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Leçons et ambitions après la sortie de la liste noire du GAFI
25/10/2019 | 20:00
5 min
Leçons et ambitions après la sortie de la liste noire du GAFI

 

 

La Tunisie est finalement sortie de la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), relevant de l’OCDE, des pays fortement exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. L’émoi qu’avait suscité la décision du GAFI de classer la Tunisie dans cette funeste liste, il y a deux ans, auprès de l’opinion publique était considérable. Elle considérait avoir été injustement traité. Pourtant, à y voir de plus près, le GAFI n’avait pas tellement tort d’avoir prononcé une telle sentence…

 

Mis à part la quarantaine de recommandations et de la dizaines d’actions prioritaires , qui sont autant de conditions à satisfaire, établies par le GAFI afin d’être exclu des pays susceptibles d’être des plateformes internationales de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, deux données permettent déjà  mesurer l’ampleur de la suspicion : l’économie informelle représente entre 15% et 25% du PIB et le pays a constitué pendant un moment un terreau de recrutement des réseaux terroristes.  En tout cas, c’est l’image d’un pays et d’une destination qui sont touchées de plein fouet par la disgrâce. L’impact d’une telle mise au ban est considérable. N’a-t-elle pas été d’ailleurs l’une des raisons du limogeage-démission de l’ex-Gouverneur de la BCT, Chédly Ayari ?

Heureusement que les autorités en ont pris rapidement la réelle mesure. Un plan de travail élaboré par la Commission tunisienne d’analyse financière, structure qui fête cette année son 15e anniversaire, chargée de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, fut proposé au GAFI visant à mettre en œuvre de façon graduelle les 40 recommandations du GAFI. Ce plan a enregistré une formidable accélération dans sa réalisation. Aujourd’hui, la Tunisie satisfait à pas moins de 36 des 40 recommandations du GAFI.

Ce vendredi 25 octobre 2019, c’est conjointement que la Banque centrale de Tunisie, le ministère de la Justice, le ministère des Finances et, bien entendu, la Commission tunisienne d’analyse financière (CTAF) ont tenu une conférence de presse sur les tenants et l’aboutissement de ce processus de sortie de l’infâme liste.

 

Une efficace conjugaison des efforts

A toute chose, malheur est bon, dit l’adage. On pourrait aisément ainsi résumer le message qu’ont livré chacun à sa façon Marouen Abassi, Karim Jamoussi et Ridha Chalghoum, respectivement gouverneur de la BCT, ministre de la Justice et ministre des Finances. Car, pour aller aussi vite dans la mise en place d’un cadre institutionnel et juridique qui réponde aux recommandations du GAFI, des efforts il en a fallu. « Je salue l’effort consentit par les acteurs impliqués dans ce dossier et surtout l’efficace rigueur de coordination dont ils ont fait preuve », a indiqué en substance Marouen Abassi. C’est dans le même sens qu’a abondé Ridha Chalghoum avouant que « si parfois, cette coordination ne fut pas facile à gérer, le travail a été accompli dans les délais fixés grâce une remarquable mobilisation de tous les acteurs ». Karim Jamoussi ne fut pas en reste pour saluer par la formidable implication des multiples structures administratives publiques aux côtés des acteurs privés pour mettre en place un véritable éco-système de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. « La fraude et l’évasion sont devenues plus difficiles à opérer qu’hier », a-t-il signifié. A preuve, précisera d’ailleurs le ministre des Finances en indiquant que les recettes fiscales vont augmenter cette année de plus de 18% par rapport  à l’année dernière et cela grâce aux mesures prises au travers des deux dernières lois de finances en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.

Dans ce cadre, ce fut au Secrétaire général du CTAF, Lotfi Hachicha, de fournir un aperçu des réalisations accomplies durant ces deux années de purgatoire. Entre novembre 2017 et octobre 2019, il dénombrera huit étapes entre le lancement du plan d’action et la sortie de liste grise du GAFI. A la lecture, l’œuvre de mise en place des recommandations du GAFI est manifestement titanesque. La Tunisie peut être fière d’avoir un arsenal aussi efficace de lutte contre les fléaux de la fraude et de l’évasion et de son corollaire le blanchiment d’argent.

