Allah la ykhader

C’est probablement l’événement marquant de la semaine sur la scène politique tunisienne. La plainte de Slim Riahi, portée contre le chef du gouvernement et d’autres personnalités, ne cesse de faire couler beaucoup d’encre. La nature de la plainte ainsi que ses éventuelles répercussions sur le climat politique renvoient à des motifs à la fois manifestes et cachés.
Ce serait un euphémisme de dire que la plainte de Slim Riahi a ébranlé la scène politique. Un secrétaire général d'un parti au pouvoir accusant des personnalités officielles dont la majorité est toujours en exercice n’est pas une affaire insignifiante ou négligeable. Une plainte qui a visé le cœur de l’Etat et ses institutions les plus cruciales, a remis en cause son niveau sécuritaire et la compétence de ses responsables, et a porté atteinte à ses fondements.
Des accusations de tentative de renversement de régime et de coup d’Etat ont été adressées au chef du gouvernement, Youssef Chahed, au chargé de communication de la Kasbah, Mofdi Mseddi, à l’ancien directeur du cabinet présidentiel, Slim Azzabi, à l’ancien dirigeant au sein de Nidaa Tounes, Lazhar Akremi ainsi qu’au directeur général de la sécurité présidentielle, Raouf Mradâa. Slim Riahi a affirmé que sa plainte, déposée auprès du Tribunal militaire le 22 novembre 2018, est venue dénoncer la gravité de la situation soulignant qu’un coup d’Etat est actuellement en gestation. Un coup d’Etat militaire suivi d’un coup d’Etat visant le parti Nidaa Tounes et plaçant Youssef Chahed à la tête du parti sous prétexte de le sauver et d’y restituer la légitimité ainsi qu’une tentative de renverser Béji Caïd Essebsi avant la fin du mois de mars 2019 et faire intervenir des parties armées constituent tous des éléments du complot qui serait en train de se préparer contre la sécurité intérieure de l’Etat, selon Slim Riahi.
Toujours selon le secrétaire général de Nidaa Tounes, ce putsch a été évoqué lors d’une soirée chez le député Youssef Jouini qui a rassemblé, outre sa personne, l’ancien dirigeant de Nidaa Tounes, Lazhar Akremi. Ce dernier avait démenti les propos de Slim Riahi niant toute discussion avec lui autour d’un éventuel putsch et l’avait exhorté à présenter des preuves s’il en dispose. Le député ajoute avoir été visé par ces allégations erronées car il dévoilait des dossiers de corruption soulignant qu’il existe des parties qui réclamaient sa tête et que cette histoire est bien plus importante que la personne de Slim Riahi.
Le député, Youssef Jouini a, pour sa part, affirmé qu’aucun plan de putsch n’a été mentionné lors de la discussion qui s’est déroulée chez lui ajoutant qu’il compte, après la clôture de l’enquête ordonnée le 27 novembre 2018 par le procureur de la République auprès du Tribunal de première instance militaire, porter plainte contre Slim Riahi suite à ces propos mensongers. Ainsi, deux négations s’opposent aux déclarations de Slim Riahi qui affirme détenir des enregistrements appuyant ses dires. Des enregistrements qui sont encore inconnues de Nidaa Tounes qui a soutenu politiquement Slim Riahi dans sa plainte et a affirmé qu’il disposait d’assez de preuves pour l’appuyer.
De son côté, le chef du gouvernement a abordé cette question au début de son discours devant les députés au Parlement indiquant que ces accusations n’étaient qu’une mascarade. Un nombre de députés ont également partagé sa position qualifiant ces allégations d’infondées et d’irresponsables et fustigeant le mutisme de la présidence de la République face à ces accusations.
Toutefois, ce qui est insolite dans l’histoire c’est que le chef de l’Etat, Béji Caïd Essebsi a désigné l’avocat et ancien ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, Mabrouk Korchid, de le représenter dans l’affaire de son éventuelle tentative de renversement. C’est ce même ministre qui a été évincé par Youssef Chahed lors du dernier remaniement ministériel datant du 5 novembre courant à la lumière des soupçons de corruption l'impliquant, relevés par Rached Ghannouchi, chef d’Ennahdha. Cela ne fera, vraisemblablement, qu’attiser les différends et aggraver le bras de fer dissimulé entre le chef du gouvernement et le chef de l’Etat qui est passé du stade du conflit politique à une bataille militaire. L’histoire semblerait, de ce fait, ne pas s’arrêter au niveau de la personne de Slim Riahi mais prendrait des dimensions plus profondes et plus élargies dans les rapports qu’entretiennent les deux têtes de l’exécutif.
Juste après avoir déposé la plainte, Slim Riahi a quitté le pays. Un pas que Lazhar Akremi a considéré comme étant une tentative de fuir les sanctions qui lui seraient infligées suite aux nombreuses affaires dans lesquelles il est impliqué à savoir une affaire de blanchiment d’argent, l’affaire du détournement d’argent du compte du Club africain ainsi que des affaires de détournement d’argent inhérentes à la Libye. Tout cela était donc, selon M. Akremi, un prétexte pour qu’il donne l’impression d’être persécuté. Des propos réfutés par le président du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, Sofiène Toubel qui a affirmé que Slim Riahi reviendra en Tunisie.
En tout état de cause et indépendamment des résultats de l’enquête et de la véracité de ces allégations, cette plainte est une preuve de la situation affligeante du paysage politique aujourd’hui. Youssef Chahed, fils spirituel du fondateur de Nidaa Tounes et qui a obtenu la légitimité parlementaire, est toujours membre du parti malgré le gel de son adhésion. Le viser de la part du premier responsable du parti est une attestation de la fragilité de ce dernier, dénote d’une vulnérabilité des pratiques politiques en général et dévoile leur face sombre.
Boutheïna Laâtar


Commentaires (9)
Commenter@Mansour Lahyani
Allah la ykhader
@Mansour Lahyani |
Je pense que c'est une photo ironique, c'est une posture de président.
Comme il rêve de la place MDR