Les maladresses d’hier expliquent les maux d’aujourd’hui
Par Sofiene Ben Hamida
La commission des finances, de la planification et du développement au sein de l’ARP a rejeté vendredi le projet de loi sur la clôture du budget de l’Etat pour l’année 2013, dernière année de la troika au pouvoir. Le même jour, le ministre Mehdi Ben Gharbia relaie, au cours d’un débat télévisé, les propos de son chef de gouvernement annoncés quelques heures avant et affirme que l’Etat ne pourra pas satisfaire les revendications des enseignants faute de ressources disponibles. Quelques jours avant, une note circulaire de la présidence du gouvernement somme les ministères de respecter, lors de la préparation de leurs budgets pour l’année prochaine, des règles strictes visant à stopper totalement le recrutement dans le secteur public. Trois faits disparates mais très liés entre eux si on veut bien arrêter de traiter les problèmes du pays d’une manière superficielle qui ne voit que les manifestations des crises au lieu de chercher leurs origines.
C’est en se basant sur des remarques formulées par la Cour des comptes que la commission des finances de l’ARP a rejeté le projet de clôture du budget de 2013. Les dépassements dans la gestion des finances publiques, mentionnés dans le rapport de la Cour des comptes sont multiples, en rapport avec le recrutement anarchique, les promotions de complaisance, la dilapidation des moyens de l’Etat, l’utilisation excessive des voitures administratives et de fonctions à mauvais escient..
C’est cette gestion approximative, sinon criminelle qui a conduit, entre autres raisons, aux difficultés actuelles des finances publiques. La troika, Ennahdha essentiellement, sont responsables de nos maux actuels. Il a fallu cinq longues années, comme si on cherchait à prescrire les faits, et un rapport de la Cour des comptes pour briser la loi de silence respectée par l’ensemble de la classe politique au pouvoir et désigner les responsables de la banqueroute actuelle.
Il est en effet surprenant que tous les chefs de gouvernements qui ont succédé à la troika, Mehdi Jomaâ, Habib Essid et maintenant Youssef Chahed, aient soigneusement évité de pointer du doigt la gestion calamiteuse de la troika et se sont contentés de nous dire que la situation des finances publiques est difficile sans nous donner les raisons qui ont conduit à ce sinistre. Concernant Mehdi jomâa, la situation est particulièrement grave car la feuille de route issue du dialogue national lui assignait expressément de revoir les nominations et les recrutements, qui ne répondaient pas aux procédures légales, décidés au temps de la troika. Malheureusement il n’a pas avancé d’un iota sur cette question. Pourtant, en 2013, le contexte s’y prêtait. Aujourd’hui, il est évidemment trop tard pour rouvrir ce dossier.
Quant à Habib Essid et Youssef Chahed, l’un n’avait pas les moyens de froisser les islamistes, seuls alliés de son gouvernement et l’autre s’est trouvé dès le début embourbé dans cette logique d’union nationale de façade.
Au final, les islamistes, principaux animateurs de la troika s’en tirent à bon compte. Leur gestion sectaire et hasardeuse des affaires de l’Etat n’a jamais été critiquée par leurs successeurs. Leur alliance avec Nidaa leur a permis de tourner la page de leur administration calamiteuse tout en continuant à être associés au gouvernement. Aujourd’hui encore, ils profitent de leur participation au gouvernement en continuant de placer leurs hommes dans des postes clés de l’administration mais n’éprouvent aucune gêne à se désolidariser du gouvernement en cas de besoin, mettant en exergue le fait que la responsabilité du gouvernement incombe à Nidaa seul. Dans l’actuelle crise de l’enseignement, la voix des islamistes se fait inaudible, ce qui n’est pas le fruit du hasard...