 

« Seule la transparence paie »

Maintenant, le pays est sorti de la liste de tous les périls économiques. Prendra-t-on le risque d’y être inscrit de nouveau ? Car, comme l’a, à juste titre rappelé, le Gouverneur de la BCT, l’objectif n’est aujourd’hui plus la sortie de la fameuse liste grise, mais une prise de conscience collective des vertus de cette démarche, et d’arriver à ancrer un comportement et une culture de la transparence. En effet, « seule la transparence paie », devait-il dire.

En tout cas, l’approche semble payante. L’évolution du nombre de Déclaration de Soupçon (DS) recueilli par la CTAF n’a cessé de croître ces dernières années. Alors que la moyenne annuelle des DS oscillait autour de 300 dossiers par an entre 2012 et 2016, voila que ce nombre a augmenté d’environ deux-tiers en 2017 et 2018, respectivement 503 et 515 dossiers reçus par la CTAF. Le renforcement du dispositif de lutte à travers de nouvelles dispositions contenues dans la loi de finances 2019 devrait renforcer cette tendance. Il convient de saluer la CTAF pour l’effort consenti. Certes, elle a renforcé ses capacités. Il n’empêche, alors qu’elle a l’habitude de traiter une moyenne de 150 DS par an, ce sont 600 Déclarations de soupçon qui seront en 2018. Résultats : 419 dossiers ont été classés et 181 autres transmises au Parquet. La Commission a tellement travaillé que pour l’année 2018, le taux de traitement des DS a atteint 117%. Autrement dit, le nombre des dossiers traités a dépassé pour la première fois le nombre des dossiers reçus dans l’année. Il faut bien avouer que le CTAF affiche un conséquent retard dans le traitement des DS. Cependant, au rythme de ces deux dernières années, le retard sera vite comblé.  

 

Nouveau comportement, bonnes perspectives

Cependant, un autre indice éclaire sur la bonne orientation du processus et l’implication d’acteurs autrefois réticents, par crainte que cela ne bafoue le principe du secret professionnel. Dans le jargon du GAFI, on les appelle les Professions non financières désignés (PNFD). Il s’agit des avocats, des notaires, des experts comptables, des agents immobiliers, des rédacteurs de contrats à la conservation foncière, les bijoutiers et autres commerçants d’objets précieux, etc. Ils commencent à faire preuve d’effort déclaratif. Certes, seulement 1% des DS reçues par la CTAF émane des PNFD en 2018. Ce pourcentage oscillait autour de 0,5% les années auparavant. Après tout, ce n’est qu’un début qui mérite somme toute d’être souligné.

Manifestement, cette sortie de la liste grise du GAFI va faire du bien au pays. Encore qu’il convienne d’être toujours vigilant. Et que la mise en place d’un arsenal aussi imposant de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ne peut prendre une réelle dimension que s’il fait l’objet d’une appropriation collective de la communauté nationale.  

 

 

Houcine Ben Achour

25/10/2019 | 20:00
5 min
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Commentaires (6)

Commenter

BRUTUS
| 27-10-2019 14:40
mais les trafiquants et blanchisseurs de haut vol, courent toujours, en pleine liberté, eg. KAROUISCONI.

veritas
| 26-10-2019 17:13
Toutes les légères améliorations ne seront que de courte durée le pire est encore à venir avec vos islamistes de la secte bien dévoués à leur patrie d'origine .

Moi
| 26-10-2019 11:25
La "sortie de la liste noire du GAFI" est une bonne chose, mais elle n'est pas suffisante afin de faire la fête'?'

Ce qui compte n'est pas la sortie même de la "liste noire du GAFI", mais plutôt les conséquences positives qui pourraient en découler. Pour le moment, il n'y a rien de concret et il faut attendre et se patienter afin de partager l'euphorie de certains'?'

Anecdote: Un élève fait d'habitude plus que 40 fautes en dictée et il avait pour cela la note 0/20.
L'élève a fait un très grand effort et il ne fit soudainement que 32 fautes, son enseignant est obligé de lui donner la note 0/20 malgré cette amélioration mesurable'?'

'?' le sens de cette anecdote est évident, le rendement de notre gouvernement n'est pas satisfaisant malgré cette euphorie de "la sortie de la liste noire du GAFI", il est temps de gérer autrement les affaires du pays'?'


