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Reportage : Youssef Chahed sur les tapis rouges parisiens
13/11/2016 | 16:59
9 min
Reportage : Youssef Chahed sur les tapis rouges parisiens

Le chef du gouvernement Youssef Chahed a effectué du 9 au 11 novembre un voyage officiel en France où il a été notamment reçu par François Hollande, Manuel Valls, Claude Bartolone et Gérard Larcher. Que peut-on retenir de son marathon ? La France, premier partenaire, client et fournisseur de la Tunisie, demeurera à nos côtés pour nous accompagner dans le processus de transition démocratique. Et… ? Et… rien de plus !

 

Pour certains enfants de familles aisées, le voyage à Paris s’assimile à un passage à Disneyland et au Parc Astérix, des tours de manège et attractions diverses, des photos avec Winnie, Mickey, Obélix et Panoramix. S’ils sont bien sages et obéissants, ils auront droit à quelques babioles et, si on veut bien les gâter, ils voyageront en business class pour éviter les longues files d’attente.

Pour les adultes, et si vous êtes nouvellement arrivé au pouvoir, le voyage à Paris s’assimile à un passage à l’Elysée, à Matignon, au Palais Bourbon et au Palais du Luxembourg. S’ils sont bien sages, ils auront droit à prononcer des discours au Parlement ou à Sciences Po et, si on veut bien les gâter, ils auront droit à de spectaculaires cortèges escortés par de superbes motard(e)s pour éviter les éternels embouteillages des rues parisiennes.

Accompagné par une petite délégation ministérielle et une bonne délégation médiatique (composée essentiellement de directeurs de médias et rédacteurs en chefs), Youssef Chahed était à Paris sur un terrain où il s’attendait à être chouchouté et où l’on tenait à ne pas le désenchanter. Ainsi il en fût.

 

 

Il n’a pas été le premier et il ne sera certainement pas le dernier, car les traditions diplomatico-protocolaires tunisiennes « exigent » d’accorder à la France le « privilège » de la première visite officielle à un pays occidental. Même si l’on n’a rien de nouveau à dire ou à signer ? Oui !

Depuis la révolution, les visites d’Etat et les visites officielles entre la Tunisie et la France ne se comptent plus. Béji Caïd Essebsi (Premier ministre puis Président de la République), Moncef Marzouki, Hamadi Jebali, Ali Laârayedh, Mehdi Jomâa, Habib Essid et, maintenant, Youssef Chahed. Tous ont marché sur le tapis rouge et, tous, ont eu droit aux grands honneurs que la France sait si bien accorder à ses honorables invités.

 

Mercredi 9 novembre 2016, Youssef Chahed est accueilli à Paris par une fine pluie et 5 degrés de température. A Orly,  il y a, bien entendu, Mohamed Ali Chihi, notre ambassadeur en France, mais également Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur de France à Tunis. Il sera une véritable découverte pour ceux qui ne le connaissaient pas. Un ambassadeur hors pair dont les méthodes de travail et le dynamisme sont aux antipodes de son prédécesseur. On dirait carrément deux ambassadeurs de deux pays différents. M. Poivre d’Arvor était partout, à tous les coins supervisant tous les détails et ouvrant toutes les portes. Malgré les flottements observés ici et là par les uns et les autres ou encore la goujaterie d’un certain membre de la délégation officielle (médiatique), il n’a pas quitté d’un pouce les déplacements de Youssef Chahed pour être toujours aux petits soins et colmater les brèches. Un exemple parmi d’autres illustre sa vitalité.

Mercredi 9 novembre au soir à l’Université de Sciences Po. Youssef Chahed prononce un discours et cède la parole aux étudiants dans un amphi plein à craquer. Petit souci d’ordre logistique, il n’y avait personne pour faire balader le micro. Un volontaire ? Olivier Poivre d’Arvor ! Il continuera à assurer sa nouvelle mission jusqu’à la fin de la conférence. Entre deux interventions, il prend des photos avec son smartphone qu’il publie immédiatement sur sa page Facebook où il est suivi par 5000 amis (nombre maximum) et plus de 3850 abonnés. A lui seul et avec son seul smartphone, il a été plus réactif et efficace que les médias présents (Business News compris) et la cellule com du chef du gouvernement. A Tunis, chacun regarde la chose à sa façon en fonction de la foi (bonne ou mauvaise) qui l’habite... Une évidence, née d’un témoignage vivant : sans Olivier Poivre d’Arvor, le voyage officiel de Youssef Chahed aurait été nettement moins réussi.

