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Modes opératoires du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme en Tunisie
11/08/2022 | 10:54
10 min
Modes opératoires du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme en Tunisie

 

La Commission tunisienne des analyses financières (Ctaf) relevant de la Banque centrale de Tunisie a publié son rapport annuel 2021. La Ctaf est le principal organisme de l’Etat chargé de lutter contre les crimes financiers.

Dans ce rapport, la commission a présenté quatre modes opératoires utilisés pour le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les quatre modes opératoires respectifs résument les relations et les transactions financières observées dans trois cas de blanchiment d’argent liés respectivement à l’usage de « Money Mule Network », au commerce (TBML) à la corruption et le crime contre l’environnement et un cas de financement de terrorisme, à travers un imam qui recevait des virements de l’étranger.

Nous reprenons ici des extraits du rapport de la Ctaf autour de ces quatre modes opératoires.

 

Cas type n°1 : Financement du terrorisme

La CTAF a reçu une déclaration de soupçon concernant un dénommé (X), Tunisien, imam de mosquée, qui a tenté de recevoir un virement émanant d’une personne physique étrangère résidente dans le pays « Xland ». Étant signalé que les flux financiers enregistrés sur le compte du dénommé (X) sont en contradiction avec le profil du client.

Le compte du dénommé (X) a été alimenté principalement durant la période allant de 2011 à 2021 par des versements en espèces totalisant 84.630 dinars effectués par deux personnes (Y) et (Z) n’ayant aucun lien économique apparent avec le titulaire du compte.

De même, l’analyse du compte a fait apparaître la réception de fonds provenant du compte d’une personne physique ouvert en « XLand », sans lien de parenté visible entre le donneur d’ordre et le bénéficiaire, ce qui soulève des questions sur la légitimité du motif invoqué à savoir « Aide Familiale » au niveau des transferts douteux.  Il est à signaler que les flux enregistrés sur le compte ont été retirés en espèces.

 

Sur le plan financier, les investigations menées par la CTAF ont permis de mettre en évidence que le dénommé (X) est le gérant d’un jardin d’enfant, dont il n’a pas été possible de trouver de compte au niveau de la place bancaire et d’une société de commerce de gros, dont le compte a été faiblement mouvementé. En outre, il s’avère que le dénommé (X) est le fondateur d’une association ayant la même adresse que celle du jardin d’enfant.

 

Critère d’alerte

Le dénommé (X) est signalé auprès des autorités nationales chargées de l’application de la loi comme étant une personne extrémiste, qui s’est déplacée dans plusieurs pays (dont le pays Xland point d’émission des transferts), et ce dans le but de rejoindre des organisations terroristes ; Ayant des liens étroits en Tunisie avec des terroristes ; L’association dont il est fondateur est signalée par les services de la CTAF, elle a fait l’objet de deux coopérations nationales émanant de deux administrations  différentes, et que celle-ci est en arrêt judiciaire depuis 2014.

Les dénommés (Y) et (Z) initiateurs de versements en espèces enregistrés sur le compte objet de la déclaration de soupçon, sont aussi connus auprès des autorités nationales chargées de l’application de la loi, comme étant en lien avec des organisations terroristes extrémistes à l’étranger.

 

Conclusion de l’analyse

Les opérations réalisées ont été jugées suspectes au niveau de l’analyse opérationnelle, eu égard à l’utilisation importante de l’espèce sans aucune visibilité sur l’origine et la destination des fonds ; Transferts étrangers reçus sans arrière-plan économique ; Le dénommé (X) et les intervenants dans le dossier sont connus auprès des autorités chargées de l’application de la loi comme étant des extrémistes ayant des liens avec des organisations terroristes.

La CTAF a transmis, au vu des indices de soupçon de financement du terrorisme et des critères d’alerte précités, le dossier au Parquet. La CTAF a proposé l’insertion de ladite personne dans la liste nationale des personnes et organisations et entités associées aux crimes terroristes.

À cet effet, la CNLCT a inscrit le dénommé (X) sur la liste nationale des personnes et organisations et entités associées aux crimes terroristes sur proposition de la CTAF.

