
Le parti islamiste est-il officiellement relégué aux oubliettes ou arrivera-t-il à renaître de ses cendres ?
Alors que Rached Ghannouchi, président et leader historique d’Ennahdha, est en prison, le parti décide quand même de tenir son 11e congrès. A quoi faut-il s’attendre ?
Un mandat de dépôt a été émis en avril contre Rached Ghannouchi, accusé, entre autres, de complot contre la sûreté intérieure de l’État, d’intention de changer la forme de l’État et d’incitation des habitants à s’entretuer.
Ghannouchi est président du parti islamiste depuis plus de 30 ans. De tous les présidents qu'Ennahdha a connus, seul Ghannouchi a su garder son poste aussi longtemps. Tous les autres (Sadok Chourou, Salah Karkar, Mohamed Ben Salem, Habib Ellouze…) n’avaient pas dépassé les deux-trois ans. Comment un congrès pourrait donc être tenu sans son président historique ?
La tenue même de ce congrès divise au sein de ce parti plus que jamais divisé. Alors que la date d’octobre 2023 a été officiellement annoncée, quelques voix dissidentes se sont fait entendre. Parmi elles, celle de Radwan Masmoudi. Le lobbyiste et ancien membre du bureau politique du mouvement Ennahdha, a en effet considéré que toute tentative d’organiser le congrès est « un putsch contre la direction légitime et contre la ligne révolutionnaire et anti-putschiste au sein du mouvement ».
Mais quel est le but de tenir ce congrès dans le contexte actuel ?
Cet 11e congrès émane justement de la volonté d'Ennahdha de « renouveler son offre politique et son futur programme national ». Entendez par la changer le leadership et donner un coup de frais à un parti qui a perdu de sa superbe.
A l’heure actuelle, en plus de Rached Ghannouchi, plusieurs autres leaders historiques sont derrière les barreaux. Ali Larayedh, ancien chef du gouvernement et ex-ministre de l'Intérieur, est détenu depuis décembre dernier, est impliqué dans l'affaire dite des réseaux d'embrigadement.
Noureddine Bhiri ancien chef du bloc d'Ennahdha au parlement et ex-ministre de la Justice, est détenu depuis février. Il est accusé d’atteinte à la sûreté de l’État et d’appel à la désobéissance.
Le 11e congrès est décisif à plus d’un titre pour le parti islamiste. Initialement prévu pour 2020, il n’a cessé d’être reporté à de nombreuses reprises. Le dernier congrès tenu par Ennahdha eu lieu en 2016 et avait marqué un changement de cap pour la formation d’islam politique.
Le 10e congrès avait, rappelez-vous, été accompagné d’un revirement tactique. Alors qu’en 2012, le 9ème congrès a été inauguré avec des takbir, des hymnes religieux et des versets coraniques, en 2016, on avait carrément annoncé une mue idéologique : le parti séparera, désormais, le discours politique du prosélytisme religieux. Les années nous apprendront, évidemment, par la suite, que cette décision n’a pas été suivie d’effets mais la volonté – ou du moins l’annonce – était bien là.
Pour le 11ème congrès, en revanche, une simple annonce ne suffira pas, il faudra du concret. Et c’est au leadership du parti qu’il faudra s’attaquer. Le président historique ne pourra plus rester. Surtout que, après 2012 et 2016, il a atteint la limite des deux mandats successifs, instaurée en 2007 par le nouveau règlement intérieur du parti. Longtemps investi du rôle de tampon entre les Colombes et les Faucons d'Ennahdha, Ghannouchi ne fait désormais plus l’unanimité, du moins auprès des générations plus jeunes du parti. Mais la confrontation avec Ghannouchi ne date pas d’hier. Le leader historique, figure intellectuelle et spirituelle, a été critiqué à chaque étape importante de l’histoire du mouvement islamiste : d’abord la confrontation avec le régime de Ben Ali, ensuite les alliances d’après-2011 pour, ensuite, le coup de grâce du 25-Juillet 2021.
Il semblerait donc que l’emprisonnement de Rached Ghannouchi ne change en réalité pas grand-chose à la tenue du tant attendu congrès. Car c’est l’après-Ghannouchi qui représente le plus grand défi pour Ennahdha. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a été si difficile de tenir ce congrès reporté depuis 2020. L’adieu au fondateur et leader de 30 ans est une épreuve de taille pour le parti.
En effet, au-delà du nom qui devra succéder à Ghannouchi, ce sera toute l’identité du parti et son projet politique qui devront être repensés. Ennahdha saura-t-il garder sa cohésion légendaire après tous les événements qui l’ont ébranlé ces dernières années ? Le 25-Juillet, la dissolution du bureau exécutif, les dissidences internes et les luttes intestines au sein de son leadership (la liste des cent nahdhaouis)… Le Majliss Choura saura-t-il représenter un contre-pouvoir de taille qui pourra remettre le parti sur les rails et, surtout, le présenter aux yeux de l’opinion publique malgré le bilan calamiteux qu’il a offert aux Tunisiens ces dernières années ?
Il faut au moins reconnaitre que l’emprisonnement de Ghannouchi, s’il représente un frein pour certains, est une opportunité inespérée pour d’autres afin que ce congrès soit enfin tenu. Reste à savoir si Ennahdha arrivera à chasser ses vieux démons et réussira à créer un nouveau parti sur les cendres de son ancêtre défunt ou s’il est bel est bien mort et enterré…



Après une analyse ADN, pour être sûr qu'il s'agit du bon navigateur qui ira nourrir les charognards de la mer.
Imed el7ammemi, par exemple, pourrait avoir un rôle clé dans cette histoire. Parfois en politique, l'ennemi de mon ennemi devient mon ami.
"Pu(t)sch not the tempo", Fatboy slimps !