 

 

Quid de l’essentiel ? Que va exactement faire Youssef Chahed à Paris à part les salamalecs et les congratulations réciproques ? Mystère ! Pour répondre à la question, il fallait se lever de bonne heure et exiger, de pied ferme, des informations claires. C’est que la délégation médiatique tunisienne était assimilée, dans un premier temps, à un groupe de journalistes juniors, voire stagiaires. Non briefés par le chef du gouvernement ou par ses ministres au départ, écartés des réunions officielles et face aux annulations des parties questions-réponses prévues à l’issue des rencontres, la délégation médiatique était totalement désinformée. Sa présence devient carrément inutile. Zyed Krichen mettra le holà en admonestant Iyed Dahmani, Mofdi Mseddi et Ryadh Ben Omhéni. Le porte-parole officiel et les responsables de la communication rattrapent immédiatement le coup en improvisant de suite des rencontres informelles avec le chef du gouvernement. Depuis, la délégation médiatique était mise au parfum à propos de tout. On lui a fait croire ça du moins car, par moments, on nous a fait entrer par la porte pour nous sortir par la fenêtre.

Cela dit, il faut reconnaitre que le chef du gouvernement et son équipe sont bien conscients de leur inexpérience et de leurs flottements, mais on ressent une nette volonté de bien faire et de rectifier le tir immédiatement et à chaque fois que cela est nécessaire. La réactivité de Youssef Chahed et son énergie, jusque tard le soir en dépit des journées très chargées, deviennent impressionnantes par moments.

 

 

Sur le fond, et c’est finalement là l’objectif premier du voyage, les rencontres de Youssef Chahed avec les différents premiers responsables français n’ont rien apporté de nouveau à ce que l’on sait déjà, et ont juste confirmé les anciennes promesses. De la consolidation ce qui est, de nos jours, déjà quelque chose. Ainsi le cas de l’aide d’un milliard d’euros sur cinq ans ou la reconversion de la dette de 60 millions d’euros pour la construction d’un hôpital à Gafsa.

Quid du business ? La France sera présente pour le grand forum de l’investissement Tunisia 2020 prévu à la fin de ce mois. C’est Manuel Valls qui présidera la délégation. Qu’est-ce qu’on a de concret ? Rien pour le moment, il faudra attendre la fin du mois pour le savoir.

Quid de l’épineux dossier d’Orange Tunisie et les actifs confisqués par l’Etat tunisien à Marouen Mabrouk au lendemain de la révolution qui empêchent Orange France de préparer ses plans d’avenir dans sa filiale ? Iyed Dahmani botte en touche et dit que le sujet n’a pas été évoqué. Fadhel Abdelkefi répond que tout le monde en a parlé. Youssef Chahed admet que le sujet a été discuté en tête à tête avec Manuel Valls. Et ? De ce que nous avons pu recueillir comme informations chez le chef du gouvernement, le dossier des confiscations est complexe. Deux conseils ministériels ont eu lieu autour du sujet et on attend encore de trouver des solutions. Du côté des Français, on nous dit qu’il a été question d’une rencontre entre Stéphane Richard et Youssef Chahed, mais que celle-ci aurait été annulée. La participation de l’opérateur à la conférence de l’investissement de novembre demeure donc hypothétique et on ne s’est pas encore prononcé là-dessus. Une chose est sûre du côté d’Orange France, on reste déterminé à respecter la légalité et, pour le moment, les décisions de justice prononcées jusque là sont toutes en faveur de Marouen Mabrouk. Youssef Chahed tempère en précisant que ces décisions ne touchent que les recours relatifs à Karama Holding et non au décret de confiscation de 2011. Le chef du gouvernement attend donc la décision judiciaire relative à ce recours (qui date de cinq ans) et refuse, pour le moment, de se mettre autour d’une table avec les propriétaires confisqués et leurs associés. Sauf que l’interprétation de ce décret diffère selon les lecteurs et, aussi bien du côté du Tribunal administratif que de la cour de cassation, la lecture juridique du texte sert Marouen Mabrouk et non l’Etat. Du coup, l’Etat temporise et continue à espérer garder pour lui définitivement les biens confisqués par un décret qu’on sait anticonstitutionnel et contraire à des chartes internationales signées par la Tunisie. Le hic, c’est que cela fait près de six ans que l’Etat temporise et Orange commence à perdre patience.

