
La situation de la majorité des entreprises tunisiennes est de plus en plus compliquée, pour ne pas dire catastrophique. Entre les hausses et les nouvelles impositions périodiques, les pénuries, l’inflation galopante à deux chiffres qui impacte leurs approvisionnements mais aussi le pouvoir d’achat de leurs clients, les restrictions d’importation, les problèmes de financement et le marché parallèle, les sociétés tunisiennes ne savent plus sur quel pied danser. Elles se retrouvent souvent dos au mur en mettant la clé sous la porte dans le meilleur des scénarios. Dans le pire, les responsables se retrouvent sous les verrous. Face à cela, silence radio de la part des autorités.
Depuis la révolution, la situation des entreprises n’a cessé de se dégrader. La pandémie a mis les PME à terre alors que la guerre en Ukraine a porté le coup de grâce. Cela est conjugué à la situation des finances publiques, le manque de devises et le resserrement opéré par l’État, notamment en ce qui concerne les restrictions des importations. Par ailleurs et pour remplir les caisses de l’État, plusieurs impositions ont augmenté, de nouvelles ont été créés outre le passage du régime forfaitaire au régime réel et la multiplication des redressements fiscaux.
À cela s’ajoutent les difficultés d’approvisionnement avec des pénuries récurrentes et une inflation record à deux chiffres jamais égalée en 38 ans face à une détérioration importante du pouvoir d’achat.
Pire, l’État est en train de drainer toutes les liquidités, via les bons de trésor et emprunts intérieurs. Ce recours intensif au marché intérieur l’a épuisé et a accentué l’effet d’éviction du secteur privé du marché du crédit alors qu’il souffre déjà du resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Dans ce cadre, Taoufik Baccar avait affirmé depuis décembre 2022 que « l'emprunt auprès des banques tunisiennes provoquait un effet d'éviction. L'État se transformait en concurrent de l'ensemble des acteurs économiques au niveau des prêts et ceci conduira à l'exclusion de certains d'entre eux ».
Tout cela a impacté les entreprises tunisiennes et en particulier les TPME (très petites, petites et moyennes entreprises) plus fragiles. Un sondage a été effectué par l’Association tunisienne des petites et moyennes entreprises (ANPME) sur la situation financière des PME, réalisé sur un échantillon de 1.500 entreprises, dont près de 90% ont plus de cinq ans d’existence.
Il en ressort que 58,9% ont demandé des crédits aux banques, qui ont demandé des garanties à 69,5%. Pour 63% de cet échantillon, des garanties variant entre 200 et 400% du montant demandé ont été exigées. Les réponses interviennent pour 76% entreprises après trois mois, un délai très long qui conduit au classement de ces entreprises par la Banque centrale de Tunisie et deviennent interdites de crédits. Ainsi, 61,5% des petits entrepreneurs sont classés 3 et 4 au niveau des banques. Et 96,6% des sondés n’ont pas trouvé de financements.
Plus de 93% utilisent les chèques dans leurs transactions et plus de 90% d’entre eux sont poursuivis pour des chèques sans provision. 67,5% sont condamnés à la prison ferme avec exécution immédiate.
Résultats des courses, 72,2% ont arrêté leurs activités et n’ont pas les moyens de clôturer leur patente. Pire, 31,9% ont subi des redressements fiscaux.
Rappelons que selon un sondage effectué par l’association sur un échantillon de 3.000 entreprises et dévoilé en juillet 2022, 60% des sociétés avaient déclaré être en cessation d’activités, 92,1% se considèrent en situation de faillite. Concrètement, le porte-parole de l’association Abderrazek Houas avait évoqué 140.000 TPME qui ont fait faillite et que 55.000 autres sont en train d’emprunter le même chemin, notamment à cause du manque de financement. Toujours selon ses dires, 1.900 grandes unités industrielles avaient fait faillite entre 2011 et 2015. Des faillites qui ne sont pas enregistrées car les concernés n’ont pas les moyens d’engager les procédures de liquidation et certains espèrent se remettre sur pied, avait-il indiqué.
