alexametrics
mardi 19 mars 2024
Heure de Tunis : 08:53
A la Une
Polémique autour de l'arrestation de Nabil Karoui
25/08/2019 | 16:59 , mis à jour à 10:00
6 min
Polémique autour de l'arrestation de Nabil Karoui

 

L’arrestation du magnat de l’audiovisuel et candidat à l’élection présidentielle, Nabil Karoui, a soulevé beaucoup de questions. La chaîne privée Nessma TV, fondée et dirigée par cet homme d’affaires, a qualifié cette arrestation de « kidnapping » et son parti Au cœur de la Tunisie a estimé que cette pratique est « non-démocratique ». Mais qu’en est-il réellement ?


Le mandat de dépôt émis par la chambre d’accusation près du Pôle judiciaire financier contre Nabil Karoui et son frère, Ghazi, vient dans le cadre d’une plainte déposée par l’Ong I Watch depuis 2016.

Cette organisation avait accusé les frères Karoui - dans un rapport daté du 10 juillet 2016 - de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale. Elle avait également appelé la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) à mettre à jour ses cahiers des charges pour obliger les sociétés détenant des droits de diffusion audiovisuels à fournir le schéma financier montrant les bénéficiaires ultimes ainsi que le ministère de l’Intérieur et celui des Finances à user de tous les moyens légaux - y compris la perquisition de documents - pour faciliter la vérification de la situation fiscale de Nessma TV.

Réagissant à ces accusations, le groupe Karoui avait déposé 21 plaintes contre I Watch auprès du procureur de la République pour diffamation. Au final, ce bras de fer judiciaire avait duré 3 ans et des décisions avaient été rendues, en juillet dernier, contre les frères Karoui, à savoir le gel de leurs avoirs et une interdiction de voyage.

Et dans chaque sortie médiatique, Nabil Karoui ne ratait pas une occasion pour critiquer sévèrement I Watch réfutant les accusations portées à son encontre. A titre d’exemple, en juillet dernier, il avait indiqué, à sa sortie du Pôle judiciaire financier que les lanceurs d’alerte, à l’instar de l’Ong I Watch, doivent dorénavant faire attention avant de publier toute information, et ce pour éviter la diffusion d’intox. « On n’a pas que ça à faire ! Soyez précis dans ce que vous faites pour éviter toute injustice ! », avait-t-il lancé.

Quelques semaines plus tard, Nabil Karoui a été arrêté à la station de péage de Medjez El Bab par les unités sécuritaires et conduit directement à la prison de la Mornaguia. Son frère Ghazi, quant à lui, a complètement disparu dans la nature.

 

Dès l’annonce de cette arrestation, plusieurs dirigeants politiques ont affiché leur soutien au candidat à la présidentielle et appelé la justice à sa libération.

Abdelaziz Kotti, dirigeant du parti Al Amal, avait estimé, hier samedi 25 août 2019, que le timing de l’arrestation de Nabil Karoui n’était pas du tout opportun et que la justice n’aurait pas du émettre un mandat de dépôt.

Le dirigeant du mouvement islamiste Ennahdha, Lotfi Zitoun, avait quant à lui indiqué que l’arrestation du président d'Au cœur de la Tunisie est un acte purement politique à un moment politique délicat, faisant ici allusion au fait que Nabil Karoui soit candidat à la présidentielle, une échéance prévue le 15 septembre prochain. « Cela est totalement inacceptable et moralement condamnable et nuit à la réputation de la Tunisie et à sa transition démocratique » a-t-il aussi écrit sur son compte Facebook.

 

D’autres voix se sont élevées pour dénoncer cette décision judiciaire, notamment l’Association des magistrats tunisiens (AMT) qui a appelé le procureur général de la Cour d’appel de Tunis à éclairer l’opinion publique sur cette affaire ayant soulevé en seulement quelques heures la toile et les médias. Elle a aussi souligné la nécessité d’éloigner le pouvoir judiciaire de tout tiraillement politique.

