
Le président de la République, Kaïs Saïed, a reçu, samedi 14 juin 2025, quatre citoyens tunisiens résidant en Suisse qui ont déployé des efforts considérables pour obtenir auprès d'une société de transport helvétique environ 200 autobus destinés au transport de voyageurs.
Pour leurs bons et loyaux services, les quatre citoyens ont donc été honorés au sommet de l’État. Il ne manque plus que l’on leur décerne une légion d’honneur.
L’information, publiée le plus sérieusement du monde par la présidence de la République, dérange énormément, car elle devrait faire, tout simplement, honte.
Recevoir une donation étrangère nous positionne en posture de mendiants et touche notre dignité. Avec toutes ses richesses, la Tunisie n’est donc pas capable de payer 200 bus ? L’histoire ne s’arrête pas là et n’a rien d’une première. La Tunisie a déjà reçu des bus de la région Île-de-France et va en recevoir un autre lot prochainement, grâce aux efforts diplomatiques de l’ambassade française à Tunis et à la bonne volonté de la région.
Cette politique de mendicité n’existait pas sous Bourguiba ni sous Ben Ali. Elle a été introduite par la troïka et la voilà perpétuée par Kaïs Saïed. La dignité ? On s’en moque.
Une politique à contre-courant des discours souverainistes
Au-delà de cette question (presque philosophique) de dignité, cette donation est à l’exact contraire de la politique de Kaïs Saïed, qui crie sur tous les toits, régulièrement, que l’on doit compter sur nous-mêmes. D’un côté, l’État crache sur le FMI et autres institutions étrangères et, de l’autre, il tend la main pour recevoir des bus d’occasion.
Un autre aspect dérange dans cette donation, qu’elle soit suisse ou française. Si nos amis occidentaux nous offrent ces bus d’occasion, ce n’est pas vraiment pour nos beaux yeux : ils veulent juste s’en débarrasser. Les lois européennes exigent désormais que tous les véhicules soient électriques d’ici 2030. Les véhicules thermiques doivent donc disparaître des routes européennes, d’où cette donation.
Vendre ces bus dans des appels d’offres ? Le processus est coûteux et chronophage, d’autant plus que les acheteurs se font de plus en plus rares à cause de la nouvelle législation et de la prise de conscience des Européens de la nécessité de passer à l’électrique, nettement moins coûteux et moins polluant. Il vaut donc mieux de les offrir aux pays pauvres qui les quémandent. Voilà donc l’image qu’on donne de la Tunisie en 2025.
Où est la cohérence dans la politique des transports ?
Autre interrogation dans cette histoire de réception des bus d’occasion français et helvétiques, ainsi que de la commande de 300 bus chinois qu’on va payer rubis sur ongle : quelle est donc la politique de l’État par rapport aux véhicules électriques ?
Il n’y a pas de débat, le véhicule électrique est nettement meilleur que le thermique, bien plus puissant et bien moins coûteux. Rien que le coût de l’énergie revient 80 % moins cher dans l’électrique, d’après les propres essais comparatifs de Business News.
Conscient de l’intérêt, l’État a adopté une politique (timide) d’encouragement à la transition vers l’électrique en supprimant totalement les frais de douane pour les importations des véhicules électriques et en faisant des remises de 50 % sur le prix de la vignette. L’ANME prévoit même, dans un avenir proche, une enveloppe pour subventionner les futurs propriétaires de véhicules électriques.
Mais voilà donc que le même État qui encourage l’électrique passe des commandes de 300 bus thermiques et tend la manche pour recevoir des donations de centaines de bus thermiques d’occasion et polluants.
Cette contradiction flagrante ne semble pas déranger le président de la République, ni son ministre du Transport. Le gain pour l’État est pourtant évident : s’il passe sa flotte en électrique (notamment les transports en commun), il réduirait sa facture énergétique de plusieurs milliards de dinars par an.
Des Tunisiens de l’étranger honorés… d’autres ignorés
Au-delà de toutes ces contradictions, un autre point dérange : l’audience accordée par Kaïs Saïed aux quatre Tunisiens résidant en Suisse illustre une politique à géométrie variable envers nos compatriotes de l’étranger.
