Je ne sais pas moi non plus...
Huit semaines durant lesquelles je n’ai été qu’une maman. Huit semaines durant lesquelles mes préoccupations se sont limitées à choisir entre donner le sein ou le biberon, laisser pleurer ou consoler, à me demander combien de fois donner un bain, à me poser la question fatidique de savoir si j’avais les compétences nécessaires pour maintenir un bébé en vie et à espérer, comme chaque nouveau parent, être de nouveau capable de dormir un jour.
Lorsqu’on devient maman, même pour une deuxième fois, tout le reste devient secondaire. Avoir un enfant est de ces expériences qui vous transcendent, qui vous chamboulent de l’intérieur, qui vous donnent un grand coup de poing en pleine face et vous met nez à nez avec une réalité nouvelle. Une réalité avec des priorités qui étaient loin d’être les vôtres et un rythme de vie que vous ne pensiez pas être humainement possible.
« Elle m’a poussé dans mes retranchements, m’a fait dépasser toutes mes limites, m’a confrontée à l’absolu : de l’amour, du sacrifice, de la tendresse, de l’abandon. Elle m’a disloquée, transformée. Pourquoi personne ne m’a rien dit ? Pourquoi on n’en parle pas ? », disait Louise Bourgouin dans ‘’un Heureux événement’’. Ce récit d’une maternité racontée à l’état brut et sans tabou aucun, pourrait être celui de milliers de mamans à travers le monde. Des mamans qui donnent la vie dans des moments d’une bestialité unique et d’une douceur inimaginable. Pourquoi personne ne nous parle de ce qui nous attend avant le jour fatidique? Nous posons-nous réellement les bonnes questions ? Ne devons-nous pas avant tout nous demander si nos enfants nous seront reconnaissants un jour de les avoir mis au monde. De les avoir mis dans « ce » monde ?
Que représentent ces 8 semaines dans la vie d’un être humain ? 8 semaines après lesquelles, on vous sort de votre cocon pour vous confronter à une actualité des plus sanglantes. Pendant ces 8 semaines, vous choyez votre enfant, vous le protégez contre les microbes, les visiteurs incongrus, la lumière du jour et les bruits indésirables mais vous finissez par le livrer au monde. Un monde dans lequel, aujourd’hui encore, il ne fait pas bon vivre.
En gros, rien n’a changé depuis mon départ. Il faudra certes plus de 8 semaines, pour que la Tunisie devienne terre de paix et de quiétude (ironie !). Les terroristes sévissent encore et les gouvernants sont toujours aussi incapables. Nos jeunes soldats, pleins d’espoir mais parfois criblés de balles, se font prendre en selfie devant des terroristes abattus. Le selfie de la victoire…ou est-ce celui de la honte comme diront d'autres ? 36 morts dans le rang des terroristes et « seulement » 19 entre sécuritaires et civils, dont une enfant de 12 ans. Est-ce une bonne nouvelle ? Est-ce prometteur pour l’avenir de nos enfants ?
« La Tunisie ne reconnait plus certains de ses enfants aujourd’hui », entend-on certains ironiser pour désigner les terroristes et autres extrémistes qui « veulent du mal au pays ». Reconnaitrions-nous les nôtres demain ? Lorsque le manque d’éducation, le chômage, la marginalisation, la crise économique et l’endoctrinement feront de nos enfants nos ennemis de demain. Lorsque le manque d’action politique et l’inefficacité des gouvernants actuels fera que la Tunisie ne donnera plus l’espoir d’y vivre.
Nous sommes le 8 mars, mais ceci n’est pas un énième hymne à la femme, ni une manière de célébrer cette journée, encore et encore. Ceci est une ode aux parents tunisiens, qu’ils soient mère ou père. Ceux qui n’arrivent pas à sortir leur progéniture des griffes d’un endoctrinement fatal. Ceux que la crise et la vie chère empêchent de subvenir à leurs besoins. Ceux qui n’arrivent pas à leur offrir un avenir et à leur inculquer l’espoir face à une réalité morose et ceux qui les envoient en chair à canon, défendre une patrie à laquelle ils croient encore…
N.B. : Cette chronique a été écrite à l’issue d’un congé de maternité de 8 semaines après que j’ai donné la vie à ma fille Sophia, venue rejoindre sa grande sœur Baya.
Commentaires (25)
Commenter@ Kairouan : Sans doute oui...
Je ne sais pas moi non plus...
Tunisienne| 11-03-2016 09:21
"du caractère inéluctable de [notre] finitude"
Finitude! Une mot tres pertinent et - assurement - plein de reminiscences...
IdeK
Félicitations et bon retour Synda
Félicitations pour la naissance de Sophia en espérant qu'elle comblera votre vie de bonheur et de joie. . .
PS :
Il y aura surement des moments difficiles avec le bébé, alors je vous offre cette vidéo, au cas où vous en aurez besoin, bon courage. . .
https://www.youtube.com/watch?v=kqaJgHfiybo
Toutes mes félicitations, Synda !
Oui, donner la vie n'est certainement pas un geste exempt d'égoïsme tant il est vrai que le monde est cruel. C'est prendre un pari sur l'avenir. Mais c'est paradoxalement -aussi- un geste de courage, d'espoir et de vie...
Et aucun conseil ou manuel ne peut vous préparer à ce moment unique et intense où vous donnez la vie. Et c'est tant mieux. Car c'est une expérience et un moment privilégiés de vie et de contemplation de soi et du monde, entre soi et soi, et entre soi et ce petit être en devenir. Un moment fort qui donne tout son sens à la vie et vous donne toutes les raisons de continuer à vivre, à espérer et à vous battre, même si vous prenez conscience à ce moment là - plus qu'à aucun autre moment- du caractère inéluctable de votre finitude.
C'est donc une forme d'égoïsme singulière et pleine d'humanité, dont aucun regard intrusif ne peut sonder le mystère ou le côté sublime, aussi nourri à l'égoïsme soit-il !
A la vie, à l'espoir !
Et bon courage pour la suite !
Sagesse
Pour le reste, non la Tunisie continue à ressembler au Titanic. Un somptueux navire qui fonce droit vers un Iceberg.
Nos enfants d'aujourd'hui sont nos espoirs de demain. Néanmoins, ces derniers auront besoins de leur mère bien sure mais aussi de leur père afin de porter ce pays sur leurs épaules et de ne pas succomber à la nébuleuse islamiste. Demain se prépare aujourd'hui!
Bravo !
félicitations synda
bienvenue et heureuse vie à sophia et baya.
PS : 8 semaines, c'est pas trop court. c'est même long pour un pays qui a besoin de toutes ses compétences.
Tettraba fi 3ezek enchallah !
Donner la vie et donner la vie !
Cette petite nouveau-née a ses parents qui veilleront à son épanouissement, et à lui donner ce qu'elle pouvait en avoir besoin, son éducation, sa scolarisation, etc.
On est vite rattrapé par ces événements douloureux qui viennent de surgir dans une de nos villes à l'extrémité de nos frontières avec ce voisin déstabilisé par le manque de l'unité de ses concitoyens, dont nous Tunisiens subiront les retombées de leur mauvaise entente.
Enfants dés'uvrés, mal éduqués, ne sachant faire de leur vie par un manque, et abandon qui a assez duré, de la part d'une maman pas assez attentive à sa progéniture ils se rebellent et osent prendre les Armes contre cette dernière qui n'a pas su prendre soin d'eux et leur donner les moyens d'y vivre heureux et s'épanouir dans cette vie.(Manai)