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Ben Guerdène : Bras de fer entre les contrebandiers et l'Etat
07/09/2016 | 19:59
5 min
Ben Guerdène : Bras de fer entre les contrebandiers et l'Etat

Un contrebandier a été tué par les militaires alors qu’il refusait de s’arrêter à un contrôle à Ben Guerdène. Il s’agit du 37ème, cette année, mort dans des conditions similaires. Pour certains habitants de la ville frontalière, c’en est trop ! Route coupée, engins et machines servant à la construction de l’autoroute Medenine-Ras Jedir incendiés et sit-in improvisé en plein centre-ville, telle a été la réponse des protestataires et proches du contrebandier abattu, qui se trouve être originaire de la ville.

 

Nous sommes à l’aube du samedi 3 septembre 2016, une patrouille militaire déployée dans la zone tampon à quelques kilomètres de Ben Guerdène, au niveau de la barrière de sable, a intercepté un convoi de sept véhicules venant des territoires libyens. Chargés de marchandises de contrebande et ayant refusé de s’arrêter au contrôle, les militaires tirent et les contrebandiers ripostent. Résultat : un mort du côté des contrebandiers.

 

Codifié parmi les priorités de l’Accord de Carthage, validé et signé par les plus grandes formations politiques du pays, la lutte contre la contrebande figure parmi les priorités du nouveau gouvernement de Youssef Chahed. Un gouvernement chargé donc de mettre fin au trafic transfrontalier qui dure depuis le début des années 80 et qui a fait de la ville un marché approvisionné de produits subventionnés, notamment, en Libye. En une trentaine d’années, Ben Guerdène est devenue le plus important pôle du « commerce parallèle » tunisien. Une place marchande transfrontalière, puis transnationale, s’est structurée dans la durée et a progressivement articulé ses réseaux. On ne parle plus d’une personne ou d’un petit groupe, d’une ou de quelques camionnettes, mais d’organisations ordonnées comme de véritables compagnies transnationales, avec toute la logistique qui va avec. Le tout, solidement sécurisé par des armes…et des complices.

Ce sont ces grandes centrales d’achat illégales qui inondent le marché tunisien en stupéfiants, armes, médicaments, carburants, devises et produits alimentaires, essentiellement, que le gouvernement tunisien a pris pour cible. Une bataille subtile que les gouvernements passés n’ont pas su gagner avec des opérations ponctuelles et de surveillance et dans laquelle les protestataires d’hier et d’aujourd’hui demandent « l’arrêt de l’emploi de la force contre les contrebandiers ».


Dans un communiqué paru hier, mardi 6 septembre 2016, l’UGTT met en garde le gouvernement contre l’effet « tâche d’huile » que pourraient prendre les protestations. Ce qui fournirait, dans ce cas, une diversion pour l’infiltration d’armes et de combattants du territoire libyen vers la Tunisie comme ce fut le cas le 8 mars dernier, date à laquelle les habitants ont été surpris dès l’aube par des tirs en plein centre-ville. Dans son communiqué, la centrale syndicale a demandé aussi aux protestataires de ne pas participer aux actes de violence et de sabotage dont pourraient bénéficier les « ennemis de la Tunisie ».

Délaissée pendant des années par l’Etat, cette zone de la Tunisie comme beaucoup d’autres, a dû s’adapter seule aux difficultés quotidiennes, trouvant dans la contrebande une activité fructueuse qui a pris de l’ampleur avec les évènements de janvier 2011.  La « restauration du prestige de l’État », promesse phare du président élu, se heurte dans cette zone du pays, à la dure réalité.

Conscient de l’urgence de la situation le gouvernement Essid avait à l’époque entrepris de mettre sur pied une zone de libre-échange à Ben Guerdène offrant ainsi une occasion aux contrebandiers de se reconvertir dans un commerce légal reconnu par l’Etat. Un projet de 120 MD et qui sera finalisé fin 2017 selon le ministère du Commerce de l’époque, Mohsen Hassen.