 

Cas typologique n°2 : Money Mule Network

La CTAF a reçu des DS (déclaration de soupçon) concernant X, une femme ayant la triple nationalité, tunisienne, suisse et britannique, et son époux Y un Anglo-libanais, tous deux vivant dans un des quartiers chics de L-Land.

- X et Y ont chacun créé entre 2014 et 2018 des sociétés de services à L-Land ayant un capital social à hauteur de 1£ (voire 100£, 380 dinars).

- Les deux intéressés ont ouvert plusieurs comptes bancaires en dinar tunisien et en devise chez une banque tunisienne.

 

La coopération internationale avec l’homologue étranger (à L-Land) de la Ctaf, ainsi que les recherches sur les sources ouvertes ont permis d’obtenir les informations suivantes :

- X et Y font partie d’un réseau international spécialisé dans le crime organisé qui attire des étrangers et les incite à visiter L-Land pour une période d'un ou deux jours afin de créer des sociétés ou ouvrir des comptes bancaires. Ces comptes (Mule Accounts) enregistrent l'acceptation de fonds résultant de fraude et de corruption, dont la plupart sont ensuite transférés vers des comptes ouverts en C-Land et H-Land.

- X est accusée d’être impliquée dans une opération de fraude de multi-millions de livres sterlings, et ce en ayant escroqué des personnes physiques et morales à travers des services fictifs offerts.

 

Conclusion de l’analyse

En conclusion, la Ctaf indique que l’argent transféré en Tunisie résulte d’opérations d’escroquerie, de fraude et de corruption.

- X et Y ont épuisé les trois étapes du blanchiment d’argent en se servant de la place bancaire et financière tunisienne.

- Au vu des indices de soupçons collectés, la CTAF a gelé les fonds en rapport avec ces DS et a transmis le dossier au Procureur de la République. Une enquête judiciaire a été ouverte.

 

Cas typologique n°3 : Corruption et crime contre l’environnement

La CTAF a reçu des déclarations de soupçon concernant le dénommé X et le dénommé Y.

- X est une personne politiquement exposée et gérant de la société ALPHA, société spécialisée dans l’achat, collecte des déchets métalliques et fonderie de métaux. 

- Y est une personne politiquement exposée responsable dans une administration publique.

Selon les sources de la Ctaf, X aurait eu des activités en lien avec la contrebande.

20 jours après avoir été démis de ses fonctions, Y a encaissé sur son compte personnel deux chèques de 50.000 dinars chacun, tirés du compte de la société ALPHA.

 

Critères d’alerte

Les flux financiers entre deux personnes politiquement exposées (PPE) sans aucun arrière-plan économique et la mauvaise réputation auprès des médias ont été suffisants pour alerter la banque, puis la Ctaf. À partir de là, l’enquête a été ouverte.

 

- Plusieurs versements espèces enregistrés sur les comptes personnels de X et le compte d’ALPHA, d’origine inconnue. Ces versements espèces ont été talonnés par plusieurs placements de montants importants sur le court terme (Bons de caisse) et rachats de ces placements.

- Le compte d’ALPHA a enregistré plusieurs virements reçus de deux sociétés qui opèrent dans le négoce d'acier inoxydable, d'aluminium et de métaux non ferreux spécialisées, la première est située à I-Land et la deuxième à B-Land.

- Les comptes ouverts au nom des autres sociétés de X (opérant dans l’agriculture et le commerce d’huile d’olive) ont enregistré quelques opérations bancaires qui paraissent insignifiantes par rapport à celles effectuées par ALPHA.

Le compte de Y :

- Le compte personnel de Y enregistrait des opérations courantes liées à la réception de son salaire mensuel en tant que fonctionnaire et des opérations de retrait en espèces.

- Lors de l’encaissement des chèques tirés du compte d’ALPHA, Y s’est empressé de dépenser cet argent (émission de chèques en faveur de personnes physiques sans lien économique apparent et retrait espèces).

- Questionné par la banque au sujet de ces flux d’argent injustifiés, Y s’est limité à justifier uniquement les opérations effectuées avec un dénommé Z, en présentant une promesse de vente d’un appartement d’une valeur de 180.000 dinars.

- Y a reversé une partie de la somme à la société ALPHA.

