Cordialement
Docetur senior sudiplômé tozz 7erkma
Pénuries, cessations de paiement et soupçons de corruption au sein de la Pharmacie centrale, retrait spectaculaire d’un lot de Dépakine… La liste des maux qui rongent le secteur des médicaments s’allonge de jour en jour. Si les professionnels de la santé refusent de s’alarmer et assurent que la situation est sous contrôle, ces polémiques ont sérieusement nui à la réputation du secteur en Tunisie, et ont suscité chez les citoyens le doute…
Les patients épileptiques n’avaient vraiment pas besoin de cela. Alors qu’ils s’évertuent à combattre une maladie neurologique dont les symptômes sont particulièrement spectaculaires, ils ont été sonnés d’apprendre le 3 avril 2018, le retrait du marché, sur décision du ministère de la Santé, du lot St024 de Depakine Chrono (500mg Comp. Pell. Séc. LP Fl 30).
La raison invoquée est « la présence de comprimés différents des comprimés habituels de la spécialité Dépakine-chrono et qui correspondent aux comprimés de la spécialité Aprovel 300mg comprimés pelliculés».
Le laboratoire pharmaceutique ayant produit et commercialisé le médicament, Sanofi a été très vite pointé du doigt. Des rumeurs d’erreur commise par ce laboratoire à l’emballage pour la commercialisation du médicament ont enflammé la toile et mis en alerte les pharmaciens sur tout le pays.
« On a du vérifier tout notre stock de Dépakine dans un laps de temps assez court pour éviter tout problème, mais heureusement on n’a rien décelé » nous explique un pharmacien du quartier Ezzouhour à Tunis.
Pour autant, la société française a réagi dans la foulée en affirmant que le laboratoire n’a jamais commercialisé ce lot et qu’il s’agissait d’une contrefaçon.
Alors s’agit-il d’une contrefaçon ou d’une erreur de manipulation (qui consiste dans ce cas d’espèce à mettre un médicament dans un contenant d’un autre médicament) ? Le débat est ouvert.
Contacté par Business News, la responsable de la Direction de la pharmacie et du médicament (DPN), Inès Fradi a simplement indiqué qu’une enquête interne a été ouverte pour savoir d’où provient ce produit et comment il est parvenu à s’introduire sur le marché. Soumise à un devoir de réserve particulièrement exigeant, elle a cependant refusé de dévoiler plus de détails, se contentant d’affirmer que les résultats de l’enquête seront annoncés au grand public et que le ministère prend cette histoire très au sérieux.
Dans les deux hypothèses, le cas est grave. En effet, si on part du postulat qu’il y a eu une erreur de manipulation dans la commercialisation d’un médicament, cela remet en question la crédibilité du laboratoire ayant conçu le remède. Si l’erreur est humaine, les conséquences dans ce cas peuvent être désastreuses. Imaginez un instant un patient atteint d’épilepsie et qui est soigné par un médicament traitant l’hypertension ? Aussi, cela remet en question partiellement le travail de la Direction de l’inspection pharmaceutique qui est censée réaliser des visites régulières d’inspection programmées au moins une fois par an dans les laboratoires. Alors certes, la DIP ne peut contrôler que des échantillons des médicaments et pas tout le stock produit, mais toujours est il que si cette hypothèse est vérifiée, sa responsabilité « morale » est engagée.
Si jamais cette hypothèse est erronée et qu’on s’oriente comme l’affirme Sanofi vers un médicament contrefait, cela pose un tout autre problème, tout aussi nocif pour la santé publique en Tunisie. Y a-t-il des médicaments contrefaits en Tunisie ? Pour Inès Fradi, la situation est totalement sous contrôle par rapport aux médicaments contrefaits. Si elle admet que quelques médicaments ont pu échapper des mailles du filet, profitant des frontières poreuses, elle tient cependant à minimiser leurs effets : « Pour l’instant, nous n’avons pas eu de réclamations de masses, la situation est sous contrôle, il peut y avoir et il y a eu des cas ponctuels de médicaments qui sont entrés d’une manière illégale en Tunisie mais nous appelons régulièrement les citoyens à ne jamais en prendre ».
Cette affirmation est également confirmée par Sonia Ben Cheikh, secrétaire d’Etat à la Santé, qui assure que la situation est totalement sous contrôle et appelle les citoyens à faire confiance aux médicaments vendus dans les pharmacies.
