
L’objectivité, la mesure dans la critique, une solide culture et un humanisme assumé. Ce sont quelques-unes des qualités journalistiques de notre confrère Mourad Zeghidi, qui croupit en prison depuis le 11 mai 2024.
Pourquoi reste-t-il en prison ?
Cela fera bientôt un an, jour pour jour, que Mourad Zeghidi est dans une cellule au lieu d’être sur un plateau médiatique. Il avait été accusé puis condamné à huit mois de prison pour diffusion de fausses informations. Une condamnation qu’il a acceptée avec courage et abnégation, même si l’on ne sait pas, à ce jour, de quelle information il s’agit ni en quoi elle représentait un quelconque danger.
Alors que tous ses proches espéraient une libération en janvier, il a été victime d’un mandat de dépôt relatif à une affaire d’évasion fiscale. L’injustice et l’arbitraire résident dans le fait que personne n’est maintenu en prison pendant une enquête sur une situation fiscale. D’autant plus que les maigres montants susceptibles d’être la cause du litige ont d’ores et déjà été réglés et payés. Alors pourquoi Mourad Zeghidi reste-t-il en prison ?
Cette question lancinante est celle qui hante la famille et les proches de ce journaliste chevronné. Si la volonté est de faire peur et de montrer que ceux qui osent critiquer le régime vont le payer, il est clair que c’est un échec. Depuis sa cellule, Mourad Zeghidi nous a donné un slogan et une leçon qui tiennent en un mot : « J’assume ! ». Il a la tranquillité et la sérénité de l’accusé sûr de son innocence et de son bon droit. Bien sûr, il vit des moments difficiles, car il est privé de ses filles, de sa famille et de ses amis. Bien sûr, les visites sont des moments durs sur le plan émotionnel et il lui est arrivé de pleurer. Mais Mourad ne flanche pas, ne faiblit pas et ne lâche rien.
L'injustice maquillée en affaire fiscale
Il faut également savoir que les accusations contre Mourad Zeghidi sont simplement ridicules. En réaction au rejet de la demande de libération du journaliste, Bassem Trifi, avocat et président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme, avait écrit : « Après avoir purgé une peine de prison en vertu du décret 54, une nouvelle affaire absurde a été montée contre lui : une infraction fiscale transformée en crime de blanchiment d’argent. Pourtant, Mourad Zeghidi n’est pas un fraudeur fiscal. Il s’acquittait de ses obligations fiscales auprès des services concernés. Mais soit, après l’ouverture de l’enquête, il a réglé la différence entre ce qui avait été déclaré auparavant et les conclusions de l’affaire.
Malgré cela, sa demande de libération a été rejetée… D’ailleurs, même en cas de non-paiement, il s’agirait d’un simple délit, qui n’est pas passible de détention. C’est une injustice flagrante, un abus qui dépasse toutes les limites. Espérons que la deuxième instance d’instruction rétablira la justice et mettra fin à l’injustice dont est victime Mourad Zeghidi. » Autrement dit, si toutes les personnes qui ont le moindre litige avec l’administration fiscale devaient être emprisonnées, il ne resterait plus grand monde.
Cette machine aveugle et impitoyable des tribunaux, des chambres, des procédures et des prisons est responsable du maintien en prison de Mourad Zeghidi. Sans aucun discernement, dans la négligence totale des valeurs de justice et de démocratie, l’un des meilleurs journalistes de Tunisie se trouve dans une cellule.
Aujourd’hui, les avocats, la famille et les amis de Mourad Zeghidi demandent que les procédures judiciaires à son encontre soient accélérées afin de conclure, le plus rapidement possible, à l’innocence du journaliste. Il faut surtout en finir avec cette farce qui fait que Mourad Zeghidi est en prison. La mauvaise blague n’a que trop duré.
C’est avec une émotion difficilement maîtrisée que l’avocat Fethi El Mouldi a évoqué l’injustice à laquelle fait face son ami Mourad Zeghidi. Les locaux du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) étaient presque trop petits pour contenir tous les soutiens, les amis et les journalistes qui apprécient Mourad Zeghidi et qui sont révulsés par l’injustice qu’il subit.
Le prix du courage
Mourad Zeghidi, dans tout ça, reste fort, déterminé et souriant. Il ne se sépare pas de sa mesure si caractéristique ni de son naturel calme. Il lit beaucoup et suit l’actualité comme d’habitude. Ça ne veut pas dire que sa privation de liberté est tolérable ou facile. Il fait juste preuve d’un courage exceptionnel que seuls ses proches connaissent. Mourad Zeghidi sera présenté devant le juge d’instruction le 15 mai. La logique exige qu’il soit libéré. Espérons qu’un minimum de décence subsistera dans les couloirs du palais de justice et que Mourad Zeghidi sera rendu à ses filles.
* « Jusqu’à la fin » en français. Il s’agit également du slogan de la Juventus de Turin, équipe de cœur de Mourad Zeghidi



Tel du bétail destiné a l'abattoir