Par Nizar Bahloul
La Tunisie a vécu hier un moment historique avec les élections municipales durant lesquelles les sécuritaires et les militaires sont allés aux urnes pour voter. Une première rendue possible grâce aux nouvelles lois pondues après la révolution. En théorie, il y a vraiment de quoi pavoiser et crier sur tous les toits sa fierté de voir son pays vivre ce moment démocratique. En pratique, il en est autrement, car l’élite politico-médiatique semble totalement déconnectée du vrai peuple. On le savait déjà en 2011 où la planète entière parlait de la révolution tunisienne, mais seulement 52% des électeurs potentiels ont pris la peine d’aller voter. En 2014, après plusieurs assassinats politiques et la déliquescence de l’Etat sous la troïka islamisto-cpriste, le taux de participation s’est amélioré pour atteindre les 69% aux législatives et les 63% à la présidentielle. Hier, c’est un record d’abstention que l’on a enregistré puisque seuls 12% des électeurs potentiels parmi les militaires et les sécuritaires sont allés aux urnes. L’élite politico-médiatique a beau « vendre » la démocratie et sensibiliser la population sur ses bienfaits, le « peuple » s’en fiche ! Quand on voit tout ce que l’on dépense et les moyens que l’on mobilise pour ces élections et quand on se rappelle de toute l’énergie et de la tension observées lors des débats relatifs au droit de vote des sécuritaires et militaires, on sent comme une amertume à la vue des 12%. « Tout ça pour ça ? ». La conclusion de tout cela est que cette élite politico-médiatique, qui dicte au « peuple » ce qu’il doit faire et ne pas faire, a échoué dans sa mission. Il y a un véritable déficit de confiance entre cette élite « qui sait tout » et ce peuple « qui ne sait rien ». L’élite a beau croire tout savoir, il est temps qu’elle sache qu’elle ne sait rien, puisqu’elle a échoué à mobiliser le peuple à s’intéresser à la chose publique ! Pire, elle a réussi à lui faire détester la chose publique et à mépriser ces gens qui « savent tout ». Les 12% observés hier sont un avant-goût de ce que l’on verra dimanche prochain avec les municipales « grand public » où le taux de participation devrait être faible, soit un taux nettement inférieur à ceux de 2014. Voilà ce qu’a réussi la classe politique tunisienne (pouvoir et opposition) en 4 ans : réduire drastiquement l’intérêt du peuple au symbole même de la démocratie : les élections ! Bravo pour le résultat ! En dépit de cet amer constat, le 6 mai allez voter et réduisez par votre bulletin ce taux d’abstention élevé attendu ! Votre abstention ne pourra que servir la dictature et vos adversaires politiques !
Le bras de fer entre le syndicat de l’enseignement secondaire public et le gouvernement s’est achevé la semaine dernière après plusieurs mois de résistance de part et d’autre. Des mois durant lesquels parents et élèves en ont vu de toutes les couleurs et où l’indécence a atteint son paroxysme.
Finalement, le spectre de l’année blanche s’est dissipé pour laisser place au bon sens. Il fallait mettre un terme à la folie, à l’aveuglement et à la fuite en avant de Lassâad Yaâcoubi and co. Comme s’il ne lui suffisait pas le séisme qu’il a provoqué dans tout l’enseignement secondaire public, le syndicaliste a failli déclencher un séisme dans toute la centrale ouvrière en refusant d’exécuter les directives de la commission administrative nationale de l’UGTT et en désavouant le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi devant toute l’opinion publique ! C’est une insubordination en bonne et due forme où la folie a failli avoir gain de cause du bon sens. Finalement, c’est le bon sens qui l’a emporté. Les élèves ont pu reprendre les cours et ils devraient obtenir leurs notes avec 5 mois de retard.
Dans une guerre, on laisse toujours des plumes et dans celle-ci, nous en avons tous laissé. Le syndicat, la centrale syndicale, le gouvernement, les élèves et les parents.
Le gouvernement s’est gardé de tout triomphalisme et c’est à son honneur. Humilier le syndicat de l’enseignement secondaire et son SG Lassâad Yaâcoubi, comme l’ont fait quelques uns sur les réseaux sociaux, revient à humilier toute l’UGTT, ce qu’il ne faut jamais faire. Déjà, la règle est qu’il ne faut jamais humilier les « perdants ». Or dans cette guerre, nous sommes déjà tous perdants. Et si l’on a pu avoir une sortie de crise, bien que très tardive, c’est bel et bien grâce à l’UGTT et son SG Noureddine Taboubi. A l’humiliation que lui a infligée son syndicaliste Yaâcoubi, il ne fallait pas en rajouter une autre, d’autant plus qu’elle sera injuste.
L’étape suivante, maintenant, est que Taboubi doit agir de telle sorte à éjecter Yaâcoubi de son syndicat car il a trop nui à sa corporation et à la centrale toute entière. Il devrait être aidé par les enseignants qui devraient obligatoirement voir leur salaire charcuté des jours de grève, comme le stipule la loi et comme cela a été le cas avec les magistrats et les médecins.