Se rend-on compte du mauvais signal qu’on lance aux investisseurs avec ces éternelles temporisations, le coût énorme de cette absence de décision et cette image d’Etat-voleur qu’on renvoie ?

 

 

Dernier jour de la visite, vendredi 11 novembre, Youssef Chahed est interviewé sur Europe 1 par Jean-Pierre Elkabbach. Voilà donc un journaliste qui connait très bien son sujet et qui sait éviter les questions qui dérangent quand il veut. Il ne les évitera pas lors de son interview avec le plus jeune chef du gouvernement de l’Histoire de la Tunisie moderne. Les Tunisiens, qui demandent l’aide internationale, se doivent d’abord de s’aider eux-mêmes, dit-il en substance, en évoquant la polémique des avocats et la nécessité qu’il y ait une justice fiscale.

Juste après, le cortège se dirige vers l’Organisation internationale de la Francophonie. Malgré le jour férié (armistice), Youssef Chahed est accueilli en grande pompe par la secrétaire générale Michaelle Jean. On se dit de belles gentillesses autour de la langue de Voltaire et on évite soigneusement les sujets auxquels il n’y a pas de réponse. Férid Memmich est là aux aguets et il voudrait bien que la Tunis accueille le prochain sommet de la Francophonie. Ce serait un excellent vecteur de communication et d’affaires pour le pays. Lui, il voit grand. Comme d’habitude. Chuuut… On n’en parle pas. Temporisons, on n’a pas encore pris de décision.

 

 

Les motards chauffent les moteurs, le cortège se dirige vers Orly, toutes sirènes hurlantes. Les automobilistes parisiens serrent à droite et à gauche pour laisser passer la limousine portant le drapeau tunisien et les voitures qui roulent à pleine vitesse derrière. Olivier Poivre d’Arvor leur rendra un dernier hommage sur sa page Facebook.

A bord de l’avion présidentiel, Youssef Chahed vient discuter avec la délégation médiatique pour un round-up final. Quelles sont les nouvelles de Tunis ?

La commission parlementaire a annulé le texte de la Loi de finances relatif à la taxation des piscines domestiques. Un manque à gagner de 30 MDT. Le soir, on apprendra que le texte relatif à la levée du secret bancaire est rejeté… « Mais que ces députés me disent avec quoi je vais boucler le budget !», s’exclame Youssef Chahed. « Il faudra prendre de fermes décisions. Des décisions justes ! », lui répond-on.

 

Nizar Bahloul, envoyé spécial à Paris

13/11/2016 | 16:59
9 min
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Commentaires (16)

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Gg
| 15-11-2016 11:33
Ici on déambule sur les tapis rouges, et dans le même temps 5 personnes bloquent une usine pétrochimique, les terroristes des LPR sont relaxés, on découvre des arsenaux cachés à Ben Guerdene...
Arrêtez ces gesticulations diplomatiques, et donnez des gages sérieux d'un engagement à rétablir la sécurité.

l'idiot du bled
| 14-11-2016 19:53
Nous Arabes sommes réputés être de vrais marchands de tapis.Donc on ne s'en tape pas tant que ça.LOL.

Bob
| 14-11-2016 19:20
Est-ce un article qui sert à justifier la déplacement de ''envoyé spécial à Paris''? L'auteur aurait pu se contenter de l'introduction puisqu'il nous affirme d'emblée que le déplacement était vide d'intérêt: ''rien de plus !'', dit-il. Alors à quoi ça sert toute cette littérature indigeste? A part l'hagiographie de l'Ambassadeur de France, la suite de''Rien'' est un ''Rien de plus'' avec des formules creuses ou curieuses telle le round-up final qu'il fallait placer coûte que coûte au milieu de la langue de Voltaire, comme il dit (ça fait plus riche que de dire Molière). Alors tout ça pour ça? Un regret? Oui ce n'était la saison des soldes à Paris!

kameleon78
| 14-11-2016 17:33
On s'en tape des tapis rouges, on veut des contrats.

