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Le jeu trouble de la Ctaf dans les affaires de corruption et de blanchiment
19/04/2022 | 10:57
7 min
Le jeu trouble de la Ctaf dans les affaires de corruption et de blanchiment

 

La Commission tunisienne des analyses financières (Ctaf), dépendant de la Banque centrale de Tunisie, est l’organisme officiel de l’Etat chargé d’épingler toutes les transactions bancaires louches, notamment celles opérées avec l’étranger. Théoriquement, le blanchiment d’argent et les transactions frauduleuses ne devront plus exister si la Ctaf assure bien son travail.

Près de sept ans après sa création, force est de constater que la Ctaf est loin d’être performante.

Les opérations frauduleuses avec les devises continuent à se faire dans des échoppes ayant pignon sur rue. Il suffit d’aller à Ben Guerdène, au sud de la Tunisie, ou du Coté de Bab Bhar en plein cœur de Tunis, pour acheter ou vendre des devises à des cours compétitifs par rapport aux cours officiels.

Des chaînes de télévision pirates continuent d’émettre sur le satellite en toute illégalité, sans autorisation de la Haica (Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle, autorité de tutelle) sans que l’on sache comment les devises sont transférées à l’étranger pour payer les droits du satellite qui se comptent en centaines de milliers de dollars.

Si ces affaires sont connues par le grand public, il y a celles que seuls les magistrats et les avocats connaissent. Et là, c’est le pompon !

Business News s’est penché sur le dossier et a lu quelques rapports envoyés par la Ctaf à des juges d’instruction ou aux parquets et le constat est affligeant.

La loi nous interdit strictement de publier des informations frappées par le secret de l’instruction et les rapports de la Ctaf en font partie.  En revanche, la loi ne nous interdit pas de relever les incohérences contenues dans ces rapports.

 

Dans une affaire ayant défrayé la chronique à Tunis, il y a quelques mois, le juge d’instruction a demandé un rapport détaillé à propos de suspicions d’opérations frauduleuses d’une personnalité publique. La Ctaf a remis son rapport au juge et celui-ci commence par la citation d’un article journalistique d’un tabloïd arabophone à la crédibilité douteuse. Pire, la « journaliste » qui a rédigé l’article en question a été condamnée, plus d’une fois, par la justice tunisienne. Pourtant, la Ctaf a estimé le contenu de son article digne d’intérêt et susceptible d’être remis à un juge, quitte à charger injustement le prévenu.

Une autre affaire a défrayé la chronique à Tunis, il y a quelques années, celle des frères Daïmi. La Ctaf a enquêté sur le sujet et a relevé un certain nombre de suspicions. Sauf que voilà, l’enquête en question n’a jamais été publiée. Il eut une fuite et deux médias ont publié le rapport (dont Business News). La Ctaf n’a pas trouvé mieux que de publier un communiqué pour dire qu’elle n’a jamais publié ce rapport. Elle a tout simplement joué sur les mots dans cette affaire (entre les mains de la justice depuis) puisque le rapport en question a été fuité et ceci a été bien indiqué dans les articles journalistiques à l’époque. La question n’est pas de savoir si le rapport a été publié ou pas, la question était de savoir si son contenu est juste ou pas, si les frères Daïmi sont soupçonnés de blanchiment d’argent ou pas. Mais comme il y a eu une polémique et comme l’un des frères Daïmi était alors député, l’affaire a été étouffée et le rapport fuité n’a jamais vu le jour officiellement.

 

L’affaire la moins connue du public et la plus scandaleuse (jusque-là) dans laquelle s’est emmêlée la Ctaf est celle de l’ancien ministre et député Mehdi Ben Gharbia qui croupit à la prison de Messaâdine depuis octobre dernier. Sa détention est devenue illégale depuis hier, d’après ses avocats.

Que vient faire la Ctaf dans l’affaire de Mehdi Ben Gharbia ? L’institution a été saisie par le parquet et par le juge d’instruction pour savoir si l’ancien ministre a des opérations de blanchiment d’argent.

Business News a eu à lire les ordonnances du juge et la réponse de la Ctaf. Comme indiqué plus haut, il nous est interdit de publier cette ordonnance et cette réponse, mais la loi ne nous interdit pas d’en parler.