Le Docteur en sciences pharmaceutiques Mourad Merrikech est un peu plus bavard sur la question de contrefaçon, nous affirmant qu’« il est difficile pour moi de croire au fait qu’il y ait de la contrefaçon pour les médicaments des maladies chroniques comme l’affirme Sanofi, car les prix de ces médicaments en Tunisie est le plus bas dans tout le Maghreb (3 fois moins cher qu’en Algérie et au Libye), donc celui qui va « importer » ces médicaments ne va pas trouver son compte », relève le pharmacien qui ajoute que c’est plutôt l’effet inverse qui se produit dans le sens où des médicaments tunisiens sont exportés d’une manière illégale vers les marchés algériens et libyens.
Si Mourad Merrikech admet que pendant un certain temps, le Viagra était importé illégalement en Tunisie quand il n’était pas commercialisé dans le pays, au même titre que les médicaments prescrits par les vétérinaires, qui étaient bien moins chers en Algérie, il affirme que ce n’est plus le cas actuellement.
« Cela étant, le secteur la parapharmacie continue à être marquée par l’arrivée des crèmes solaires importés illégalement en Algérie là où le prix est moins cher et se vendent en Tunisie », indique Mourad Merrikech qui explique ce phénomène par le fait que le contrôle soit moins sévère quand il s’agit de parapharmacie.
Signe de la sensibilité du dossier, plusieurs intervenants ont souhaité ne pas livrer leurs témoignages sur nos colonnes, se refugiant sous le devoir de réserve ou refusant de dévoiler ce qu’ils savent… L’objet de cet article n’est pas de remettre en cause le travail colossal et la qualité reconnu du contrôle sur les médicaments effectué par la Pharmacie centrale et les services du ministère de la Santé.
Cependant, vu la gravité du précédent (boites de Depakine avec un médicament pour traiter l’hypertension), nous avons jugés utiles de donner la parole aux acteurs qui ont accepté de témoigner. Si les avis des intervenants divergent sur certains points, ils sont tous unanimes pour affirmer que les services du ministère ont agi d’une manière professionnelle et remarquable, et que l’erreur n’a pas eu d’impact significatif sur la santé des patients. Heureusement.
Nessim Ben Gharbia
Pénuries, cessations de paiement et soupçons de corruption au sein de la Pharmacie centrale, retrait spectaculaire d’un lot de Dépakine… La liste des maux qui rongent le secteur des médicaments s’allonge de jour en jour. Si les professionnels de la santé refusent de s’alarmer et assurent que la situation est sous contrôle, ces polémiques ont sérieusement nui à la réputation du secteur en Tunisie, et ont suscité chez les citoyens le doute…
Les patients épileptiques n’avaient vraiment pas besoin de cela. Alors qu’ils s’évertuent à combattre une maladie neurologique dont les symptômes sont particulièrement spectaculaires, ils ont été sonnés d’apprendre le 3 avril 2018, le retrait du marché, sur décision du ministère de la Santé, du lot St024 de Depakine Chrono (500mg Comp. Pell. Séc. LP Fl 30).
La raison invoquée est « la présence de comprimés différents des comprimés habituels de la spécialité Dépakine-chrono et qui correspondent aux comprimés de la spécialité Aprovel 300mg comprimés pelliculés».
Le laboratoire pharmaceutique ayant produit et commercialisé le médicament, Sanofi a été très vite pointé du doigt. Des rumeurs d’erreur commise par ce laboratoire à l’emballage pour la commercialisation du médicament ont enflammé la toile et mis en alerte les pharmaciens sur tout le pays.
« On a du vérifier tout notre stock de Dépakine dans un laps de temps assez court pour éviter tout problème, mais heureusement on n’a rien décelé » nous explique un pharmacien du quartier Ezzouhour à Tunis.
Pour autant, la société française a réagi dans la foulée en affirmant que le laboratoire n’a jamais commercialisé ce lot et qu’il s’agissait d’une contrefaçon.
Alors s’agit-il d’une contrefaçon ou d’une erreur de manipulation (qui consiste dans ce cas d’espèce à mettre un médicament dans un contenant d’un autre médicament) ? Le débat est ouvert.
