alexametrics
dimanche 19 mai 2024
Heure de Tunis : 10:25
Chroniques
Calomniez, calomniez, il n'en restera rien
28/02/2011 |
min
{legende_image}


Par Nizar BAHLOUL


Le bon Dieu existe. Il est là, bien là et partout. Vous avez des doutes ? Gardez-les pour vous, vos doutes, et n’en parlez à personne, car vous avez tort. Vous ne pouvez qu’avoir tort, de toute façon, puisqu’on vous dit que le bon Dieu existe !
N’évoquez pas Darwin, oubliez la théorie du big-bang, ces mécréants se gourent. Le bon Dieu existe et il n’est pas possible d’en dire autrement.
Vous insistez ? Dégagez et fermez-la ! Taisez-vous !

Ce gouvernement est infesté de RCDistes. Ils sont tous RCDistes, ils sont tous salis. Vous avez des doutes ? Gardez-les pour vous, vos doutes, et n’en parlez à personne, car vous avez tort. Vous ne pouvez qu’avoir tort, de toute façon, puisqu’on vous dit que ce gouvernement est infesté de sales RCDistes.
N’évoquez pas leurs réalisations, n’écoutez pas ceux qui vous disent que ces ministres et membres de différentes commissions sont honnêtes, propres et intègres. Ces analystes se gourent. Tous ceux désignés après le 14-Janvier sont des nullards et il n’est pas possible d’en dire autrement.
Vous insistez ? Dégagez et fermez-la ! Taisez-vous !

Cet homme d’affaires est un escroc. Tout son business est bâti sur des affaires octroyées par Ben Ali. Du pur clientélisme, du parfait favoritisme. Vous avez des doutes ? Gardez-les pour vous, vos doutes, et n’en parlez à personne, car vous avez tort. Vous ne pouvez qu’avoir tort, de toute façon, puisqu’on vous dit que cet homme d’affaires est un escroc.
N’évoquez pas ses déboires, ne parlez pas de ses 15 heures de travail par jour, oubliez toute la valeur qu’il a créée, c’est de la poudre aux yeux. Cet homme d’affaires et tous ses semblables qui ont eu du succès sous Ben Ali sont des escrocs et il n’est pas possible d'en dire autrement.
Vous insistez ? Dégagez et fermez-la ! Taisez-vous !

Ce journaliste est un corrompu. Tous ses articles sont commandés et servent les intérêts de quelques uns. Vous avez des doutes ? Gardez-les pour vous, vos doutes, et n’en parlez à personne, car vous avez tort. Vous ne pouvez qu’avoir tort, de toute façon, puisqu’on vous dit que ce journaliste est un corrompu.
N’évoquez pas ses articles critiques, oubliez ses analyses chiffrées, n’écoutez pas ses jérémiades quant aux pressions subies, il vous ment. Ce journaliste et tous les patrons de presse qui roulent en Mercedes, Porsche et BMW sont des corrompus et il n’est pas possible d’en dire autrement.
Vous insistez ? Dégagez et fermez-la ! Taisez-vous !

Après six semaines de la révolution, voilà où on en est actuellement. A une chasse aux sorcières qui dit bien son nom et où des tartempions, hier dans les stades et les salons de thé, se transforment en juges et analystes. Des tartempions, hier en train de rédiger les rapports à la Dakhiliya et à Abdelwaheb Abdallah, sont aujourd’hui en train de donner des leçons d’intégrité et de déontologie dans les journaux et sur les plateaux télé
C’est connu, la meilleure défense, c’est l’attaque. Si vous réussissez à avoir une tribune dans un média, alors anticipez et foncez contre tous ceux qui connaissent votre historique avant qu’ils ne se mettent à parler.
N’hésitez pas à accuser, de tout et de rien, tous ceux qui n’ont pas grâce à vos yeux.
N’hésitez pas à salir la réputation des gens, notamment vos concurrents.
N’hésitez pas à faire des raccourcis et sortir les histoires de leurs contextes, juste parce que cela arrange vos intérêts actuels de syndicaliste, de journaliste, d’hommes d’affaires, d’avocat ou de politicard.