 

D’après le Think Tank "Joussour", un groupe de réflexion spécialisé dans l'élaboration de politiques publiques dont le président est Khayam Turki, ancien secrétaire adjoint d'Ettakatol, le problème de ce verrou frontalier présente des dimensions à la fois économiques, sociales, sécuritaires et politiques. Socioéconomiquement parlant, la vision de « Joussour » propose la conception de solutions exceptionnelles pour la région et suggère que les prochaines élections locales peuvent représenter une opportunité pour se réconcilier avec le « non structuré" et l’intégrer. A ce titre, « Ben Guerdène pourrait constituer un laboratoire modèle », insiste-t-on.

La réaction des pouvoirs publics à l’égard de pareils actes tant à Ben Guerdène que dans l’île de Kerkennah ces dernières semaines, démontre l’érosion de leur capacité d’agir. De plus, ces actes de violence interviennent à un moment où des informations provenant du ministère des Affaires étrangères français, mettent en garde la Tunisie contre la mobilité d’éléments terroristes fuyant leur fief de Syrte.

 

Evoquant les pertes fiscales pour l’Etat tunisien réalisées à la frontière tuniso-libyenne, une étude de la Banque Mondiale intitulée : « Le commerce transfrontalier aux frontières terrestres tunisiennes », les évalue à 1,2 milliard de dinars, dont 500 millions de dinars de droits de douane. L’étude précise, en outre, que la lutte contre la contrebande en Tunisie, phénomène qui s’est répandu après la révolution, doit passer, d’abord, par une révision des prix et une libéralisation de certains produits. Réduire l’écart entre les tarifs de certains produits est le premier axe sur lequel devrait travailler l’Etat selon l’organisation bancaire.

"Joussour" propose que l’Etat aide à l’émergence d’une élite économique locale capable d’investir et de redonner de l’espoir à ces régions. Une seule chose est sure : la porosité des frontières et le mécontentement des habitants de certaines régions du sud est le point faible de l’Etat tunisien et qui pourrait rapidement se transformer en un vrai problème de souveraineté si la politique de l’autruche venait encore à être adoptée par la nouvelle équipe au pouvoir.

 

 

07/09/2016 | 19:59
5 min
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Commentaires (16)

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Tounsi
| 09-09-2016 09:05
@Forza: très bien dit. Une pertinente analyse!

Forza
| 08-09-2016 19:51
Que veut-il protéger l'état et quels sont les produits "importés" et « exportés » par les contrebandiers et je parle bien des ayachas et non pas des requins:
1- Ils importent clandestinement des produits pétroliers. L'état pleurniche tout le temps qu'il subventionne les produits pétroliers, il devrait alors ce réjouir de l'import de l'essence et du gasoil car ça diminue son fardeau de subvention, non? A moins qu'il fait des bénéfices avec les prix appliqués a la pompe, qu'il l'admette alors.
2- Ils importent des produits de la Chine et de Taiwan. Il suffit à l'état d'accélérer l'aménagement de la zone offshore et des importateurs tunisiens importeront les produits et les gens peuvent faire leur commerce.
3- Les contrebandiers exportent des produits agricoles comme les légumes et les fruits, je ne vois pas pourquoi l'état leur interdit ceci a part qu'il veut satisfaire la population des grandes villes qui veut une pression sur les prix a travers l'interdiction de l'export et des agriculteurs comme ceux de Sidi Bouzid payent la facture. Laissez les exporter.
4- Il y'a la contrebande des médicaments subventionnés et ceci coûte a la Tunisie. La Lybie s'ur est en guerre et n'a pas ses propres structures pour faire l'import. Pourquoi ne pas les aider ? La pharmacie centrale peut acheter pour la Tunisie et la Lybie et elle peut même négocier de meilleurs discounts avec des volumes plus importants et il faut demander aux libyens de payer par avance.
Donc l'état en fin de compte n'a pas vraiment intérêt à chercher la confrontation avec les ayachas sans leur offrir des alternatives et ce sont les habitants de Ben Guirdane qui ont combattu Daiech au mois de Mars a cote de l'armée et de la garde nationale. Beaucoup d'eux sont maintenant descendus manifester. L'état doit faire des habitants des zones frontalières des amis et non pas des ennemis en leur fermant toutes les portes d'issu. Ben Ali laissait faire car il savait que les gens n'ont pas d'autres solutions.