De son côté, la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH) avait indiqué, dans un communiqué publié hier, que l’arrestation « d’un candidat à la présidentielle en cette période sensible soulève beaucoup de suspicions et nuit au pouvoir judiciaire laissant entendre qu’il y a eu une instrumentalisation politique afin d’exclure des concurrents de la course à la présidentielle». La LTDH fait ici allusion aux nombreuses accusations lancées contre le chef du gouvernement, Youssef Chahed, également candidat à l’élection présidentielle.

Certains avaient en effet estimé que le chef du parti Tahya Tounes serait derrière cette opération allant même jusqu'à parler de « kidnapping » en vue d’écarter son principal concurrent de la course présidentielle.

Ce parti avait d’ailleurs dénoncé ces accusations et indiqué, dans un communiqué publié hier, que le chef du gouvernement n’a pas usé de sa position pour écarter ses adversaires politiques. Tahya Tounes avait également condamné la campagne de diffamation lancée par certains médias contre Youssef Chahed et le parti.

 

Egalement sur le banc d’accusés, figure le mouvement islamiste Ennahdha. Des accusations lancées par un ancien membre de ce parti aujourd’hui candidat à la présidentielle, Hatem Boulabiar, lors de son passage à Nessma TV, vendredi dernier. Ce dernier avait indiqué qu’Ennahdha serait aussi impliqué dans l’arrestation de Nabil Karoui.

En réaction, le mouvement islamiste a vivement dénoncé, dans un communiqué, les accusations portées à son encontre et a appelé à préserver l’indépendance de la justice et à éviter de l’impliquer dans des tiraillements politiques pouvant mettre en doute sa crédibilité et son indépendance.

 

L’affaire Karoui a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre à l'étranger aussi. Plusieurs médias dont DW, Le Figaro, Le Monde, France 24, New York Times, etc. se sont intéressés à cette affaire et ont relayé l’information en la commentant.

Et l’intérêt porté par ces médias a bien évidemment suscité l’indignation de plusieurs politiciens, notamment le ministre de la Défense et candidat à la présidentielle, Abdelkrim Zbidi, qui avait estimé que cette arrestation nuit à la réputation de la justice ainsi qu'à l’image de la Tunisie à l’étranger.  

Le président du Mouvement démocratique, Ahmed Néjib Chebbi, a, quant à lui, appelé à la libération immédiate de Nabil Karoui et estimé que les circonstances de cette arrestation démontrent qu’il y a eu une instrumentalisation de la justice au profit du pouvoir exécutif. Il a de ce fait appelé les partis politiques et la société civile à soutenir sans plus tarder la libération de l’homme d’affaires.

 

L’arrestation de cet ancien dirigeant de Nidaa Tounes et homme de médias controversé, ou plutôt le timing de cette arrestation, a certes suscité l’indignation de beaucoup de Tunisiens. Elle a aussi été saluée par d'autres qui y ont vu "un nouveau coup contre la corruption". Une polémique qui enfle de plus que Karoui a gagné, en très peu de temps, de popularité se frayant petit à petit un chemin vers Carthage et le Bardo.

 

 Emna Ben Abdallah

25/08/2019 | 16:59 , mis à jour à 10:00
6 min
Suivez-nous

Commentaires (16)

Commenter

antireligion
| 26-08-2019 14:39
admettons que Chahed est en place grâce aux américains ça c'est une profitabilité qui frise un bon pourcentage et dire qu'il a été imposé à BCE qui ne voulait pas de lui et apparemment ce premier ministre cherche à instaurer la même politique dictatoriale comme Bourguiba et ZABA pour plaire à certaines puissances Karoui je ne connais pas et je ne regarde pas sa chaine mais tout ce tintamarre autour de lui laisse penser qu'il dérange beaucoup la classe politique tunisienne et d'après ce que j'ai appris il parait qu'il fait beaucoup de bien autour de lui surtout envers les gens qui sont dans le besoin donc je pense que ces gens là qui ont tendu la main pour recevoir son aide et certainement il y a beaucoup c'est plutôt à eux de prendre sa defence et essayer de le faire sortir de ce guêpier parce que son cas pourrai faire une boule de neige

antireligion
| 26-08-2019 13:55
Alex commences par là fermer on verra le reste après

