir une seule et unique langue, n’auront donc pas le choix et devront le faire en arabe. Un coût non négligeable pour les commerçants.

 

La mairesse de Tunis a réagi aux critiques, dont beaucoup la visaient personnellement. S’exprimant ce matin du dimanche 6 janvier 2018 sur radio Mosaïque Fm, elle a expliqué que cette décision n’est pas personnelle, qu’elle a été prise à l’unanimité du conseil municipal et qu’elle n’a suscité aucune objection. Elle insiste sur le fait que « la présence de la langue arabe ne se substitue nullement à la langue étrangère » et qu’il faudra « respecter la traduction pour garder le sens de la marque ». Souad Abderrahim a aussi souligné que des solutions pourraient être trouvées pour certaines enseignes aux noms particuliers.

 

Cette décision du conseil municipal a rapidement remis au goût du jour le débat identitaire et l’influence que pourrait avoir Ennahdha dans la gestion des municipalités. Le parti islamiste étant en tête des partis politiques vainqueurs aux municipales de 2018, et avec une nahdhaouie à la tête de la municipalité de Tunis, l’une des plus importantes, la question devient épineuse.

 

En effet, après les municipales, des élans identitaires et conservateurs ont été constatés. En août dernier, l’islamiste Fathi Laâyouni, maire du Kram, avait annoncé sa décision d’interdire dans sa mairie le mariage d’une Tunisienne avec un non-musulman. Pour ce faire, le citoyen devra prouver, avec des documents, sa conversion à l’islam, « en application des articles 1 et 6 de la Constitution ainsi que de l’article 5 du Code du statut personnel (CSP)».

Le maire du Kram a annoncé que les municipalités relevant du Kram n’accepteront plus désormais, à l’enregistrement des naissances, que les prénoms d’origine arabe ou «d’origine arabo-musulmane comme le stipule également la constitution». Par ailleurs, dans plusieurs municipalités, notamment, dans la ville de Sfax, des affiches ont été placardées aux guichets informant que les agents refuseront d’inscrire à la naissance tout nouveau-né ayant un prénom non-arabe ou non-musulman.

 

Au nom de la sauvegarde de l'identité arabo-musulmane et du respect de l’article 1er de la constitution tunisienne, le débat se transforme souvent en polémique. Certains observateurs font part de leur « déception » d’avoir cru en la candidature d’une femme « moderne et instruite » à la tête de la municipalité de Tunis. En effet, la victoire de l’islamiste Souad Abderrahim à la tête de la municipalité de Tunis avait suscité des réactions assez mitigées à l’époque. Certains, même dans le camp moderniste, avaient nourri l’espoir de voir une femme accéder à un poste au sommet de l’Etat sans y mêler l’idéologie de son parti.

D’autres ont vu dans cette décision d’arabisation une volonté de « repli identitaire » ainsi qu’une menace pour « la globalisation, la modernisation et l’ouverture sur les cultures et civilisations étrangères, grande richesse de la Tunisie et variable importante dans sa quête du développement socio-économique ».

 

La décision de l’arabisation des enseignes dans la capitale remet sur le tapis la place que doit avoir la langue arabe dans la culture tunisienne, mais aussi celle de l’identité arabo-musulmane et du flou – intentionnellement – laissé par la constitution à ce sujet. Au-delà de l’histoire, dans laquelle autant la langue française que celle arabe a eu sa place, d’autres considérations sont à prendre en compte dans ce genre de décision, dont celles socio-économiques…

Synda TAJINE

06/01/2019 | 15:59
5 min
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Commentaires (26)

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Lafayette
| 09-01-2019 19:19
Urgent de sévir contre cette enseigne en français, occupation trottoir et voierie secondaire

BORHAN
| 09-01-2019 14:35
Enfin...
En se promenant dans une ville comme Tunis, on se croirait dans une province française ou anglaise en oubliant que " la langue, c'est tout ce qui reste d'une civilisation après avoir perdu la guerre ".
En France, par exemple, on'utilise que deux mots écrits en petit caractère : marhaba, choukran.
Alors de grâce, arrêtant cette dépendance culturelle qui rouille notre esprit.
Arrêtons de nous comporter comme des perroquets qui imitent, reproduit et importer aveuglement ce que fait son maître...
La mode des gilets jaunes (rouges !!!), la prime de 5000 dt pour la voiture populaire, ...!!!!
Basta

Forza
| 08-01-2019 20:05
Et vous méritez amplement votre pseudonyme, le grand Jugurtha.

