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Gouvernement d'union nationale, Béji Caïd Essebsi met tout le monde au pied du mur
02/06/2016 | 19:50
6 min
Gouvernement d'union nationale, Béji Caïd Essebsi met tout le monde au pied du mur

Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a rebattu les cartes de la scène politique tunisienne dans une interview accordée à notre confrère Elyes Gharbi et diffusée le 2 juin 2016 sur la Wataniya 1. Il a clairement fait part de son souhait de voir se constituer un gouvernement d’union nationale et a également évoqué sa composition et ses priorités. En clair, le président de la République plaide clairement pour un changement de gouvernement.

 

Pendant près d’une heure, Béji Caïd Essebsi a dressé le bilan de près d’un an et demi d’activité du gouvernement de Habib Essid et de la situation du pays. Pour le chef de l’Etat, le cheminement démocratique en Tunisie s’est trouvé ralenti par trois principaux facteurs. Le premier est celui de la déficience de l’Etat de droit. Ainsi, le président estime que la loi n’est pas appliquée de manière systématique pour tous les citoyens. Il prend pour exemple la situation du secteur du phosphate qui accumule de lourdes pertes depuis près de 5 ans à cause des manifestations. BCE déclare que les revendications sont légitimes mais que leur expression est parfois illégale sans que l’Etat réagisse.

Le deuxième facteur est celui de la liberté d’expression. Ainsi, Béji Caïd Essebsi estime que les médias et les partis politiques, dans leur multitude, donnent une image beaucoup trop négative de la situation du pays. Le troisième facteur est celui d’un certain type d’opposition qui choisit de s’exprimer dans la rue comme au temps de la dictature alors que l’opposition devrait s’exprimer plutôt sous la coupole du Bardo.

 

Devant cette situation, le président de la République a rencontré les représentants de plusieurs organisations et partis politiques pour écouter leurs suggestions concernant la situation du pays. C’est ainsi que l’idée de constituer un gouvernement d’union nationale a émergé puisque, selon le président, c’est la suggestion que la majorité des intervenants partagent. Pour illustrer ce propos, Béji Caïd Essebsi a cité une interview donnée par le porte-parole du Front populaire, Hamma Hammami, dans laquelle ce dernier estime que les trois présidences ont échoué. « On peut analyser l’option d’un gouvernement d’union nationale, il n’y a pas de gouvernement qui soit valable tout le temps et partout. Toutefois, il faut savoir que l’actuel gouvernement a fait ce qu’il fallait étant donné les moyens qu’il avait », c’est ainsi que le président de la République introduit son initiative en faveur d’un gouvernement d’union nationale.

 

Pour le chef de l’Etat, il faut que la constitution d’un gouvernement d’union nationale remplace l’actuel gouvernement pour apporter un plus, une valeur ajoutée, sinon il n’y a pas d’utilité. Plus tard, le président de la République esquisse les contours de ce gouvernement en déclarant qu’il faut que la centrale syndicale, l’UGTT, et la centrale patronale, l’UTICA, soient représentées. Il estime également que l’actuel quartet au pouvoir doit être représenté et « on peut discuter de la représentation de l’opposition ». Mais dans cette opposition, le président précise : « on ne va pas embarrasser ceux qui ont toujours refusé le dialogue » dans une allusion à peine voilée vers le CPR, Irada et Attayar.

 

Le chef de l’Etat rappelle que l’UGTT a des réserves sur plusieurs ministres et a même évoqué une crise de pouvoir. C’est pour cela qu’il estime que la centrale syndicale doit participer directement au pouvoir. Une option que Houcine Abassi, secrétaire général de l’UGTT, balaie d’un revers de main dans son intervention sur Mosaïque FM. Toutefois, la représentation de l’UGTT au gouvernement peut se faire avec des hommes comme Ammar Younbaï, ancien ministre des Affaires sociales, ou encore Houcine Dimassi, ancien ministre des Finances. Il est même possible d’envisager que l’éviction des ministres qui « dérangent » l’UGTT soit, en soi, une forme de participation au pouvoir.

 

Pour ce qui est de la présidence de ce gouvernement, Béji Caïd Essebsi estime que l’actuel dignitaire de la Kasbah, Habib Essid, est parfaitement capable de conduire un gouvernement d’union nationale. Dans une espèce d’hommage à Habib Essid, le chef de l’Etat rappelle qu’on est venu le chercher au départ et qu’il n’a jamais demandé à être chef de gouvernement. Il rappelle aussi l’engagement de Habib Essid pour l’Etat et sa volonté de le servir. Plus loin dans l’interview, Béji Caïd Essebsi glisse au détour d’une phrase selon laquelle l’actuel chef du gouvernement ne serait pas contre l’idée d’un gouvernement d’union nationale. En effet, les deux hommes en ont déjà parlé et la proposition semble avoir eu l’approbation de Habib Essid ce qui, de facto, le met en pole position pour rempiler. Toutefois, le chef de l’Etat tempère cette idée en disant que celui qui conduira un tel gouvernement est celui qui aura obtenu l’accord de tous les intervenants.