En outre, il avait parlé de chefs d’entreprises en prison pour chèques sans provision et de 10.800 autres en fuite à l’étranger.
D’ailleurs et dans ce cadre, l’association a adressé une demande au chef de l’État pour une amnistie générale pour les prisonniers et les personnes jugées pour chèque sans provision et l’arrêt des poursuites judiciaires jusqu’à l’amendement de la loi.
Des chiffres appuyés par les témoignages de représentants de certains secteurs sinistrés. Ainsi, le président de la Fédération de cuir et chaussures relevant de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica), Akrem Belhaj, a affirmé à Business News que le secteur de cuir et chaussures souffre à cause du marché parallèle et de la friperie et à cause d’une lourde imposition (57% de taxation directe et indirecte, ndlr). En contrepartie, le marché parallèle a plus proliféré et représente 59% du marché dans leur secteur, le tout face au silence et à l’inaction de l’État.
Et de conclure avec un chiffre sidérant, le nombre d’entreprises du secteur est passé de 480 à 200 entreprises. Pire, la main d’œuvre est passée de 15.000 à 1.500 artisans. D’ailleurs, M. Belhaj craint que d’ici cinq ans, il n’y ait plus de main d’œuvre qualifiée ! La profession attend une réaction de la part des autorités et un Conseil ministériel restreint qui décideraient éventuellement de mesures en sa faveur.
Jamel Ksibi, président de la Fédération nationale des entrepreneurs de B.T.P, a assuré dans une déclaration à Business News que la casse est importante dans le secteur, que certaines estimations (non vérifiées) parlent de 20 à 30%. Plusieurs entreprises ont carrément quitté le pays vers la Libye et vers l’Europe.
Pour sa part, le président de la Fédération des professions libres, Béchir Zaoui a estimé que le secteur qui englobe commerce et service est sinistré, notamment à cause du manque de matières premières et des pénuries. Ainsi et selon lui les charges se sont multipliées par trois et quatre, les professionnels devant recourir au marché parallèle pour s’approvisionner, et cela s’ils trouvent leur bonheur, ce qui n’est pas évident.
Ainsi, et selon certaines eestimations 60% des cafés, restaurants, pâtisseries, … ont fermé leurs portes.
D'autre part, le passage au régime réel n’a pas arrangé les choses, étant un vrai casse-tête. Avant, les professionnels ne se préoccupaient pas du fisc, ils devaient juste payer un montant fixe. Or, la justification des comptes est devenue un réel handicap, 60% à 70% des charges ne pouvant être justifiés. Ainsi, ils se sont retrouvés face à des redressements fiscaux à la pelle.
Pire, en ce qui concerne l’application du régime réel pour cette catégorie, il n’y a pas de note commune et chaque direction régionale interprète à sa guise la loi, notamment quant au délai de déclaration trimestrielle ou mensuelle. Donc, certains ont reçu des pénalités de retard, et aucun ne sait sur quel pied danser. D’ailleurs, une réunion est prévue avec la ministre des Finances pour justement débattre des problématiques (des rumeurs circulant sur une baisse des recettes de 5% à cause de ce passage, ndlr).
Ainsi, des professionnels de longue date ont mis la clé sous la porte et vendent leurs fonds de commerce. D’autres s’interrogent sur l’utilité de rester dans le marché officiel et pensent à virer de bord et de transférer leurs activités au marché parallèle. Quelques-uns plus chanceux se sont reconvertis vers d’autres métiers, notamment dans le secteur des Tic. Mais certains métiers ont carrément disparu.
L’ANPME a révélé à Business News que six entreprises sur dix travaillent dans le secteur parallèle, selon leurs constatations sur le terrain. Ainsi, elle estime que le secteur parallèle représente 64% de l’ensemble du marché. Les sociétés fuyant le secteur organisé vers le secteur parallèle.
Ce qui pose une réelle problématique : les entreprises du circuit officiel subissant une grande pression face aux entreprises du secteur parallèle qui travaillent en toute impunité, sans pression et sans être inquiétées.