salahtataouine
| 08-09-2016 17:22
Au moins vous savez de quoi vous parlez !!
BN derape , c est la faute à NBahloul qui laisse ecrire n importe quoi
Tenez je vais commencer par une confidence , j etais gamin (sous BOURGUIBA) et nous autres du sud ...le thé c est sacré
Le bon thé venu de chine n existait que chez nos amis lybiens ..alors pour "notre dose" il y avait ce que on peut appeler "la contrebande du thé" ..l etat le savait et il laissait faire , ce commerce paralelle !!Ca n a tué personne
L echange entre le sud est et la lybie ne date pas d hier
Sous Bourguiba , comme sous Ben ali les gens de benguerdene ont toujours commercé de la sorte ..et ils assuraient la securité des frontieres en meme temps
Soyons serieux le sud est ne brasse pas des milliards dans cette "contrebande"
Le deficit qui a depassé plus de 9% dans les 6 premiers mois n a pas eté creusé par cette ville
Le sud est fait rentrer des milliards chaque anneé (immigrés , tourisme , sous sol etc ...) mais en contre partie on pratique la peine de mort contre un contrebandier "de survie"
La contrebande est faite par l etat , il a endetté le pays en cinq ans de plus de 35 milliards de dinars
La fausse copie de carthage a fait au nom de l etat la "contrebande" des armes au profit des terroristes lybiens pour detruire ce pays voisin
Les terroristes lybiens se font soigner en tunisie (de belhaj à ...) alors que quand daesch avait attaqué la ville , les habitants se sont levés comme un seul homme pour defendre la patrie
Ce journaliste insulte nos concitoyens en usant des arguments venant des tueurs du temps moderne c est à dire la banque mondiale
La finance internationale est un outil de destruction comme l est l otan et le terrorisme
Quand on cite le ministre francais de la guerre , il ne faut pas oublier que cet etat a detruit ce pays voisin pour voir les terroristes s u installer
Le sud est est patriote , et sa population reste la guarante de la securité de nos frontieres
Ecrire un papier depuis almanar en sirotant un café "contre fait" ne rend pas service à la nation
Il faut peut etre aller faire un tour à la goulette ou à l aeroport et vous allez comprendre le sens de la contrebande
La fausse copie du zaim et le gourou sont les premiers produits contre fait , un produit anti nation qui mettera le pays à feu et à sang pour leurs maitres à doha , paris ou chez l oncle sam
Quand il y avait un etat qui connaissait la valeur des hommes ..les choses allaient bien mais depuis le maudit 14 nous voilà tous dans un gouffre

A4
| 08-09-2016 17:05
LA VACHE
Ecrit par A4 - Tunis, le 08 Septembre 2016

La pauvre vache est à terre
Sortez vite vos longs couteaux
Sans retenue et sans prière
Servez-vous quelques bons morceaux

Elle est là, raide, sans défense
Son doux museau est dans la boue
Préparez vos chants et danses
Amusez-vous comme de vrais fous

Sortez-nous vos vieilles gamelles
Aiguisez vos canines et dents
L'occasion est des plus belles
Attaquez poitrine et puis flancs

Découpez, n'ayez pas honte
Oubliez ses yeux larmoyants
Charcutez sans tenir compte
De son long râle gémissant

C'est aujourd'hui qu'il faut le faire
Demain ça sera sûr trop tard
Profitez de cette nouvelle ère
Empiffrez-vous de gras et lard

Charcutez, peuple d'affamés
Gavez-vous, c'est de la vachette
Qu'elle soit crue ou même crâmée
Ne laissez-en aucune miette

Enfoncer encore vos hachettes
Faites jaillir et couler son sang
N'ayez pitié de la "pauv' bête"
Le temps n'est pas aux prévoyants