Je reviens à cette histoire de GAFI:
-la sortie de la liste noire du GAFI, elle n'est qu'un paramètre parmi d'autres.
-le discours que tiennent certains de nos politiciens est un plus grand obstacle pour l'investissement étranger que la liste noire du GAFI
-Toute cette euphorie de conséquences positives possibles sur notre économie "de la sortie de la liste noire du GAFI" ne sont que des hypothèses.
-Il nous faut des faits statiques crédibles que l'investissement étranger s'est amélioré en valeur absolue et non pas en pourcentage grâce au fait de la "sortie de la liste noire du GAFI"

Je résume: le Tunisien moyen ne comprend pas grand-chose à "la liste noire du GAFI", son seul baromètre/indicatif est l'inflation qui bouffe son salaire.

Nous voulons et espérons tous que la Tunisie sorte de l'impasse socio-économique, et il est temps de laisser la place à l'intelligence afin de gérer la Tunisie'?'


Je lis régulièrement Business News, et j'ai remarqué que le Tunisien en général, certains de nos universitaires et en particulier nos politiciens sont victimes d'une logique binaire'?'

Nephentes
| 26-10-2019 09:14
Le ton badin de votre article Si Houcine ne cacherait-il pas un certain embarras ?

c'est que la nouvelle virginité de la Tunisie fait des envieuses, bien que nos jours une opération chirurgicale appropriée est à la portée de tout le monde
La Commision Europpéenne par exemple joue les rabats-joie

Pressions dans le cadre de l'ALECA ?

Possible : mais en l'espèce, on exploite l'existant; on ne le crée pas de tout pièces

La commission européenne a adopté ce mercredi, une nouvelle liste des pays tiers dont les dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont jugés insuffisants,

On trouve parmi ces états voyous notre chère Tunisie.

Surprise et outrage : la Sainte Confrérie de l'UTICA est marrie, nos ronds et rondes de cuir offensés ;: c'est un complot

Que dit la commission ?

la Tunisie fait partie de 23 pays 'présentant des carences stratégiques dans leurs cadres de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme'?'

On est bien accompagnés faut dire : Afghanistan, République populaire démocratique de Corée, Iran, Iraq, Libye, Nigeria, Pakistan, Panama, Yemen, Albanie.....

Les transactions financières avec ces pays feront l'objet d'un "contrôle spécifique" en vue , ' de protéger le système financier de l'UE en prévenant plus efficacement le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme'?'.

Ainsi, un 'contrôle renforcé'?' sera appliqué par les banques et institutions de l'Union Européenne sur les opérations financières provenant de ces pays.

Cette liste a été dressée après une 'analyse approfondie'?' de 54 pays et territoires 'à risque majeur '?'.

"Nous devons veiller à ce que l'argent sale provenant d'autres pays ne se retrouve pas dans notre système financier. L'argent sale est le moteur de la criminalité organisée et du terrorisme. La Commission est disposée à collaborer étroitement avec ces pays afin de résoudre ces problèmes dans notre intérêt mutuel'?'.

Selon la commission européenne, la Tunisie présenterait les carences suivantes :

Les transactions financières avec la Tunisie présentent un risque SYST'?MIQUE d'atteinte à l'intégrité du système financier de l'UE;

La Tunisie est considérée par le FMI comme " un centre financier "ne garantissant pas une traçabilité satisfaisante des flux de capitaux investis"

rien que ça ;

La Tunisie présente une pertinence économique pour l'UE et a des liens économiques solides avec cette dernière.

Je délire ?

Jetez un coup d'oeil

https://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-781_fr.htm


MM
| 26-10-2019 06:07
Un article sur mesure et de manipulation afin de garder ce gouvernement de la décadence socio-économique. Non, et non, et non. Il est temps que Youssef Chehed et son équipe partent. Nous voulons un nouveau gouvernement qui n'est pas la marionnette du clan RG.

DIDON
| 25-10-2019 22:59
Ils ont travaillé dur pour sortir de cette liste. Le gouvernement Chahed que vous avez tellement critiqué tous autant que vous êtes : journalistes BN, commentateurs sous leurs pseudos, nombreux sont ceux qui ont dénigré , attaqué... Bonne chance à ceux qui prennent la suite !! Des incapables . Pauvre Tunisie!