La majorité des entreprises tunisiennes est sinistrée. La guerre en Ukraine a été le coup de grâce. Et bien qu’elles essaient tant bien que mal de s’en sortir, malheureusement elles n’y arrivent pas, notamment à cause de l’inaction de l’État qui, focalisé sur la collecte de recettes, a oublié le soutien de ceux qui fournissent ces recettes, tuant la poule aux œufs d’or, sans s'en rendre compte.
Imen NOUIRA
et celles qui ne paient rien.
ceux qui louent un emplacement, et paient loyer.
ceux qui s'intallent ( Nessba ) sans rien payer ...
en 1 mot: démission de l'état .
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Quel Bonheur
Une remarque au passage : beaucoup de chiffres dont quelques uns sont visiblement exagérés (60% des cafés et restaurants ont fermé, par exemple)
Mais globalement on n'est pas loin de la réalité !!
- La plus grande faute du gouvernement de Mr. Essid au temps de notre ex-troïka est d'avoir injecté directement/indirectement des milliards d'euros dans un système bancaire oligarque et en faillite . Mr. Essid s'attendait qu'en injectant l'argent de l'endettement dans notre système bancaire, cet argent allait circuler et créer de la richesse pour la Tunisie et tous les Tunisien et aboutir ainsi à une croissance économique de 4% à 7%", mais à sa grande surprise notre système bancaire était/est une jarre sans fond et l'argent injecté n'a jamais circulé. Voir le lien :
http://www.businessnews.com.tn/oxford-business-group-presente-le-programme-de-reforme-du-systeme-bancaire-tunisien,520,66109,3
- Depuis 2011 les entreprises privées et les PME exigent et obtiennent des baisses d'impôts et des dépenses publiques et privent ainsi l'Etat tunisien des moyens financiers de jouer son rôle d'entrepreneur dans des secteurs économiques indispensables pour la Tunisie où personne n'ose investir (infrastructure, logistique, etc.), elles assèchent ainsi les moyens de la source d'investissement de l'Etat sans pour autant apporter de remèdes à notre économie.
- Notre ex-Premier Ministre, Mr. Essid (au juste c'était Mr. Chedly Ayari), a fait baisser le taux directeur de 5% à 3.5% afin de motiver nos entrepreneurs à investir, mais rien de cela! --> Même un taux directeur négatif (ce qui est du non-sens, mais à limite faisable) ne pourrait pas motiver nos hommes d'affaires affairistes à investir.
Je me rappelle que Mr. Chedly Ayari a dit dans une interview: j'ai tout fait afin de motiver nos acteurs économiques à investir mais en vain --> je vais chercher le lien de cet interview sur business news tn...
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Il faut se libérer de cette idée absurde de l'entrepreneur tunisien créateur qui serait le personnage central de notre développement socio-économique, qui prendrait des risques pour créer de nouveaux produits et emplois et ne demandant qu'un peu de capital-risque et d'être libéré des charges fiscales. C'était la faute de Mr. Elyes Fakhfak, notre ex-Ministre des finances.
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Il faut comprendre que sur les cendres d'une entreprise en faillite pousserait une autre... Même l'Allemagne n'injecte pas de l'argent gratuitement dans des PME en faillite ou qui risquent déjà la faillite. Les aides publiques en faveur des entreprises en difficulté se font en Allemagne en fonction des impôt payés durant les dernières années. Les PME qui ont payé très peu d'impôt ou rien, reçoivent aussi très peu ou aucune aide publique qui devrait être aussi remboursée. Un Ami allemand à une PME, il a reçu 20000 euros de l'Etat Allemand comme aide publique durant la pandémi et pas plus car il n'a jamais payé plus que 20000 euros d'impôt annuellement durant les années d'avant la pandémie. Puis, il a dû rembourser les 20000 euros après la pandémie. --> L'Etat allemand n'offre pas l'argent du contribuable gratuitement aux PME... Il prête l'argent à ceux qui seraient capables de faire le remboursement.
Fazit: l'Etat tunisien devrait se rattraper et investir plutôt en logistique et en infrastructure.
Bonne soirée



