
Après les atermoiements à répétition, les membres de l’Instance nationale pour la prévention de la torture viennent d’être élus. Une instance de première importance, dans cette Tunisie qui a vécu sous le joug de dictatures ayant institué la torture comme instrument de pouvoir. On s’attendait à ce que la personne la plus à même de faire partie de cette instance soit élue, en l’occurrence, la militante Radhia Nasraoui. Néanmoins, les calculs politiciens en ont décidé autrement…
La pratique de la torture et autres mauvais traitements était, sous les régimes de Bourguiba et de Ben Ali, monnaie courante dans les prisons et les centres de détention. Avec l’avènement de la révolution, ces pratiques contraires aux droits de l’Homme les plus élémentaires, se sont pourtant perpétuées. Force est de constater que la torture est moins systématique que sous la dictature, mais elle continue d’être fortement exercée notamment à des fins punitives ou pour extorquer des aveux. Un état des lieux qui devait requérir une véritable volonté politique pour endiguer ce phénomène.
Pourtant, la mise en place de l’Instance nationale pour la prévention de la torture (INPT) a trainé en longueur. Sous la Troïka, les membres de l’Assemblée nationale constituante ont toujours reporté cette question, alors qu’en même temps, l’instance Vérité et Dignité, présidée par Sihem Ben Sedrine, avait été instaurée. Le nouveau pouvoir en place, résultant des élections de 2014, notamment l’Assemblée des représentants du peuple, a mis plus d’une année pour finalement élire les membres de l’INPT.
Au regard de la société civile tunisienne et internationale, il était plus que temps d’accélérer sa création, qui n’a que trop tardé. Aujourd’hui, après un long débat qui s’est déroulé à l’ARP, notamment concernant le mode de scrutin pour l’élection des membres, les résultats sont tombés. Etaient en lice 48 candidats, dont la militante et présidente de l’Organisation contre la torture en Tunisie, Radhia Nasraoui, en tant que représentante de la société civile. Sauf qu’une certaine lenteur a été enregistrée lors de l’élection, justement, du représentant de la société civile. C’est à se demander les raisons d’une telle lenteur.
L’Instance se compose de 16 membres représentants divers corps de métiers : avocats, magistrats, universitaires, médecins psychiatres ou des spécialistes de la protection de l’enfant, outre des représentants de la société civile. A l’issue du dépouillement, la candidature de Radhia Nasraoui est écartée, à la surprise « générale ». Mais comment la militante experte en matière de lutte contre la torture et la plus qualifiée pour faire partie de l’instance a pu être évincée ! D’aucuns diront que c’est le résultat de calculs purement politiciens : Ennadha ne verrait pas d’un bon œil la candidature de Mme Nasraoui, nous dit-on… Vu que le mouvement islamiste est désormais majoritaire au parlementet vu l’alliance avec Nidaa Tounes, ce dernier n’a pas trouvé de bon aloi de contrarier ces alliés. Exit Radhia Nasraoui ! Exit l’Organisation contre la torture en Tunisie de l’Instance qui aura justement pour vocation de surveiller et contrôler tous les lieux de détention du pays pour détecter les cas de torture… Elire la personnalité la plus qualifiée et la plus experte ne semble pas la priorité en Tunisie. Dans l’état actuel des choses, contenter ses alliés en est une. En témoigne la récente nomination de Boutheina Ben Yaghlane à la tête de la caisse des dépôts et consignations…
Et pourtant, nos compétences sont prises à leur juste valeur à l’échelle internationale. En 2015, Radhia Nasraoui est élue membre du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT) au sein du Comité contre la torture des Nations Unies. Elle avait récolté 62 voix sur 70.
Les 25 membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture sont choisis « parmi des personnalités de haute moralité ayant une expérience professionnelle reconnue dans le domaine de l’administration de la justice, en particulier en matière de droit pénal et d’administration pénitentiaire ou policière, ou dans les divers domaines ayant un rapport avec le traitement des personnes privées de liberté », peut-on lire dans le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants. Un comité d’experts internationaux a jugé la candidature de Radhia Nasraoui plus que convaincante. Cela n’a pas été le cas de nos élus !
Réagissant à l’éviction de Me Nasraoui, le vice-président de l’Organisation contre la torture en Tunisie (OCTT), Chokri Latif s’est indigné contre cet état des faits. Dans une déclaration à Business News, M. Latif déclare : « Il est scandaleux que Radhia Nasraoui, la militante pour les droits de l’Homme et contre la torture, depuis l’ère de Bourguiba, et qui a défendu tous les prisonniers d’opinion de toutes les obédiences, qui a été élue par les Etats membres des Nations Unies au sein de la plus haute instance internationale contre la torture, soit écartée ! ». Le vice-président de l’OCTT affirme qu’elle a été évincée d’une façon délibérée par le mouvement Ennahdha et ses alliés. « Cela dénote encore une fois, de l’esprit sectaire du parti islamiste et du caractère formel et non-représentatif des élections des instances. Il s’agit d’une preuve que ces instances ne sont pas réellement indépendantes puisqu’elles sont le résultat de calculs politiciens ». Et de conclure : « Que l’Organisation contre la torture en Tunisie ne soit pas représentée au sein de l’INPT est une aberration ! ».
D’après les dispositions générales de la loi organique n°43 du 21 octobre 2013, l’Instance nationale pour la prévention de la torture est «une instance publique indépendante dotée de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière ». Pourrait-on parler d’indépendance si les élections, même, des membres de l’INPT sont tributaires des tiraillements politiques et des calculs purement politiciens…
Ikhlas Latif
Commentaires (31)
CommenterTout à son honneur , notre Grande Lady Radhia Nasraoui .
celle qui a été évincée
la democratie est de la torture
c'est cela la democratie
@ Citoyen_H
Respectueuses salutations!
J'ai rien compris
Un peuple qui a élu nidaa et nahdha on doit s'attendre à pire que ça les prochains jours vous allez voir
@Sensei
sage décision/ double emploi interdit
Nahdha et non Nida au pouvoir
Nahdha exige tous les postes clefs .. voilà tout ...
Nida gagne les élections et offrent à Nahdha le parti islamiste tous les rouages de l'état .. c'est un fait ...
Le Tunisien s'est laissé berné par le con qu'on suce ... sucez bien la sucette à l'anis ... Hatem Chaieb