Le témoignage de Imed Trabelsi dans le cadre de l’Instance Vérité et Dignité, transmis vendredi soir par des chaines de télévision nationales a montré l’étendue de la corruption dans le pays. Mais pas seulement.
Certes, le témoignage d’Imed Trabelsi était très instructif pour une large frange de la population qui ne s’intéressait pas, ou peu, à la chose publique du temps de l’ancien régime de Ben Ali. Il a donné des indications concrètes sur l’étendue de la corruption et du népotisme du temps de Ben Ali. Il a donné la preuve que le système de passe-droits mis en place pour faire profiter les familles des Ben Ali, Trabelsi, Chiboub, Materi et autres familles proches et alliées, continue de fonctionner au profit d’une nouvelle caste de corrompus : ceux qui étaient de simples hommes-de-mains et qui se sont retrouvés après la révolution eux-mêmes patrons d’une organisation mafieuse, les racailles en puissance qui n’existaient pas avant la révolution mais qui ont profité de la faiblesse de l’Etat et du climat d’impunité pour se faire une place parmi le conglomérat des racailles anciennes et ceux qui, soutenus par leurs partis au pouvoir, notamment Ennahdha, le CPR puis le Nidaa, ont pris la relève, sans état d’âme, des familles sus citées et de leurs réseaux corrompus et mafieux. Par contre ceux qui ont vécus impuissants cette descente aux enfers, les militants politiques ou associatifs et les victimes du népotisme et de l’arbitraire au temps de Ben Ali, ils n’ont rien trouvé de nouveau dans le témoignage de Imed Trabelsi.
Au contraire, pour eux, le témoignage de Imed Trabelsi est orienté et peu crédible. D’abord parce qu’il n’est pas un témoignage en direct. Il a été enregistré, monté, manipulé et qui sait ce qui a été ôté de ce témoignage et pour quelles raisons. En plus, il est plus que suspect que le témoignage insiste pour citer certaines personnes par leurs noms à plusieurs reprises, alors que d’autres personnes ne sont citées que par allusion. Un règlement de compte personnel ? Peut-être. Mais pas seulement.
Enfin, il est avéré que ce témoignage est tronqué. En effet, le témoignage de Imed Trabelsi devant les instances et les commissions qui ont été créées après la révolution, notamment celle de feu Abdelfattah Amor et celle de Tawfik Bouderbala était plus exhaustif et complet. Le ramener six ans après devant une instance dite de vérité pour ne dire que des demi-vérités, n’est pas sérieux, encore moins productif.
En vérité, le témoignage de Imed Trabelsi n’est qu’une excuse, un faire-valoir pour l’IVD et sa présidente qui est passée maitre dans l’art de la manipulation, et qui ne pouvait trouver meilleur alibi que le témoignage du porte drapeau de la corruption dans le système Ben Ali pour s’inviter dans le débat politique du moment dans le pays concernant l’initiative présidentielle de réconciliation économique. Sur ce plan, nous ne pouvons que constater que cette manœuvre a été une réussite totale. L’IVD et sa présidente ont bel et bien marqué des points au sein de l’opinion publique contre le projet de loi sur la réconciliation. Une revanche personnelle pour Sihem Ben Sedrine et une aubaine pour l’opposition et même pour les islamistes qui semblent retrouver leurs anciennes habitudes de double discours et de double-jeu.
D’aucuns diront que ceci n’est une surprise pour personne. C’est vrai. Sauf que l’IVD n’est pas en principe un acteur direct de la vie politique et que ses membres doivent de ce fait, adopter une réserve qui sied à leurs responsabilités. Malheureusement, il est de plus en plus évident que l’IVD, sous l’impulsion de sa présidente, se manifeste non comme une instance indépendante, mais comme un parti d’opposition allié des partis de la troika et sporadiquement de l’extrême gauche.
Sans risque de se tromper, on peut affirmer que le témoignage de Imed Trabelsi, dans le cadre de l’IVD, vendredi dernier, a permis à Sihem Ben Sedrine de marquer des points, mais ne nous a pas rapproché de la vérité. Au contraire, il nous a éloignés du sens et de la philosophie de la justice transitionnelle.


Commentaires (13)
CommenterLa roue tourne
Témoignage d'un repenti?
Une conclusion à réécrire.
texte de sofiane ben hmida
Le cercle vicieux
Imed Trabelsi est libre depuis longtemps
Tous les noms ont été gommés, le message tronqué et on sentait qu'Imed récitait presque un texte avec des mots difficiles en Arabe et des formules recherchées, loin du vocable du voyou anaphabète qu'il était.