Ainsi, et d’après les documents que nous avons eu à consulter, on remarque plusieurs violations du principe de la présomption d’innocence. C’est un peu comme si la Ctaf instruisait à charge seulement et cherchait, par des moyens détournés, à enfoncer le prévenu. Les avocats de M. Ben Gharbia n’hésitent d’ailleurs pas à accuser la Ctaf d’être partisane et de manquer à la rigueur et la déontologie. Ils s’apprêtent d’ailleurs à saisir la justice tunisienne à ce sujet et à alerter les homologues étrangers de la Ctaf, sans exclure d’organiser une conférence de presse pour alerter le public tunisien et les ONG internationales sur ce qu’ils considèrent comme abus.

 

Quels sont ces abus ? Des abus de forme, tout d’abord, puisque plusieurs rapports de la Ctaf sont remis aux juges sans signature. C’est comme si personne ne voulait prendre la responsabilité du contenu de ces rapports.

Quand le juge interroge la Ctaf sur un sujet X, celle-ci répond bel et bien sur le X, disculpant ainsi le prévenu, mais introduit ensuite d’autres sujets non évoqués par le juge et qui ne font même pas partie de son investigation.

Exemple pour illustrer le propos. Le juge interroge si untel possède un compte à l’étranger ? La Ctaf répond que non sur la question principale (et unique), mais relève que cet untel possède un compte à Sfax, un autre à Gabès et un autre à Tabarka et ceci soulève des interrogations sur la possibilité qu’il y ait du blanchiment d’argent.

Quelque part, ceci oblige le juge à élargir son investigation sur tous les autres comptes évoqués par la Ctaf et qui ne font pourtant pas partie de son enquête. Pourquoi le juge ferait-il ça ? De crainte qu’on lui dise qu’il a laissé échapper des pistes susceptibles de prouver qu’untel est coupable.

Le souci est que monsieur untel est, entre-temps, en prison ! Théoriquement, pourtant, l’instruction doit se faire à charge et à décharge et, en aucun cas, on doit tout faire pour charger un prévenu coûte que coûte.

C’est loin d’être le cas des rapports de la Ctaf qui utilisent un lexique composé de mots suggérant au juge le doute et la suspicion.

« Ils violent allègrement le principe de neutralité », accuse l’avocat de M. Ben Gharbia qui relève un autre scandale contenu dans ces rapports.

Dans l’un d’eux, en effet, la Ctaf avoue ne pas avoir obtenu des copies de factures d’opérations d’export. A partir de cette absence de documents, elle a déduit que les opérations sont fictives. Or les factures existent bel et bien et sont entre les mains du juge.

En d’autres termes, il y a des factures qui existent bel et bien, mais la Ctaf n’a pas réussi à les obtenir auprès de la banque du client. Au lieu de s’arrêter à son échec, la Ctaf a préféré enfoncer M. Ben Gharbia en suggérant au juge que les opérations ayant fait l’objet de transferts d’argent, seraient fictives. Pour l’anecdote, le rapport a beau être officiel et tamponné par la Ctaf, il utilise clairement le conditionnel ! Or, en matière judiciaire, il n’y a que les vérités qui comptent, on ne peut pas écrire au conditionnel pour charger un prévenu.

 

En conclusion, et d’après ce que nous avons eu à consulter, la Ctaf instruit à charge uniquement et manque terriblement de rigueur dans l’élaboration de ses rapports. Est-ce un cas général qui touche tous les accusés ou bien agit-elle ainsi uniquement quand il s’agit de personnalités publiques en bisbilles avec le président de la République ?

La question mérite d’être posée et il n’est pas exclu de suggérer (on va faire comme la Ctaf) que Lotfi Hachicha, secrétaire général de l’institution, fait de la politique et pas son travail. Il cherche à bien se faire voir par les pouvoirs politiques (et particulièrement le président de la République) dans l’espoir peut-être d’obtenir un jour le poste de gouverneur de la Banque centrale, théoriquement vacant dans moins de deux ans. C’est juste une hypothèse de mauvaise foi, un peu comme en fait la Ctaf dans ses rapports.

