
Depuis des années, les hommes d’affaires, les investisseurs et de manière générale ceux qui sont un peu plus riches que la moyenne ont été diabolisés et vilipendés par une partie de plus en plus large de la société. Sans doute pour la première fois, le discours officiel de l’Etat tunisien adopte allégrement ces lieux-communs et ces préjugés pour en concocter un discours populiste à souhait. Il est vrai qu’à certaines occasions, le pouvoir en Tunisie a tenté d’adoucir le ton et de faire la différence entre les corrompus parmi les hommes d’affaires et ceux qui travaillent honnêtement et ont le droit de s’enrichir.
Le débat autour de la conciliation pénale voulue et conçue par le président de la République, Kaïs Saïed, a été l’occasion de diaboliser, encore une fois, les hommes d’affaires et les patrons d’entreprises. Ce fût déjà le cas avec un racket organisé par Ennahdha du temps où il était au pouvoir, et même par des partis supposés progressistes qui se sont tous sucrés sur le dos des patrons. Cette fois, la différence est de taille car l’opération de racket ne se fait plus dans des hôtels ou dans les sièges des partis, cette fois l’opération est organisée par l’Etat et régulée par un décret. Aussi bien dans la première version que dans la version modifiée par le président de la République et proposée au parlement, il s’agit bien d’une juridiction d’exception qui décidera de ce que les hommes d’affaires qualifiés de corrompus auront à payer pour se soustraire à la prison. Selon les amendements apportés par le président, ce sera au conseil de sécurité nationale de décider si les montants proposés sont adéquats et ce conseil pourra donc accepter ou refuser le travail d’experts, sans aucune possibilité de recours pour le concerné, évidemment. Donc, la « fonction » exécutive confisque ouvertement des prérogatives censées être judiciaires et personne ne trouve rien à redire. En plus, ce processus se soustrait à toute forme de contrôle ou de reddition de comptes, que ce soit devant le parlement ou devant la cour des comptes.
Rares ont été les voix qui ont pointé toutes les faiblesses et les irrégularités de ce projet de conciliation. Plus rares ont encore été celles qui l’ont qualifié de racket organisé par l’Etat. Ce qui est certain, c’est que les organisations patronales, et particulièrement l’Utica, ont vite fait de se cacher et de ne pas défendre leurs affiliés devant la cabale lancée contre eux par le pouvoir en place. Les patrons ont fait preuve d’une grande lâcheté vis-à-vis de cette politique d’Etat préférant fuir à l’étranger ou faire l’autruche à l’intérieur. Ils ont été visés par des campagnes diffamatoires, ils ont fait l’objet d’un harcèlement opéré par différents services de l’Etat, ils sont également fortement sollicités lorsqu’il s’agit de financer le train de vie insensé de ce même Etat, et pourtant tout cela n’a pas suffi pour faire bouger une Utica dont le leadership n’a aucune légitimité et une Conect, plus courageuse, qui sort tout juste d’un congrès.
Les patrons, les chefs d’entreprise, les investisseurs ont laissé faire tout cela sans broncher. Plusieurs se sont même dirigés volontairement à la fameuse commission de la conciliation pénale pour tenter d’acheter leur tranquillité. Au final, c’est le président Kaïs Saïed et le conseil de sécurité nationale qui vont leur concocter l’addition de leur lâcheté et de leur laisser-faire, et elle promet d’être salée. Comme sous tous les régimes depuis 2011, les hommes d’affaires vont se soumettre au chantage et payer pour espérer qu’on les laisse tranquilles. Mais comme à chaque fois, ce ne sera pas suffisant. Dans le même ordre d’idées, on se demande où sont passés les milliers de jeunes et de moins jeunes qui avaient arpenté les rues de la capitale pour dire qu’ils ne pardonneraient pas à ces mêmes hommes d’affaires quand feu Béji Caïd Essebsi avait tenté une réconciliation. Aujourd’hui, ils semblent avoir totalement disparu de la circulation.
Pour éviter de se faire racketter, il ne faut jamais payer la première fois. Si on le fait, on ne s’en sort plus et on continuera à se faire racketter. C’est ce qu’ont fait les hommes d’affaires avec l’Etat tunisien. Outre les grands noms des plus grands patrons de Tunisie, il existe des milliers de chefs d’entreprises, invisibles, qui se font écraser sur le chemin de cette conciliation pénale, ne serait-ce que par les freins que ce processus inflige à un investissement déjà moribond. Mais eux, personne ne s’en soucie, même pas les organisations censées les représenter. Mais sans ces gens-là, il n’y a pas d’économie, pas d’emplois, pas de taxes à prélever ni de richesse à distribuer. Ni les sociétés communautaires ni l’argent soutiré aux hommes d’affaires corrompus ne pourront combler le vide laissé par les chefs d’entreprise. Il s’agit seulement d’en être conscient.




Tant que ça reste un parcours optionnel pour ceux qui veulent éviter d'être jugés pour leurs crimes, on ne peut pas appeler ça du racket.
N'oublions pas que ceux qui se sont fait racketter sont les tunisiens.
il est extrêmement surprenant de la part du rédacteur de l'article de ne pas aller au fond et la finalité de la loi "conciliation pénale"
la conciliation pénale :est a compare avec la procédure de plaider coupable dans le système Anglo-saxon.
en Tunisie, c'est plus clair et plus juste. la conciliation pénale ne couvre pas toutes les infractions. les délits restent du ressort de la procédure classique de la justice du parquet
la conciliation pénale a pour but de résoudre un conflit entre l'état et "l'accuse". le processus reste toujours conforme aux lois en vigueurs
l'acharnement "journalistique" sur la conciliation pénale en Tunisie est inexplicable.
n'est-il pas plus Judicieux de présenter un comparatif avec d'autres justices ?
Mahmoud