Contacté par Business News, la responsable de la Direction de la pharmacie et du médicament (DPN), Inès Fradi a simplement indiqué qu’une enquête interne a été ouverte pour savoir d’où provient ce produit et comment il est parvenu à s’introduire sur le marché. Soumise à un devoir de réserve particulièrement exigeant, elle a cependant refusé de dévoiler plus de détails, se contentant d’affirmer que les résultats de l’enquête seront annoncés au grand public et que le ministère prend cette histoire très au sérieux.
Dans les deux hypothèses, le cas est grave. En effet, si on part du postulat qu’il y a eu une erreur de manipulation dans la commercialisation d’un médicament, cela remet en question la crédibilité du laboratoire ayant conçu le remède. Si l’erreur est humaine, les conséquences dans ce cas peuvent être désastreuses. Imaginez un instant un patient atteint d’épilepsie et qui est soigné par un médicament traitant l’hypertension ? Aussi, cela remet en question partiellement le travail de la Direction de l’inspection pharmaceutique qui est censée réaliser des visites régulières d’inspection programmées au moins une fois par an dans les laboratoires. Alors certes, la DIP ne peut contrôler que des échantillons des médicaments et pas tout le stock produit, mais toujours est il que si cette hypothèse est vérifiée, sa responsabilité « morale » est engagée.
Si jamais cette hypothèse est erronée et qu’on s’oriente comme l’affirme Sanofi vers un médicament contrefait, cela pose un tout autre problème, tout aussi nocif pour la santé publique en Tunisie. Y a-t-il des médicaments contrefaits en Tunisie ? Pour Inès Fradi, la situation est totalement sous contrôle par rapport aux médicaments contrefaits. Si elle admet que quelques médicaments ont pu échapper des mailles du filet, profitant des frontières poreuses, elle tient cependant à minimiser leurs effets : « Pour l’instant, nous n’avons pas eu de réclamations de masses, la situation est sous contrôle, il peut y avoir et il y a eu des cas ponctuels de médicaments qui sont entrés d’une manière illégale en Tunisie mais nous appelons régulièrement les citoyens à ne jamais en prendre ».
Cette affirmation est également confirmée par Sonia Ben Cheikh, secrétaire d’Etat à la Santé, qui assure que la situation est totalement sous contrôle et appelle les citoyens à faire confiance aux médicaments vendus dans les pharmacies.
Le Docteur en sciences pharmaceutiques Mourad Merrikech est un peu plus bavard sur la question de contrefaçon, nous affirmant qu’« il est difficile pour moi de croire au fait qu’il y ait de la contrefaçon pour les médicaments des maladies chroniques comme l’affirme Sanofi, car les prix de ces médicaments en Tunisie est le plus bas dans tout le Maghreb (3 fois moins cher qu’en Algérie et au Libye), donc celui qui va « importer » ces médicaments ne va pas trouver son compte », relève le pharmacien qui ajoute que c’est plutôt l’effet inverse qui se produit dans le sens où des médicaments tunisiens sont exportés d’une manière illégale vers les marchés algériens et libyens.
Si Mourad Merrikech admet que pendant un certain temps, le Viagra était importé illégalement en Tunisie quand il n’était pas commercialisé dans le pays, au même titre que les médicaments prescrits par les vétérinaires, qui étaient bien moins chers en Algérie, il affirme que ce n’est plus le cas actuellement.
« Cela étant, le secteur la parapharmacie continue à être marquée par l’arrivée des crèmes solaires importés illégalement en Algérie là où le prix est moins cher et se vendent en Tunisie », indique Mourad Merrikech qui explique ce phénomène par le fait que le contrôle soit moins sévère quand il s’agit de parapharmacie.
Signe de la sensibilité du dossier, plusieurs intervenants ont souhaité ne pas livrer leurs témoignages sur nos colonnes, se refugiant sous le devoir de réserve ou refusant de dévoiler ce qu’ils savent… L’objet de cet article n’est pas de remettre en cause le travail colossal et la qualité reconnu du contrôle sur les médicaments effectué par la Pharmacie centrale et les services du ministère de la Santé.
Cependant, vu la gravité du précédent (boites de Depakine avec un médicament pour traiter l’hypertension), nous avons jugés utiles de donner la parole aux acteurs qui ont accepté de témoigner. Si les avis des intervenants divergent sur certains points, ils sont tous unanimes pour affirmer que les services du ministère ont agi d’une manière professionnelle et remarquable, et que l’erreur n’a pas eu d’impact significatif sur la santé des patients. Heureusement.
Nessim Ben Gharbia