MAX
| 14-11-2016 14:38
Bravo BN pour votre reportage de très grande qualité. J'ai lu quelques commentaires qui m'ont interpellé. En effet, quand je lis votre article et je suppose que vos infos par rapport à l'affaire Orange sont justes et vérifiées, je conclu que nous ne sommes pas dans un état de droit puisque Marwan Mabrouk qui a gagné ses procès contre l'état ne peut toujours pas récupérer ses biens et je suppose que s'il a gagné ses procès c'est que les juges ont bien tout vérifié .Donc aujourd'hui en Tunisie, notre gouvernement s'il ne veut pas rendre à césar ce qui appartient à césar , c'est qu'il n'a pas confiance dans le jugement de ses tribunaux, ce qui parait très grave pour une jeune démocratie.
Finalement, les personnes qui disent que 51% des part d'Orange Tunisie appartiennent à l'Etat Tunisien ont tout faux et c'est encore plus malheureux car ce qui les poussent à dire ça c'est la haine et l'envie! travaillez et vous y arriveraient!

l'idiot du bled
| 14-11-2016 14:17
Pomme Reinette et pomme d'Api
tapis tapis rouge

Pomme de Reinette et pomme d'Api
tapis tapis gris

Annule ton histoire d'IMPOTS
Ou je te donne un coup de marteau.
BOUM...

Si tu refuses la FAUCILLE* c'est pour bientôt

Houcine Abbassi: les ouvriers sont déjà fauchés

Dr. Jamel Tazarki
| 14-11-2016 10:22
Je vous donne un exemple de deux principes de l'économie chinoise:
1) ne jamais acquérir une technologie semblable à celle que l'on a déjà dans notre pays
2) La technologie importée devrait permettre de fabriquer des produits ayant des effets socio-économiques positifs à l'intérieur de notre pays et ayant aussi une compétitivité sur le marché international.

Je vous laisse le soin de tirer des conclusions utiles de ces deux principes.

Très Cordialement

Jamel

PS: Je suis mathématicien et j'ai besoin ainsi d'un système formel qui fonctionne selon des règles et des principes bien définis.

Dr. Jamel Tazarki
| 14-11-2016 09:12
Ce qui fait qu'orange Tunisie appartient à 49% à une société étrangère française et appartenaient à 51% à la l'oligarchie tunisienne (le groupe Mabrouk). Les 51% ont été confisqués pour des raisons raisonnables et convaincantes après 2011 par l'Etat tunisien.


afin de se servir encore plus et à la source!

Dr. Jamel Tazarki
| 14-11-2016 08:57
Mon commentaire intitulé "@Mr. Nabil Ben Azouz" est plutôt pour l'article de Mr. Nabil Ben Azouz sur le lien http suivant:
http://www.businessnews.com.tn/Donald-Trump-est-de-Gauche-!,526,68291,3

Pourriez-vous s.v.p. le placer là où il devrait être placé. C'était une faute d'inattention de ma part.
Avec mes remerciements anticipés!

Très Cordialement

Jamel Tazarki

B.N : Veuillez le renvoyer sous le bon article, merci pour votre compréhension.

Bab ezzira
| 14-11-2016 08:48
La France, premier partenaire, client et fournisseur de la Tunisie, premier donateur, premier investisseur en Tunisie QU'ATTENDRE DE PLUS ???? PEUT ETRE LE RETOUR DE LA COLONISATION ????
Quand les riches Tunisiens refusent de payer leurs impôts à l'Etat Tunisien VOUS VOULEZ QUE LE CONTRIBUABLE FRANÇAIS LE FAIT A LEURS PLACE ????
Jeunes, on nous a appris la valeur du travail et à mépriser ceux qui se jettent sur la solidarité (Rami rouhou attadhamen) mais on assiste depuis quelques années à l'honneur de se jeter sur la solidarité au niveau interne et maintenant au niveau externe.
Non messieurs, on ne fait pas le riche qu'on est pauvre. On ne distribue pas l'argent GRATUITEMENT quand on l'a pas pour faire plaisir à l'UGTT ou au couple bâtard islamo-communiste, puis pour aller l'emprunter au prix fort au risque de nous ramener la colonisation comme l'a fait MUSTAPHA KHAZNADAR : Aux pseudo syndicalistes qui se prétendent être les fils de HACHED, je dirai vous n'etes que des fils de ******(autocensure) Hached, le martyr a offert sa vie pour nous donner la liberté et l'indépendance alors que vous grâce à votre merde VOUS NOUS RAMENEZ LE COLONIALISME.