 

Elyes Gharbi a posé ensuite la question de savoir s’il n’y avait pas une volonté de la part du président de la République d’impliquer tout le monde dans une telle initiative, pour ensuite partager la rançon de l’échec. Béji Caïd Essebsi a répondu en disant que si une telle initiative était un échec, ce ne serait pas le sien mais celui des partis politiques. Pour lui, les partis n’auront donc pas réussi à s’entendre et à mettre la main dans le cambouis pour redresser la situation du pays. En effet, c’est une réelle patate chaude que le chef de l’Etat jette aux partis politiques en ayant pris soin de prendre de la hauteur par rapport à leurs querelles. S’ils participent au gouvernement d’union nationale, ils auront une obligation de solidarité, s’ils n’y participent pas ils seront mis en marge et constitueront une opposition stérile. C’est d’ailleurs dans ce sens là que le président dit : « Si tu ne veux pas participer au gouvernement tu es libre, mais ne vient pas après dire que rien ne va ».

 

Au fil de l’interview, le président de la République précise son propos concernant l’initiative d’un gouvernement d’union nationale. Ainsi, Béji Caïd Essebsi donne les priorités de ce gouvernement au vu de la situation actuelle du pays. Pour lui, il existe plusieurs problèmes sur lesquels il ne peut y avoir de désaccord et ce sont ces problèmes-là qui constituent la priorité du gouvernement dans sa nouvelle mouture. La première des priorités est celle de lutter contre le terrorisme, ensuite la lutte contre la corruption. A ce propos, le chef de l’Etat déclare que selon ses informations, la corruption est devenue un phénomène endémique en Tunisie et que « ce ne sont plus seulement les gros bonnets qui se servent et qui s’enfuient. Maintenant, tout le monde se sert pendant que les gros bonnets demandent la réconciliation ». L’allusion est très claire.

Les priorités de ce nouveau gouvernement englobent également l’ancrage de la pratique démocratique dans le quotidien des Tunisiens et les problèmes liés à l’emploi, aux régions défavorisées et à la situation des jeunes.  

 

Pendant des semaines, la possibilité du limogeage de Habib Essid circulait dans les couloirs. Aujourd’hui, le président de la République révèle une initiative qui remet tout à plat et qui fait de l’éventuelle éviction de Habib Essid un sujet parallèle. En excellent politicien, Béji Caïd Essesbi rebat les cartes du jeu politique en Tunisie en tentant de réunir l’ensemble des intervenants autour d’un gouvernement qui deviendrait, par conséquent, inattaquable. Une telle initiative a-t-elle des chances de réussir ? C’est probable, mais quelle que soit l’issue, Béji Caïd Essebsi en sort gagnant. Si elle réussit ce sera grâce à son initiative, si elle ne réussit pas la présidence de la République aura fait son travail et ce seront les partis politiques qui auront montré leur immaturité. Dans les deux cas, Béji Caïd Essebsi aura au moins eu le mérite de proposer une initiative et on ne pourra pas lui reprocher d’être resté les bras croisés.

 

 

Marouen Achouri


02/06/2016 | 19:50
6 min
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Commentaires (34)

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Drmohamed Sellam
| 07-06-2016 13:20
Conjectures autour du départ d'ESSID
Pourquoi le pays gémissait sous le poids d'une crise qui n'est près de finir ??La faute en incombe à qui ?Serait-ce au peuple qui a mal choisi ses dirigeants ?Serait-ce à ces dirigeants même, la plupart parchutés politiciens sans le savoir ?Promus à des postes éminents qui requièrent compétence,expérience,beaucoup d'intelligence et surtout un patriotisme à toute épreuve ?Serait-ce au chef du gouvernement' ?Il est probable qu'il soit le seul responsable de la crise'Ses auxiliaires ne sont rien d'autre que des comparses,soumis sinon réduits à l'application de sa stratégie,de sa technique et de sa méthode de travail'Donc nous sommes en mesure de dire que son départ est une obligation,une nécessité absolue,un engagement salutaire que requiert la situation du pays..Dans le cas contraire,la Tunisie continuera à patauger dans le marécage des mêmes problèmes'

mizaanoun
| 03-06-2016 19:20
Ce n'est pas un changement de gouvernement de n'importe quelle nature que ça soit qui va transformer le pays, mais bien un changement radical de fond en comble. Un changement qui obéit à un programme d'un pays totalement souverain n'ayant d'ordre à recevoir de personne, puissance, institution ou finalement de l'empire régnant. L'empire, encore une fois occidental, mais un des plus féroces, des plus prédateurs et des plus criminels des empires qu'a connu l'humanité jusqu'à nos jours. Or toute la classe politique actuelle avec toutes ses couleurs n'a aucun projet de construction réelle. Les figures les plus odieuses de l'Occident se promènent en Tunisie et sont reçues en grande pompe avec le tapis rouge déroulé sous leurs sales pieds. C'est dire à quel point sont irresponsables les dirigeants tunisiens d'hier, d'aujourd'hui et certainement aussi ceux de demain.