- Le flux entre Y et ALPHA demeure non justifié.

 

D’après les investigations de la Ctaf, il s’est avéré qu’en 2017, ALPHA avait obtenu un agrément délivré par l’administration dans laquelle Y a été en fonction, afin de collecter, transporter et recycler les batteries usagées.

 

Conclusion de l’analyse

Et de conclure qu’il s’agit d’un cas de contrebande mêlé à une possible corruption (user de sa qualité et de ce fait se procurer à soi-même ou procurer à un tiers un avantage injustifié).

Pour la Ctaf, la vente du bien immobilier semble être une couverture et Z semble jouer le rôle d’un homme de paille.

Au vu des indices de soupçons collectés, le dossier a été transmis au Procureur de la République. Une enquête judiciaire a été ouverte. Les deux PPE ont été arrêtées.

 

Cas typologique n°4: Trade-Based Money Laundering (TBML)

 

La Ctaf a reçu une déclaration de soupçon au nom d’une personne dénommée (X), de nationalité franco-tunisienne, ingénieur de profession et détenant un compte personnel en euros ouvert en Tunisie. Ce compte a enregistré des opérations financières qui ne sont pas en adéquation avec sa profession déclarée en tant qu’ingénieur, et il est en train d’effectuer des transferts en faveur de sociétés installées à l’étranger spécialisées dans le secteur médical.

Selon les informations collectées par le déclarant, il s’est avéré que le dénommé (X) gère une société (BETA) en Tunisie spécialisée dans l’import et la vente du matériel médico-dentaire.

 

Critère d’alerte

- X n’a pas averti à la banque, lors de l’ouverture de son compte personnel, de la nature de son activité en tant que gérant-associé de la société BETA en Tunisie.

- Le compte personnel de X a été alimenté par des versements en espèces (138.000 €) et des transferts provenant de plusieurs personnes physiques (204.000 €), pour un montant total de 342.000 €.

- La majorité des fonds logés dans le compte de X a été transféré vers des comptes ouverts à l’étranger au nom de sociétés spécialisées dans le secteur médico-dentaire (282.000 €)

- Les investigations menées par la Ctaf ont démontré que les entreprises auprès desquelles la société BETA a effectué des opérations d’importation de marchandises, sont les mêmes entreprises bénéficiaires des transferts ordonnés par le gérant de la société BETA.

- X et sa société BETA ont fait l’objet d’investigation douanière pour fausse déclaration de valeur de marchandises importées en utilisant des documents falsifiés.

 

Dans cette typologie ci-dessus, la société BETA et le dénommé X ont eu recours à une technique de blanchiment d’argent basée sur le commerce, connue sous le nom de « sous facturation de biens ».  Les éléments clés de cette technique consistent en une déclaration minorée du prix du bien (facturer les biens à un prix en-dessous du juste prix du marché).

Pour réussir cette technique, l’importateur et l’exportateur sont le plus généralement complices.

 

Conclusion de l’analyse

X a déclaré une valeur de marchandises inférieure à la valeur réelle afin de payer le minimum de droits et taxes dus, tout en utilisant son compte personnel pour régler les fournisseurs à l’étranger afin de ne pas éveiller les soupçons.

- Les investigations menées par la Ctaf ont révélé que X a commis des infractions douanières et fiscales.

- Il s’agit d’une typologie classique recourant à l’une des techniques du Trade Based Money laundering (TBML)

Au vu des indices de soupçons collectés, le dossier a été transmis au procureur de la République. Une enquête judiciaire a été ouverte à cet effet.

 