En dépit de la gravité des accusations portées par les avocats et du risque de la médiatisation et de l’internalisation de ces scandales, la Ctaf n’a pas daigné répondre aux questions envoyées par Business News depuis jeudi dernier. Des questions qui ont porté sur l’ensemble des griefs contenus dans cet article et ce en parfait respect de la déontologie. Un mot que les actuels dirigeants de la Ctaf ne semblent pas bien connaitre…

 

Nizar Bahloul




 

 

19/04/2022 | 10:57
7 min
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Commentaires
Louhichi
Valises
a posté le 20-04-2022 à 18:49
Blanchiment d'argent, dans les pays tiers monde, passe avant tout par les frontières (aire, eaux, terres) dans des valises noires Diplomatiques ou comme les douanes Tunisienne l'ont accroché à plusieurs reprises.
Ctaf est-il l'organisme de répression ou de camouflage '?'
DHEJ
Est-ce que le parquet peut instruire...
a posté le 19-04-2022 à 20:05
Est-ce que le parquet peut instruire une affaire contre la CTAF?

Si non ROBOCOP doit intervenir comme le veut l'article 80 de la constitution pour remettre cette CTAF à sa place pour travailler régulièrement.


Une analyse qui critique la CTAF d'avant le 25 juillet et de l'après 25 juillet.

Le 25 juillet n'a pas encore accompli sa mission à savoir un fonctionnement régulier des pouvoirs publics grippés par la secte ENNAHBA!
Aichouchi
Sérieusement ?
a posté le 19-04-2022 à 16:00
La CTAF n'a pas répondu a vos questions transmises Jeudi dernier ? ca fait à peine 3 jours ouvrés fini. Même au yeux de la réglementation on donne pour moins que ca jusqu'à 15 jours pour répondre.
Et la s'ils répondent normalement, vous aller nous dire que c'est suite a votre article

La lutte contre le blanchiment d'argent existe partout dans le monde, la meilleur solution est toujours le contrôle des transactions financières mais vu que la plupart des transactions ne se font pas via le système bancaire, je serais curieux de vous voir à la place du CTAF et comme tout autre organisme gouvernemental, je suis sur que le budget qui leur ai accordé se limite à celui des papiers et des crayons.
Donner des pistes de solutions en montrant comment ca se fait ailleurs et en donnant des exemple qui ont réussit mais la votre article sur La loi nous interdit de le dire mais ne nous interdit pas de prendre un verre de thé, c'est limite un article digne d'un post facebook de gamin de 12 ans qui veut condamner son école parce qu'il n'arrive pas a lutter contre l'absenteisme des élèves
takilas
Le clan nahdha en extrême irritation par manque de devises.
a posté le 19-04-2022 à 14:07
C'est depuis 2011, que ces nahdha jouent au chat et à la souris avec le gouvernement dont ils avaient de surcroît, et pendant onze ans la gouvernance.
Ils sont contraints ces nahdha, et depuis le cirque du printemps arabe, d'avoir des liaisons et des contacts avec Paris et avec leurs familles et env'fants qui vivent en permanence dans cette ville, et logent dans de luxueuses demeures ou dans des appartements haut standing, ce qui nécessite vien évidemment d'énormes dépenses qui proviennent, sans raison ni contrepartie des caisses de l'Etat tunisien et l'on ne sait pour quel droit qu'ils obteniennent ces sommes d'argent et que cela soit en devises (euros ou dollars).
Toutefois et en somme on comprend que depuis le 25 juillet les sources d'approvisionnement pour ces neo-parisiens commencent à manquer d'où leur irritation sauvage et incomusurable contre l'actuel gouvernement tunisien qui leur a coupé l'herbe sous leurs pieds, quoique leurs complices (contrebandiers, spéculateurs, trafiquants etc...), des milliardaires qui vivent à Paris, les dépannent
provisoirement pour le moment en guise de reconnaissance des irrégularités qu'ils ont eu de leur part au cours de la décennie des malheurs socio-économiques.
Zolo
Mauvais plaidoyer
a posté le 19-04-2022 à 13:33
Cet article est un mauvais plaidoyer à charge et contre charge d'un untel et un autre untel.
C'est du tout sauf du journalisme.

Au fait ça fait longtemps qu'on a pas eu de reprises 'sponsorisés' des articles de bouchleca
jilani
Et voilà un vrai travail de vrai journalistique
a posté le 19-04-2022 à 13:13
Cela me rappelle les articles sur Mediapart qui n'épargne aucune personne dans ses investigations comme Sarkozy, le ministre de la justice ... Les médias se sont mises à attaquer le président sur sa lutte contre la corruption et les juges corrompus au lieu de l'aider dans l'investigation et le dévoilement des affaires impliquant les gens au pouvoir et les grands responsables tout en défendant le juste ... Ce hachicha m'interpelle medhioub, jmal, elloumi, khemiri la liste est de plus en plus longue de ces kaffafas du gourou venant de la même région ...