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La Banque de Tunisie confiante malgré la crise Covid-19
10/06/2020 | 19:59
8 min
La Banque de Tunisie confiante malgré la crise Covid-19

 

La Banque de Tunisie (BT) continue sur la lancée 2018 et réalise d’excellentes performances pour l’exercice 2019. Mais, la pandémie Covid-19 a bouleversé le programme de la banque qui, conformément aux directives de la Banque centrale de Tunisie, ne distribuera pas de dividendes malgré le fait qu’elle soit convaincue de pouvoir le faire sans ébranler ses fondamentaux. Ceci ne veut pas dire que la crise actuelle n’aura pas d’impact sur la BT, mais ses managers sont confiants, et ont tenu à rassurer des actionnaires inquiets. Ils en ont aussi profité pour revenir sur le dossier Carthage Cement. 

 

L’Assemblée générale ordinaire de la Banque de Tunisie (BT) pour l’exercice 2019 s’est tenue ce mardi 9 juin 2020, sous la présidence de l’administratrice Henda El Fekih et du directeur général de la banque Mohamed Habib Ben Saâd. Le président du Conseil d’administration Eric Charpentier n’ayant pas pu être présent physiquement puisque retenu en France.

 

2018 a été l’année d’un provisionnement record impactant négativement le résultat. 2019 a été une excellente année pour la BT avec un bénéfice net en hausse de 22,4%, passant de 110,55 millions de dinars (MD) fin décembre 2018 à 135,29 millions de dinars fin décembre 2019, et ceci malgré une hausse significative de la contribution au fonds de garantie des dépôts bancaires de 9,79 MD et un impôt de 64,19 MD (en hausse de 40,3%, l’établissement ayant décidé de changer sa politique de réinvestissement exonéré et de payer un taux "plein impôt" de 38%, estimant que les risques sont plus importants que les bénéfices, ndlr).

Le produit net bancaire (PNB) a, pour sa part, augmenté de 10,2% par rapport à un an auparavant pour se situer à 361,11 MD fin 2019. La banque avait proposé un dividende de 0,300 dinar par action, mais a dû réviser ses résolutions pour se conformer aux directives de la BCT.

Commentant cette décision, dans une allocution à distance, M. Charpentier a regretté la décision de l’autorité monétaire tunisienne expliquant que la BT dispose d’un socle de ratios solides qui lui permet la distribution de bénéfices. Il a déploré ladite décision surtout parce qu’elle impactait les petits-porteurs.

 

Pour revenir aux performances de l’établissement financier, les dépôts ont augmenté de 7,48%, se situant à 4.025,57 MD alors que les crédits nets à la clientèle ont légèrement baissé de 0,3%, atteignant 4.453,97 MD. Le coefficient d’exploitation a atteint 31,7% (identique a une année auparavant) : «le meilleur de la place», selon M. Ben Saâd.

Dans ce cadre, le DG a indiqué que les ressources extérieures ont augmenté de 100 MD (+23,2%) et de noter que le coût de couverture des risques de change a explosé, passant de 2% à 6,5% et même à 7%, rendant ces lignes non compétitives. C’est dans ce cadre que la banque a réclamé l’assistance des autorités, pour intervenir et baisser les coûts, l’objectif étant de fournir aux clients de la banque des produits conformes à leurs besoins.

Autre fait significatif, la banque a récupéré 42 MD de provisions sur des créances classées 4, relatif à deux établissements hôteliers grâce à la reprise du secteur touristique. Le responsable a souligné qu’il s’agit de véritables encaissements et non pas de rééchelonnement. Il a mis en relief, dans ce cadre, la politique stricte de la banque en matière de provisionnement mais également son attachement à la récupération des créances classées.

Mohamed Habib Ben Saâd a abordé, dans ce cadre, le dossier de Carthage Cement. Une année auparavant, les provisions faites avaient affecté les créances classées et carrément le résultat de la banque. La BT possède dans la cimenterie un engagement hérité de 130 MD au 31 décembre 2019, ce qui représente le quart de l’ensemble de ses créances classées. Ceci dit, le DG s’est voulu rassurant quant à la récupération totale de la mise, rappelant le plan de restructuration mis en place par les autorités, l’augmentation de capital a été opérée dans ce cadre pour réduire les créances de la société et sa remise en vente. Il a espéré la résolution rapide du dossier ce qui permettra à la banque de récupérer, outre sa mise de départ, 35 MD de provisions.

 

Côté ratios, M. Ben Saâd a estimé qu’ils sont tous respectés au point de devenir «insolents». Le ratio de solvabilité a atteint au 31 décembre 2019 un niveau de 16,76% (+2,9) pour un minimum réglementaire exigé de 10%, le ratio de liquidité à court terme (LCR) s’est élevé à 510,9% en 2019 pour un minimum exigé de 100% et le ratio crédits/dépôts a atteint 110,6% fin 2019 contre 123,4% fin 2018 pour un maximum règlementaire de 120%.