Taillez encore, la chair est fraîche
Ce n'est pas elle la vache qui rit
Le temps n'est pas du tout aux prêches
Le temps est à la barbarie

kameleon78
| 08-09-2016 12:34
Saviez-vous que 50% des jihadistes du Daesh à Syrte sont des tunisiens (données du ministère de la défense française), bientôt ils vont rentrer au pays car ils sont chassés de leur fief terroriste de Syrte et toute cette faune islamiste va se mélanger aux contrebandiers, ils vont créer une alliance objective, dans un but commun passer la frontière. Les uns pour la contrebande et les autres pour les attentats terroristes, préparons-nous au retour au pays des jihadistes ça va barder.

observator
| 08-09-2016 11:54
Bonjour
Vous avez parfaitement raison.
Ceux qui savent et se taisent sont complices de ce crime et sont autant condamnables surtout s'ils s'abstiennent de réagir s'ils disposent d'un certain pouvoir pour le faire.

G&G
| 08-09-2016 11:48
Pourquoi l'Etat utilise t-il le bâton de Jha?
Pourquoi laisse t-on l'âne libre et attaquer l'âne menotté.
On s'est trompé d'adresse
Les barons de la contre bande sont à Tunis.
Pour l'amour de Dieu laisser ces pauvres malheureux tranquille et que l'on se mette une fois à leur place.Je suis du Sahel et je suis de leur coté parce que j'ai vécu 10 ans à coté d'eux. Jassour est à coté de la plaque. La solution est tout autre. simple et moins coûteuse.

Maryem
| 08-09-2016 11:00
Ceux qui savent et ne reagissent pas sont autant criminels que les barons du banditisme mafiosi en Tunisie.Un jour ils seront juges par un tribunal populaire.Notre armee finira par gagner

Maryem
| 08-09-2016 10:50
Parfaitement raison,il faut bruler toutes les marchandises de la contre bandes et juger a de tres lourdes peines
les barons de ce banditisme qui se propage et ronge les institutions de l Etat qui finira par ne plus exister.
Ou est Heibatou Eddaoula avec laquelle BCE voulait nous faire endormir debout..???? c est plutot herdat Eddaoula a laquelle il pensait certainement.Yarhamek ya Bourguiba quand il avait dit que la Tunisie ne peut etre detruite que par ses propres enfants,parce que le pouvoir est faible et pourri.Heureusement que notre armee est au four et au moulin,sinon adieu vaux ,vaches ,et moutons.

observator
| 08-09-2016 10:05
Les autorités font semblant de ne pas comprendre qu'il faut frapper un grand coup contre les gros trafiquants et corrompus qui ont pignon sur rue ils auront toujours des problèmes avec le trafic frontalier surtout que certains sont de petits trafiquants qui vivent de cela.
Ils auront la conviction que l'Etat protège tapent sur eux pour protéger les gros ( a la Goulette il y a un grand trafic contrebandier plus protégé celui-là il est vrai ).
La lutte contre la corruption (contre-bande, évasion fiscale, commerce parallèle, situation monopolistique hors cadre légal...pots de vins...fonctionnaires véreux..bakchichs ) doit être menée d'une manière globale en commençant par les plus gros.
Après ce sera plus facile de s'attaquer aux plus petits.
Les plus gros sont connus et nombre d'entre eux gravitent autour du pouvoir, les médias et dans de grands partis politiques.
Voilà ce qu'il faut l'arsenal juridique , pour débuter cette bataille, existe.
Il suffit de l'améliorer par la suite en fonction de l'évolution de la situation.
Donc le gouvernement ne peut pas dire qu'il ne sait pas faire ou se barricader derrière le manque de lois. Ce serait de la mauvaise volonté politique.
Les autorités doivent comprendre , s'ils ont un minimum de fibre patriotique, que la situation ne peut plus attendre sous peine d'une explosion qui risque d'emporter sur son passage tout le monde.
Car il faut se faufiler parmi les tunisiens pour comprendre leur ral-bol.
A ce point il n y a pas quelques esprits éclairés au sein du pouvoir pour dire stop et attaquer ces gros poissons qui sont prêts à s'allier avec le diable pour sauvegarder leurs privilèges et non cure de ce pays.