Jugurtha
| 08-01-2019 17:55
Bonne analyse sur la dimension Amazigh de l'Afrique du Nord. Une petite precision quant a la langue. Plutot que de "dialectes", il est plus exact d'utiliser "parlers". En effet, tous les "parlers" imazighen derivent d'une langue mere commune. Ils ont (1) le meme vocabulaire amazigh essentiel, (2) la meme grammaire; (3) ils different par l'accent (le soleil se dit "tafukt" en Tunisie et au Maroc et "tafuyt" chez les Kabyles; (4) ils different surtout par le remplacement de mot Amazigh par des mots Arabes. Les parlers Amazigh de Tunisie (Douiret, Chenini ont par exemple beaucoup plus de mots Arabes que les parlers du Haut-Atlas Marocain. Le parler Amazigh le plus "pur" est le "Tamasheq" des Touaregs (Tamasheq etant une forme accentuee du meme mot Tamazight prononcee a la mode Targui). Le 2ieme point plus haut (grammaire commune) et tout a fait crucial pour l'affirmation de l'existence d'une langue mere (donc d'une culture mere) commune. Le feminin est forme par l'adjonction d'un "t" au debut et un "t"a la fin du mot (Izri -->Tizrit pour la lune. Le nom du fondateur de la dynastie Ziride, principale dynastie des plateaux de l'Algerie actuelle qui donna le nom a l'Algerie (forme arabisee Zzaier) s'appelait Bologuin Tazirit (voulant dire "Clair de lune" ou Gamra en Arabe, un patronyme commun, forme arabisee de Tazirit ou Aziri). Les arabetisants nous disent, avec toute la betise du monde, que le non Dzaier vient de l'Arabe AL Jazair (l'ile!). Vous mesurez l'idiotie de l'explication!! Des individus sans scrupules et sans respect pour leur Histoire et leurs ancetres, diront sans broncher le moindrement, que le Berbere se compose d'une variete de dialectes mutuellement inintelligibles, juste pour nier la dimension Amazigh fondamentale de notre identite. Il faut les remettre a leur place et se referrer aux etudes linguistiques d'experts. J'ai personellement connu des linguistes qui pouvait converser avec aisance avec tous les Imazighen venus des 4 coins de Tamazgha (Afrique du Nord). Par exemple, le pluriel en Amazigh se forme par l'adjonction d'un i au debut du mot en un "en" a la fin (Amazigh --> Imazighen, Agueroum --> Igouramen. Agueroum voulant dire "un vieux, un sage". Feminin "Tagueroumt" est passe dans la langue vernaculaire Tunisienne pour denoter une "mechante vielle"). Il faut absolument rehabiliter notre identite nationale en reconnaissant notre appartenance a l'Amazighite et a l'Africanite, ainsi qu'au monde mediterranneen. Comme vous le savez, le nom Africa est atteste par l'historiographie Romaine et Grecque antiques pour designer la Tunisie actuelle. Les Arabes ont tout simplement repris le vocable pour designer la Tunisie: "Ifryiqia". Les voyageurs Romains de l'antiquite designaient ainsi "le pays des peuples qui habitent les montagnes," les troglodytes, qui eux memes utilisaient le term. En langue Tamazight, "Afer" ou "Afri" est celui qui habite une grotte (Ifri, Tifrit designe une grotte). Le plurien etant "Ifren" (toponyme encore porte par plusieurs lieux-dits, comme la magnifique ville d'Ifrane dans l'Atlas Marocain (qui ressemble a une petite Suisse). Donc, le nom meme du continent Africain derive de la langue Tamazight, pardi! Et on se permet de traiter les Africains, y compris les Imazighen avec morgue et dedain. Il y a la un complexe et une condition mentale inquietants. Car ce sont bien des Imazighens accultures qui renient leur propre culture (deni de realite). Une etat qui fait pitie et expliquerait en partie la schizophrenie legendaire du Maghrebin

beni hilal
| 07-01-2019 22:31
Tout revoie vers la confusion.
Je me rappelle qu'a Tunis, je cherchais la "eddhaou" ou lumière. c'est l'adresse qu'on m'avait donné et qui était supposée contenir une annexe de la municipalité. J'ai tourné comme un bougre dans le quartier indiqué. Personne ne conaissait cette rue, jusqu'a ce que je trouve un vieux Monsieur sympa, portant une belle jebba et qui me dit que ce doit être la rue des frères Lumière dont il est question. C'était exact.
Avons nous besoin de plus de confusion ?
Les pieds nikelés qui traduisent pire que google trans ont de beaux jours devant eux.

Forza
| 07-01-2019 21:35
Je viens cette semaine de découvrir sur youtube ce groupe touareg :
Iswegh attay
https://www.youtube.com/watch?v=VoPPMktXCEI

https://www.youtube.com/watch?v=H1YIgwPsX5Q

et troisième chanson avec écriture tifinagh utilisée aussi au Maroc et en Algérie pour le cour d'amazigh dans les écoles :