Sur un autre volet, il a évoqué la réforme IFRs prévue pour cette année 2020 et indiqué que cette migration va impacter certes les ratios de la banque mais ils resteront quand même au vert.

 

En ce qui concerne le comportement boursier de l’action, le DG a noté la contraction du marché boursier en 2019 et mis en relief la liquidité du titre BT et précisé que 6% du capital a changé de main au cours de l’exercice. Il a souligné que «même si le P.E.R. (Price Earning Ratio) a baissé à 13%, il demeure le plus élevé du secteur».

 

 

Le groupe Banque de Tunisie a réalisé un résultat net consolidé en hausse de 17,38%, passant de 121,18 MD à 142,24 MD. Le PNB consolidé est, quant à lui, en hausse de 9,39% passant de 336,23 MD à 367,83 MD. Dans ce cadre, M. Ben Saâd a précisé que toutes les sociétés du groupe sont bénéficiaires et qu’«il n’y a pas de cadavres dans la cave». La Sicav Rendement et l’Astree Assurance y participent respectivement avec un bénéfice de 23,63 MD et 51,28 MD. Cette importante hausse du bénéfice de la compagnie d’assurances est due essentiellement à la plus-value comptabilisée courant l’exercice 2019 sur la cession de la totalité de ses participations dans le capital de la BT (les participations croisées).

Autre bonne nouvelle et qui concerne Scan Club Aquarius, la banque a remporté, après 11 ans de procédures, l’affaire qui concerne 16 hectares en bord de mer avec une optique de plus-value importante. Le groupe BT a entamé avec ses partenaires le Club Med et la STB, une réflexion stratégique sur ce club, a indiqué le DG.

 

Concernant l’impact du Covid-19 sur la banque, Mohamed Habib Ben Saâd a affirmé que la BT a entamé 2020 avec de bonnes perspectives mais que la pandémie a bloqué plusieurs secteurs (tourisme, export, import) et que seul l’agroalimentaire a poursuivi son activité. Il a avoué que ceci aura un impact sur la banque et sur l’ensemble du secteur bancaire en rappelant que le gouvernement s’attend à une contraction de 5 à 6%, un taux jamais atteint dans la Tunisie moderne. Ceci dit, il a assuré que la BT continuera à soutenir l’économie tunisienne ainsi que ses clients, en cette phase délicate.

Le DG a évalué l’impact de la pandémie sur l’ensemble du secteur bancaire de 750 MD outre un risque d’impôt de 250 à 300 MD en plus des risques provenant du coût du risque vu la situation critique de plusieurs entreprises. Pour autant, il a rassuré les actionnaires sur la situation très solide de la banque et souligné qu’«elle traversera la crise avec le moins de casse possible ». Il a souligné que ces derniers temps, il y a eu une forte croissance des dépôts avec une baisse de la rémunération des dépôts à terme, ce qui a engendré une détente des liquidités. D’ailleurs, le recours de la banque au financement de la BCT a baissé.

 

Les actionnaires ayant été appelés à formuler leurs questions par écrit, le DG a tenté d’y répondre. La question phare concernée la crise Covid-19, son impact sur la banque et la possibilité d’avoir des projections. En réponse, M. Ben Saâd a estimé que l’impact sera significatif mais qu’il était impossible de le chiffrer. Le DG a appréhendé en particulier l’impact sur le coût du risque et donc sur les créances classées de la banque et sur ses provisions. Il a prévenu, cependant, les actionnaires, que s’il y aura abandon des intérêts, la répercussion se fera sur l’exercice 2020 et ne sera pas rééchelonnée sur d’autres exercices. Mais pour le moment, il n’est pas possible d’anticiper.

Interrogé sur une possible augmentation de capital au lieu d’une distribution de dividendes, il a rappelé que le capital de la BT est l’un des plus importants du secteur.

Par ailleurs, le DG a voulu partager deux projets importants de la banque. Le premier concerne une étude stratégique sur la mise en place d’un nouveau système d’information, l’ancien ayant atteint ses limites. Le second est relatif à la mise en place d’un plan stratégique sur 4 à 5 ans avec l’actionnaire de référence, le Crédit Mutuel, qui vise à permettre à la BT l’accès à des parts de marché plus importantes.

 

Pour sa part, Eric Charpentier a réitéré la confiance du conseil et du Crédit Mutuel dans la banque. Il a mis en avant la sévérité de la banque dans la classification des créances, ce qui permet d’avoir une image réelle et sincère des comptes présentés par la banque et permet de ressentir une sécurité et une confiance dans l’avenir. Il a noté que les conséquences de la crise de sont pas claires pour le moment mais il a souligné, cependant, sa confiance dans la BT et ses dirigeants.

 

2019 a été un excellent cru pour la Banque de Tunisie mais 2020 s’annonce déjà assez difficile. Ceci dit, les dirigeants se sont montrés rassurants quant à la capacité de la banque à surmonter la crise grâce à la force de ses fondamentaux. Affaire à suivre.

 

Imen NOUIRA

10/06/2020 | 19:59
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