Je n’ai pas vécu le lendemain de la Révolution française de 1789, ni le lendemain de la Guerre mondiale de 1945. Mais les historiens sont là pour nous dire que la Tunisie est en train de vivre actuellement ce sale côté du lendemain de Révolution.
Où l’on faisait la chasse aux collabos.
Où l’on réglait les comptes.
Où l’on profitait du chaos du moment pour casser le concurrent et l’adversaire.
Rappelez-vous cette scène du début du film de Quentin Tarantino, « Inglorious Bastards », où l’on voit l’officier allemand visiter un « collabo » cachant des juifs dans sa cave.
Cet humaniste peut-il être traité de collabo, alors qu’il a risqué sa vie en cachant des juifs dans sa cave ? Toutes les apparences, pourtant, jouent en sa défaveur !
Si on lui donnait l’occasion de se défendre ou, au moins, si on arrêtait de l’accuser sans preuves, on cesserait de le condamner.

Il faut cependant avoir beaucoup d’intelligence, beaucoup de tact, beaucoup de profondeur, beaucoup de recul pour s’interdire d’accuser quiconque sans la présence d’éléments tangibles et de juger quiconque sans preuves irréfutables.
Une seule et unique personne peut se targuer d’avoir cette intelligence, ce tact, cette profondeur, ce recul. La société s’est mise d’accord pour la désigner et cette personne s’appelle un juge. Un magistrat.
Hier, nous étions 10 millions d’experts en foot, le 14 janvier on est devenus 10 millions d’analystes politiques et aujourd’hui (six semaines après), on s’est métamorphosés en juges. Et à la tête de cette magistrature populiste, plusieurs syndicalistes et quelques avocats et journalistes qui font honte à leur honorable corporation.
Hélas, devant un peuple désorienté, en désuétude, ces néo-justiciers ont réussi à trouver de l’ouïe, voire même de la crédibilité pour quelques uns !

La roue tourne. Tôt ou tard, la Tunisie se stabilisera et retrouvera sa quiétude et sa vraie justice. Quand ? Le plus tôt possible, on espère. On a intérêt.
Un leader politique, ou des leaders, finiront bien par sortir des chapeaux des différents partis qui se forment et l’ordre règnera de nouveau dans notre Tunisie.
Ceux qui ont profité du chaos devront rendre des comptes pour leurs accusations totalement infondées à l’encontre des PDG, des ministres, des hommes d’affaires et des membres des différentes commissions.
La Tunisie se stabilisera, car elle n’a pas d’autre choix, et ceux qui sèment actuellement le chaos seront mis inévitablement au ban de la société.
Pourquoi ? Parce que la Tunisie veut être stable, parce que le Tunisien finira par retrouver son bon sens et distinguer le bon du mauvais, l’honnête du corrompu, l’opportuniste du travailleur.
Restez à la Kasbah et souillez les membres du gouvernement. Jouez avec l’avenir de nos enfants et de notre économie. Cassez et incendiez l’avenue Bourguiba. Noircissez les pages et remplissez les sites en salissant la réputation des gens. Observez les grèves et ternissez l’image de vos managers et de votre entreprise. Cela ne saurait durer.

« Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », vous dites ? Non, pas cette fois-ci ! Ce sera l’exception qui confirme la règle, il n’en restera rien de vos calomnies !
Le Tunisien finira par savoir la vérité, telle qu’elle sera prononcée par la vraie justice, et ce Tunisien ne pardonnera jamais à ceux qui l’ont trompé et essayé de le mener en bateau pendant cette période hyper délicate.
Les historiens sont là et ils sont en train d’écrire cette page de l’Histoire avec tout ce qu’elle a de bon et de mauvais. Les juges seront là pour rétablir la vérité. Et les vieux du quartier ne sont pas encore décédés. Tant mieux, on aura besoin de tout ce beau monde dans 5-6 mois, au lendemain des élections.
28/02/2011 |
min
Suivez-nous