Nephented
| 26-08-2019 13:17
Lorsque l'on entend les arguments des représentants du ministère de Justice on croirait se retrouver à l'ère Ben Ali

Il est évident que l 'Etat tunisien reste un instrument.
Entre de mauvaises mains

C'est le résultat de l'absence de réformes de fonds depuis 8 années

'?crivons le une bonne foi pour toute,et je vous invite à me croire : cette arrestation a été minutieusement planifiée depuis 3 semaines,pour saboter la candidature de Nabil Karoui ( qui est pas ma cruche à pinard )

Tout le dossier a été ficelé sous ordre du premier ministere, des le décès de BCE

Et fait gravissime, encore méconnu ,avec le concours d' éléments de l'appareil islamo-,fasciste

Des pans entiers de l'appareil judiciaire et sécuritaire semblent être ainsi réduits au rangs de milices privées comme au temps des Tranelsi

Le véritable problème c'est cette dérive catastrophique et non pas Nabil Karoui qui n'est pas une oie

Alex
| 26-08-2019 12:31
A quand la fermeture de Nessma TV, cette chaîne hors la loi ?

MIROIR
| 26-08-2019 11:35
Allez soyez plus sérieux. C est le train de la décadence qui a mené pleins de gens à admettre l 'inadmissible. Il n y a pas d'explications à donner, c est honteux !

aliocha
| 26-08-2019 11:05
Je ne vais pas pleurer sur le sort d'un populiste qui veut se racheter une virginité en achetant les électeurs, quand on rentre en politique on doit être irréprochable, sinon il faut s'attendre à tous les coups bas (souvenez vous de Fillon en France), s'ils accusent, sans preuves, Chahed, ils n'ont qu'à faire pareil pour le déstabiliser, la politique est une arène et tous les coups sont permis!

Bonz
| 25-08-2019 21:58
Je pense que les magistrats savent ce qu'ils font et savent que l'arrestation du chouchou des médias risque de faire beaucoup de bruit.
Je parie que s'il ont fait ça à une semaine du début de la compagne électorale c'est qu'ils sont de solides arguments contre les frères Karoui.

On dira très probablement dans quelques mois que la justice a sauvé la Tunisie d'une humiliation internationale.

Pour BN : conclure que les frère Karoui se sont frayer un chemin vers Carthage et le Bardo c'est aller un peu plus vite que la musique. Dans mon entourage et mes voisins personne ne me dit vouloir voter pour les partons de Nesma. Mais, je n'habite pas dans un quartier de journalistes et je n'attends pas la caravane de la honte de Nesma.

DHEJ
| 25-08-2019 21:15
Or ce n'est qu'un appareil mal conçu et mal calé...

Ingénieur Judiciaire
Le premier au monde

LAM
| 25-08-2019 19:53
Je recommande cet excellent article de Khaled Boumiza https://africanmanager.com/affaires-karoui-les-vraies-questions-a-poser/ dont nombre de journalistes devraient s'inspirer....

Ahmed
| 25-08-2019 19:29
De toute évidence l'acte vient de l'intérieur de l'e Tunisien, ministère de la justice puis ministère de l'intérieur.
Les forces politiques derrières cet acte restent obscures.
Qui gagnera de tout cela certainement pas les démocrates.
Cette arrestation est dans son timing et sa forme politique dans le fond probablement juridique.
Personnellement je ne voterai pas Karaoui, mais cette affaire est un dysfonctionnement flagrant de l'etat.