D’un côté, le président encense publiquement les TRE lorsqu’ils servent les intérêts de l’État ; de l’autre, il les ignore totalement lorsqu’ils sont en difficulté ou en situation irrégulière.
Comme s’il y avait les bons TRE – utiles, visibles, méritants – et les autres, ceux qu’on préfère oublier. Comme si tous les Tunisiens de l’étranger n’étaient pas égaux en droits, en devoirs, ni même en considération. D’ailleurs, à cause de la loi électorale, des milliers d’entre eux n’ont aucune représentation au niveau du parlement.
Ces derniers mois, les expulsions massives de Tunisiens en situation irrégulière se sont multipliées, notamment depuis l’Allemagne et l’Italie. Des renvois parfois inhumains, dans des conditions humiliantes, dénoncées par plusieurs ONG.
Face à cela, que fait l’État tunisien ? Rien. Il se contente de délivrer les laisser-passer nécessaires aux expulsions, sans même chercher à défendre ses ressortissants ni à leur offrir une assistance juridique minimale. Pas d’avocats envoyés, pas de protestations officielles : le silence est total.
Une indifférence assumée face aux difficultés des TRE
Dans un autre registre, une vive polémique a récemment éclaté autour du traitement réservé aux TRE fichés pour défaut de régularisation de leur situation militaire ou fiscale. Là encore, l’État brille par son absence.
À ce jour, un Tunisien – qu’il réside à l’étranger ou non – n’a aucun moyen de savoir s’il est sous le coup d’un mandat de recherche. Il doit attendre de se présenter à la frontière pour en être informé, avec tous les risques que cela implique : arrestation, détention provisoire, ou au mieux, un voyage annulé dans des conditions anxiogènes.
L’État aurait pu, depuis longtemps, mettre en place un système numérique permettant à ses citoyens de vérifier leur situation judiciaire. Il ne l’a pas fait. Pire, ce n’est même pas à l’ordre du jour.
Une politique absente pour les Tunisiens à l’étranger
D’une manière générale, la politique de l’État pour soutenir les Tunisiens quand ils sont à l’étranger s’approche de zéro. Il n’a même pas soutenu la caravane de solidarité partant vers Gaza, alors que le président de la République ne cesse de manifester son soutien à la cause palestinienne. Sauf que, quand on est dans le concret, le chef de l’État préfère jouer aux abonnés absents.
C’est bien beau de saluer l’action de quatre Tunisiens résidant en Suisse qui ont voulu bien faire. Mais ce serait encore plus louable d’avoir un État qui veille sur tous ses ressortissants à l’étranger, surtout quand ils sont en détresse.
L’idéal, ce n’est pas d’honorer quelques-uns ponctuellement, mais de construire une politique globale, cohérente, équitable. Une politique qui défend, qui soutient, qui anticipe.
Ce qu’on voit aujourd’hui avec Kaïs Saïed, c’est tout l’inverse : une suite de contradictions, d’effets d’annonce, et de silences assourdissants.




D'autre part l'électrique requiert de grosses infrastructures de recharge, on les oublie dans le bilan comptable.
N'oublions pas non plus les conditions d'exploitation des terres dites rares, catastrophiques sur les plans social et environnemental, et l'absence encore de véritable filière de retraitement des batteries en fin de vie.
Bref, ce n'est pas la panacée.
Ensuite, l'article part dans tous les sens, un vrai inventaire à la Prévert.
Gaza, la caravane, les clandestins qu"il faudrait aider à violer les lois etc.
Dommage!
Il y a une autre erreur dans votre propos. On ne réduit pas la facture énergétique de l'Etat en passant à l'électrique vu que l'essentiel de l'électricité est produit avec du gaz.
Si on voulait exploiter le solaire , il faudrait des investissements massifs pour moderniser le réseau pour ne pas qu'ils provoque un Black out tous les deux jours comme celui qui a touché l'Espagne et le Portugal.
Alors que les TRE mauvais, bah ils sont par là, ils amendent du mieux qu'ils peuvent et ils ne cessent pas avant la fin de masKarade.