La Tunisie fait partie des pays qui sont restés sous la domination des puissances occidentales. Elle n'a et n'aura jamais une industrialisation réelle, ni une agriculture développée, ni enfin de compte une économie propre et souveraine qui répond aux besoins du peuple. Sans quoi le peuple qui n'a jamais compté ne comptera pas non plus dans le présent ni dans l'avenir et d'aucune manière.

Evidemment n'importe quel pays même les plus « misérables » que la Tunisie, en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud, a bien des « moyens matériels » accumulés, par les mécanisme destructeurs les plus divers dont les dettes des créanciers-vautours des capitales occidentales ou autres, aux dépends de la grande majorité du peuple, pour assurer le bien-être et le luxe le plus extravagant à son élite. L'Afrique, toute l'Afrique est vendue terre, sous-sol, richesses naturelles et êtres humains, comme au premier jour de l'esclavage au XVI siècle. Juste pour garantir une certaine vie matérielle aisée à son élite. Idem pour tous les pays arabes ou musulmans.

Quand on voit comment vit cette élite, totalement parasitaire, et, les luxes de l'appareil de ce qu'on appelle l'état avec tous ses ministres, tous ses fonctionnaires et tous les protocoles dont ils sont tous entourés, on peut bien penser, sans risque d'erreur, qu'ils avalent les 90% des moyens qui restent après le passage de tous ces vautours et des transnationales occidentales.
Le changement de têtes, n'est qu'un changement en apparence, car l'essentiel reste, malheureusement pour le peuple, inchangé et inchangeable. Non la Tunisie n'est pas pauvre mais lourdement appauvrie par ses propres « enfants » et par l'écrasante machine de la domination occidentale. Il importe peu qu'elle ait été aux siècles passés moins performante qu'aujourd'hui et qu'elle ait passée de l'esclavage aux crimes actuels de guerres.

Ou la Tunisie choisisse de résister au monstre et elle a des moyens considérables pour le faire et pour gagner ou elle continue à se laisser perpétuellement violer comme une simple fille de rue.

Salem
| 03-06-2016 19:01
La réalité de cette proposition c'est que les gagnants des élections ne veulent pas endosser leurs seules responsabilités dans les échecs passés, actuels et à venir donc ils se sont mis dans la tête d'inclure tous les partis afin de tous ensemble porter la responsabilité envers le peuple des échecs à venir.
Car malheureusement échecs à venir il y aura, car tous les partis n'ont aucunes visions et programmes viables pour régler les problèmes et faire avancer la Tunisie et ce sont tous des ratés et ploucs en politique.
Même en les additionnant ces guignols, 0+0+0+0+0+0+0+0 = toujours égal à zéro.

Je vous annonce dès maintenant que ceci est vouer à l'échec, et le temps en sera témoin.

kr
| 03-06-2016 18:58
quand est ce que les politiciens vont s'unir dans le travail

Alex niffer
| 03-06-2016 18:12
Quoi qu on fasse actuellement. la tunisie est ingouvernable sans une justice sociale et un rôle clair et net pour l administration qui est la locomotive de tout pouvoir et personne ne peut aller contre sa volonté.

Alex niffer
| 03-06-2016 18:05
La tunisie est ingouvernable quoi qu on fasse sans une justice sociale.
Sans un programme clair et simple du rôle de l administration qui est la locomotive dans tous les pays du monde et aucun pouvoir ne peut aller contre sa volonté.

Premiumwatcher
| 03-06-2016 18:02
Bravo ! La politique c'est un métier et un art pour les meilleurs, nous sommes face à un cas d'école !
Tout le monde semble désemparé ! C'est impressionnant !
Vous voulez un électrochoc ? Vous voulez vous débarrasser de tous les parasites? BCE vous offre l'outil! Apprenez et n'oubliez pas car il ne va pas durer longtemps

Unautrecitoyen
| 03-06-2016 16:43
Son nom Indien serait : un petit robinet d'eau tiède
Ce qui'il faut au pays Monsieur c'est une direction forte.
A vouloir contenter tout le monde on ne contente personne et on fait du surplace. C'est ce qui se passe depuis 5ans.

G&G
| 03-06-2016 15:43
Bajbouj fait le malin. Il a compliqué la vie politique. Il est tombé dans son propre piège et il est à la recherche d'un 3azzem pour faire sortir le pays du pétrin.
C'est trop tard monsieur le président.
Je parie que Bajbouj n'a jamais lu Businessnews. Il s'est engagé sur une voie sans issue sinon il aurait évité cette impasse.
Bajbouj est battu par Nahdha et l'ugtt par KO.

Liberté
| 03-06-2016 14:45
Changer de chef de gouvernement...de ministres...opter pour une union nationale...n'y changerait rien, tant qu'on ne changera pas de stratégie! Le pays a besoin d'un despote éclairé qui ne lésinera pas sur les moyens nécessaires pour faire rétablir l'ordre dans un pays ou la corruption devient endémique, ou la contre-bande est légion et ou la loi est flexible!