La Tunisie fêtera demain, à l’instar du monde entier (ou presque) la fête du travail. L’amalgame chez nous est d’associer cette fête du travail à l’UGTT, ce qui n’est pas faux, puisque la centrale syndicale a toujours été associée à toutes les batailles des travailleurs. Mieux que ça, elle a été associée aux importantes batailles politiques du pays, à commencer par celle de l’indépendance jusqu’à celle de l’éjection de la troïka en 2014 en passant par le fameux 14-Janvier 2011. Cela lui a carrément valu le très prestigieux et juste Nobel de la Paix. N’oublions donc pas l’Histoire, à chaque fois que la population était en grande crise, elle s’est retournée vers l’UGTT pour la sauver. Sous d’autres cieux, c’est vers l’armée que cette population se tourne, comme c’est le cas en Egypte, avec les conséquences que l’on sait.
Il n’est un secret pour personne, et nous l’avons toujours écrit à nos lecteurs, Business News est un journal de droite qui défend le libéralisme et le libre marché et qui s’oppose à l’assistanat et aux avantages sociaux démesurés non accompagnés de production et de rendement réels. Sauf qu’il ne saurait y avoir de libre marché et de rendement réel si les travailleurs n’obtiennent pas leurs droits. Dans une véritable économie de marché, il ne saurait y avoir de « patron voyou » et d’entreprise irresponsable qui privilégie le rendement au détriment des droits fondamentaux du travailleur. Un travailleur n’existe pas sans entreprise prospère et une entreprise n’existe pas sans travailleurs satisfaits.
Alors, pour ce 1er mai, il est bon de rappeler aux différents chefs d’entreprises que l’atteinte aux droits des travailleurs est une atteinte à leur propre entreprise d’abord. Ensuite, il est bon de rappeler que c’est une concurrence déloyale et malsaine qu’ils font à leurs propres concurrents sur le marché et que cette stratégie a montré ses limites partout où elle a été pratiquée.
Il est également bon de rappeler, en ce 1er mai, aux différents travailleurs que la revendication exagérée de droits alors qu’il n’y a pas de production réelle en parallèle est une menace de la pérennité même de leur entreprise. Chercher coûte que coûte à garder sous le joug de l’Etat une entreprise non ou peu rentable, alors que sa privatisation la rend plus productive et juteuse, est un non-sens !
En atteignant aux droits des travailleurs, le chef d’entreprise coupe la branche sur laquelle il est assis. En exigeant des droits absurdes et en bloquant toute réforme productive, le travailleur arrache carrément les racines de l’arbre qui le fait vivre. C’est une question de bon sens et ce bon sens existe bel et bien dans l’arrière boutique de l’UGTT qui regorge de compétences qu’on voit rarement dans les médias, mais qu’on croise souvent dans les grandes conférences internationales. On en a d’ailleurs vu quelques unes dans plusieurs gouvernements depuis l’indépendance.
Cette élite quasi-invisible de l’UGTT a toujours pesé dans la vie de la centrale et du pays. Son apport dans la dernière crise est indéniable et incommensurable. C’est à elle qu’il revient de convaincre, par le bon sens, les bases et les syndicalistes bruyants de faire les bons choix pour l’intérêt général du pays et non pour l’intérêt des seuls syndicats.
Hommage en ce 1er mai à tous les travailleurs intègres, à Noureddine Taboubi, mais aussi et surtout à toute cette élite de l’UGTT sans qui « notre » centrale aurait été phagocytée par des clones de Lassâad Yaâcoubi.



Commentaires (23)
Commenter@ Pantoufle/ Pan Toufle
@ Si Jilani
@ Monsieur PAN
Et on écrit aussi : Des fautes d'orthographe.
Le S est de trop même quand il y a beaucoup de fautes, Monsieur Pan.
@Ben | 01-05-2018 19:03
T'en es si sûr ? Alors tant pis pour toi, et pour ton peuple, qui ne vaut pas qu'on s'inquiète pour lui...
@ si Jilani
Hier j'ai signalé un erratum qui s'impose à Monsieur Baudelaire dans "Le Cygne". En fait, il a écrit "Eau, quand pleuveras-tu ?" je lui ai rappelé que les Tunisiens disent plutôt « pleuvras », mais jamais « pleuveras».
Vous ne pouvez- pas imaginer, Monsieur Jilani, Comme bien il était content Monsieur Baudelaire, d'ailleurs comme son Cygne. Il était tellement fier des Tunisiens. Mais je lui ai signalé que c'est tout à fait normal, un Tunisien , en lisant un article, cherche plus les fautes d'orthographes qu'autres choses. Monsieur Baudelaire m'a dit :"Ah! Bon!!!" Je lui ai répondu: « El Azri Aqoua Min Sidou Missier Boudelair ».
L'analyse
Erratum
Veuillez corriger cette faute fréquemment utilisée par les tunisiens.
Trop indulgent vis a vis de l'ugtt
Le peuple ne se déplacera pas le 6 mai et j'en fait partie.
Marre que Monsieur «je sais tout» me prenne pour un «ignorant».
Bas les masques.
@ Nizar
QUESTION DE TEMPS