https://www.youtube.com/watch?v=boiiiVh52v4

Forza
| 07-01-2019 21:07
Toutes les études démontrent que les tunisiens sont comme les autres nord-africains majoritairement d'origine amazighe. Certains mélangent le fait d'être arabophone avec les origines ce qui est faut. Les amazighes qui habitaient dans les plaines ont été arabisés tandis ceux qui habitent des régions montagneuses ont gardé leur langue amazighe, exemple les kabyles et chaouis en Algérie et les berbérophones du Jabel Nafoussa en Libye (Nalout, Yifrin, Ghiryan etc.). Il est vrai qui'il y'a plusieurs dialectes amazighs mais ceci est vrai pour les autres langues aussi, les dialectes arabes exemple, l'arabe écrit ou la fousha était le dialecte de Quraich. Maintenant l'apprentissage de l'Amazigh ne devrait pas être si difficile que ça si les pays investissent dans les écoles et les programmes. La Tunisie peut se laisser aider par l'Algérie, Le Maroc et la Libye pour y-arriver vu que le nombre des berbérophones en Tunisie est limitée et vu l'expérience déjà acquise des pays voisins. L'expérience d'Israël montre bien qu'une langue quasiment disparue peut renaitre. En effet les juifs européens parlaient les langues européennes an majorité et en Europe de l'est le yiddish un dialecte germanique et l'hébreu était plutôt une langue des synagogues mais elle est redevenue languie parlée, écrite et langue de science. Un tel retour aux sources ne signifie pas une discrimination des éléments arabes de notre culture. Les Tunisiens ont besoin de ce retour aux sources car ils paraissent sans compasse. Ce complexe d'infériorité vis-à-vis de l'orient on l'observe dans le quotidien des tunisiens, nos médias diffusent de la musque libanaise ou égyptienne mais rarement de la musique algérienne ou marocaine par exemple malgré leur richesse, lors de nos festivals de cinéma et de théâtre on donne beaucoup d'importance aux artistes du moyen orient et on néglige les maghrébins et les exemples comme en littérature peuvent se suivre à l'infini. Sans fierté de son vraie identité et appartenance, les tunisiens vont rester à la dérive.

Jugurtha
| 07-01-2019 20:38
Il est imperatif de corriger vos propos bases sur des contre-verites. Etre Amazigh c'est faire partie d'une ethnie, et non d'une race. Une ethnie est representee par une culture. Une culture s'exprime a travers une myriade de vecus. Notre cuisine est fondamentalement Amazigh, nos habits traditionels sont fondamentalement Amazigh. Notre musique populaire est fondamentalement Amazigh. Notre paeler vernaculaire est un Arabe dialectal truffe de mots Amazigh, Francais, avec des apports du Turc et de l'Italien, et un accent aux tonalites Amazigh. Somme tout nous ne sommes plus Arabes que les Boliviens - pour ne citer qu'un exemple - soient Espagnols. Comme eux ne sont que Quechuas hispanises, nous somme Imazighen arabises . Venons-en a Carthage. Certes fondee par une poignee de "refugies politiques" venus de Tyr (Presente Sour) auquels les princes Amazigh autochtones accorderent le droit d'installation, La metropole punique etaient surtout peuplee d'Imazighen punicises, tout comme les Tunisiens d' aujourd'hui sont des Imazighen arabises. (Je ne nie pas les apports ethno-culturels tres importants d'Arabie, d'Asie mineure, de l'Afrique subsaharienne, mais surtout d'Europe.) Il faut comprendre que la perte de la metropole punique (Carthage) fut surtout due au fait qu'elle se soit coupee de son vivier naturel, qu'est La Numidie. Son armee etait composees de Numides. Son alimentation dependait de la Numidie. Son existence et sa survie mdependaient de la Numidie. Et voila, que la metropoloe traite les Numides avec la "hogra" que l'on ressens 3000 mille ans plus tard - toujours inchangee. Une hogra qui s'appeuis sur l'exploitation sans vergogne et la marginalisation. La chute d'une Carthage ingrate vis-a-vis des vrais maitre de l'Africa ne fut que toute naturelle. les coups de butoir du roi Numide Massinissa permirent a Scipion de ceuillir le fruit sur un plateau en or. Alors, ne pleurez pas trop Carthage. Elle n'au eu que ce qu'elle meritait. Tient, elle recommence les memes erreurs aujourd'hui meme! La violence de la romanisation equivaut bien celle des daechiens du 7ieme siecles et des Hilaliens (lisez Ibn Khaldoun)> En somme: il n'y a pas pire, pour le fait indeniable Amazigh, que les Imazighen accultures (qu'ils furent punicises, romanises, arabises, ou francises)! Fichtre: pourquoi cette haine de vos origines et ce manquen de respect pour votre Histoire et vos ancetres. Je suis Tunisien. Je ne suis pas Arabe. La langue Arabe, que j'apprecie, ne me represente pas. Point barre.

Zohra
| 07-01-2019 18:03
Bonjour,

Merci beaucoup pour votre commentaire très intelligent, je suis tout-à-fait d'accord avec. Justement, il faudrait garder cette histoire berbère et la faire revivre, comme l'artisanat ex comme vous dites

Créer des associations pour ceux qui veulent faire revivre cette langue, ca serait un enrichissement.

Au lieu de nous insulter toute la journée zarabes zarabes.

Sincères salutations



MDO
| 07-01-2019 17:14
En plus de la question des enseignes, il est primordial de faire participer les commençants activement aux efforts de propreté en les incitants à s'occuper de la partie du trottoir en face des boutiques pour qu'elle reste propre et instaurer un prix pour encourager la meilleure façade et on peut faire de même pour les agences bancaires et les sociétés publiques ou privées.