Source : Rapport 2021 de la Ctaf

11/08/2022 | 10:54
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Commentaires
Daoudaou
Ni X ni Y
a posté le 15-08-2022 à 07:31
C'est nahdha l'origine du mal.
Daoudaou
D'ailleurs les ch'?urs nahdha doivent se recroqueviller dans leur foin
a posté le 14-08-2022 à 11:39
Ils n'ont pas voulu comprendre que leur âar raquette et arnaqué sont finies et qu'ils sont contraints maintenant de rejoindre soit leur région ou paris d'où ils sont venus en intrus au cours de l'année 2012, l'année à partir de laquelle les massacres socio-économiques causés par nahdha ont commencé.
Dieu les châtiera pour tous leurs crimes et délits commis envers les tunisiens.
rochdi
mafia de BCT
a posté le 12-08-2022 à 12:38
cas1 :
Un homme d'affair peut voyager autant de fois par an meme 100 fois chaque voyage il peut emmener avec lui la somme de 20000 dinar sans etre questionner . c'est ca le blanchiment d'argent.
cas2: un menuisier frabrique une chaise et l'a vend sur internet il risque un an de prison pour blanchiment d'argent.
on veut que le pays avance avec ces loi de mafia de BCT.
Tunisie libre
C'est du pipi de chat...
a posté le 11-08-2022 à 19:32
Ils sont marrants ces petits fonctionnaires de la banque centrale tunisienne.
Ce qui est dévoilé dans leur pseudo rapport ne représente même pas 0,0001% des vraies affaires de corruption et de malversations.
Les mafieux du pays brassaient des centaines de millions d'euros par an et même plus. ce torchon de "rapport" est fait pour amuser la galerie et faire croire que le pays lutte contre le crime organisé et le terrorisme ,nous parle de 84500d de 370000'?'.... des petites sommes par rapport à la réalité des dégâts.
Arrêtez de nous prendre pour des imbéciles.
Expliquez nous comment des bledards dans la galère avant 2011 ont pu acheter plusieurs villas de luxe en Normandie, au bord du lac leman côté suisse et français, des appartements au 16 ème arrondissement, à l'avenue foch....etc.
La vraie mafia qui sévit dans le pays depuis 60ans est toujours là et les nouveaux parrains qui sont arrivés en 2011 sont main dans la main avec les anciens parrains.
Kaiess saied ne pourra jamais lutter seul contre ce cancer .Tout le pays est gangrèné.
C'est la quadrature du cercle.
Eliot Ness
Oui
a posté le à 10:37
Tout le pays doit l'aider dans sa tâche: il a besoin d'une équipe d'hommes et de femmes honnêtes derrière lui pour vaincre la Mafia.
EL OUAFI
C'est déjà connu !
a posté le 11-08-2022 à 17:49
Il y a bien d'autres bien coriaces, plus difficiles à démêler, les douaniers et les services des finances les connaissent, reste qu'il faut les déceler aux bons moments.
Trouver les preuves tangibles et les surprendre (quasi impossible)
Le blanchiment, la fraude il y a toujours une longueur d'avance sur les enquêteurs, il ne faut pas trop se leurrer, des éminences grises ouvrent nuits et jours pour détourner des sommes colossales avec des multitudes d'opérations complexes, qui ne pourraient être démasqué que par les génies des services spéciaux. BN ne possède pas des journalistes d'investigation à l'exemple de Mediapart et tant d'autres.
Alya
Très bon article
a posté le 11-08-2022 à 14:50
J ai suivi l article avec très grande attention. Bien entendu ces cas types sont connus dans tous les pays du monde. Et les fraudes sont souvent difficiles à mettre en évidence voire impossible a démontrer et bien entendu à l origine des fortunes colossales. Je voudrais juste revenir sur le premier cas concernant le terrorisme. Oui et tant pis , la tunisie , à l instar des pays developpes à choisi de suivre , de ficher, de compter les déplacements à l etranger etc....... Nos voisins n optent pas pour la même procédure et interviennent plutôt Que faut il faire?
Mansour Lahyani
@B.N.
a posté le 11-08-2022 à 14:31
C'est bien de dévoiler les modes opératoires du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme ! Mais il ne faut pas vous arrêter en si bon chemin : vous fournissez également la mise en pratique ? Parce que ce genre de (in)formation ne donne de bons résultats que si elle est suivie d'un stage pratique !!! BN, soyez gentil : dites-le à cette Valeureuse CTAF iii
takilas
Une mafia inégalable
a posté le 11-08-2022 à 13:38
La secte nahdha est capable de tout et se permet à tout. ourvu qu'elle garde le pouvoir comme elle prévue et planifié (avec de l'argent sale alloué par leurs patrons commanditaires) depuis leur sinécure à Londres et de devenir indéfectiblement des nababs sans que personne ne peut les importuner.