Le lobbying, principal levier de diplomatie économique
"Savez-vous faire du lobbying? Diplomatie économique et stratégie d'influence", tel était le thème de la conférence débat ayant eu lieu, hier mardi, au siège de l'Université centrale à Tunis. La conférence-débat, organisée en partenariat avec le Cercle diplomatique, a été animée par le professeur émérite de diplomatie économique et public affairs, Ghazi Mabrouk ayant donné une vue d'ensemble sur le concept du lobbying ainsi que sur son rôle dans la promotion de la diplomatie économique, devenue indispensable dans le contexte actuel de mondialisation.
Membre du comité directeur du Cercle diplomatique, docteur en sciences politiques de l'Université de Paris, officer ad-honores, spécialiste des fonds souverains, Ghazi Mabrouk a également été conseiller spécial du secrétaire général de l'Union du Maghreb arabe et haut représentant auprès de l'Union européenne entre 2016 et 2018.
Il a été, également, président exécutif du G7 circle (2015-2016), occupé le poste de délégué général de l'Observatoire européen du Maghreb entre 2013 et 2015 et devenu vice-président de l'Alliance économique européenne de 2009 à 2012.

Ainsi et vu le thème de la conférence, le choix de Ghazi Mabrouk par l'Université centrale (Executive education) pour partager son expertise avec le public était, pour le moins, naturel. Cet événement célèbre, par ailleurs, le cinquantenaire du décès de Mongi Slim, premier président africain de l'Assemblée générale de l'Onu (1961-1962) et fondateur de l'Association tunisienne pour les Nations Unies en 1960, disparu le 23 octobre 1969.
La présence de M. Mabrouk s'inscrit, aussi, dans le cadre de la convention de partenariat entre le Cercle diplomatique et le Groupe de l'Université centrale. Le cercle étant un cercle de réflexion et une force de suggestion dans le but de consolider les relations tunisiennes avec le reste des pays du monde.
Il regroupe, ainsi, des compétences dans le domaine de la diplomatie et s'intéresse essentiellement à la géopolitique, aux relations internationales et à la diplomatie globalement, le tout en élaborant des études et en organisant des conférences et des tables rondes.
Cette coopération est, donc, établie en matière de développement dans les domaines diplomatique, des relations internationales et de la stratégie, notamment en diplomatie économique.
L'Université centrale avait, d'ailleurs, créé un short MBA en diplomatie économique et lobbying destiné essentiellement aux diplomates, directeurs de relations extérieures d'entreprises et de groupes financiers et économiques ainsi qu'aux étudiants de l'Université centrale.
Un MBA, s'articulant autour de 3 cycles à savoir : lobbying et stratégie d’influence, veille et intelligence économique et diplomatie économique. Des éléments nécessaires à la favorisation de la prospection des nouveaux marchés d'exportation, l'appui à l'investissement étranger et, plus globalement, la promotion de la Tunisie.
Cette conférence-débat a, en effet, permis de dissiper la connotation suspecte, corrompue et douteuse, selon Ghazi Mabrouk, autour du lobbying dans l'imaginaire collectif. Le lobbying, dans le sens d'influence, de veille économique en tant que surveillance et intelligence économique qui pourra être considérée comme de l'espionnage, ne sont, d'après M. Mabrouk, que des outils que l'on doit pas diabolise. D'autant plus qu'il existe des véritables techniques et approches utilisées par des cabinets spécifiques pour exploiter ces outils au service des institutions de la gouvernance et de la société civile.
Il s'agit, donc, d'une activité professionnelle qui est même régie par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui encadre les règles du lobbying. Elle contribue, également, à promouvoir la participation démocratique en assurant la transparence et l'intégrité des démarches des groupes d'intérêt.
Encore faut-il faire la distinction entre le lobbying, le marketing politique et la communication qui sont, certes, complémentaires. Alors que le lobbying s'adresse au cercle d'intérêts et d'influence et s'articule autour d'eux par la création de groupes de pression, le marketing politique détermine le mode de pénétration auprès des décideurs englobant la manière de véhiculer une image, la sélection des cibles dans le paysage politique, économique et médiatique visé.
Par contre, la communication signifie le choix des supports, leur diffusion et leur fréquence selon des critères de visibilité orientés vers l'objectif à atteindre. En tout état de cause, la définition d'une stratégie est indispensable avant toute action de lobbying et de diplomatie économique, selon Ghazi Mabrouk.
Toutefois, le professeur émérite a indiqué que le lobbying pratiqué aujourd'hui en Tunisie ne relève pas du véritable lobbying et que la diplomatie économique est sous-exploitée par des dirigeants qui, selon lui, ne maîtrisent pas les techniques du lobbying.
Dans ce sens, M. Mabrouk a souligné l'importance d'établir un lobbying professionnel basé sur des stratégies d'influence adaptées aux repères internationaux en vue d'assainir l'image de la diplomatie économique de la Tunisie nouvelle.
Afin de mettre en place un réel lobbying en Tunisie, il faut d'abord créer une structure instaurant les techniques de ce lobbying en faveur de la Tunisie. Des techniques qui seront, également, établies à l'étranger à travers la création des ambassades ad-hoc, ce qui exige une véritable volonté politique.
Quoiqu'il en soit, il est indéniable que la diplomatie économique de la Tunisie a connu ces dernières années une dynamique. Cette dynamique s'est traduite, entre autres, par l'adhésion de la Tunisie à la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en tant que membre observateur ainsi qu'au Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA) aussi bien que les concertations autour de l'adhésion au projet chinois de la route de la Soie, prévoyant de relier la Chine au Proche-Orient, à l'Afrique et à l'Europe.
Le volet économique a pris plus d'ampleur dans l'action des représentations diplomatiques de la Tunisie à l'étranger étant donné que cette diplomatie, rattachée au ministère des Affaires étrangères, vise à exploiter les réseaux de relations établies avec les Etats et les institutions, au profit de l'économie nationale. Ceci constitue, ainsi, un instrument permanent de promotion de la Tunisie.
La diplomatie économique présente, de ce fait, d'innombrables avantages au niveau du développement du commerce extérieur et de l'investissement étranger, notamment en s'ouvrant aux nouveaux marchés et en s'intéressant aux pays émergents. Des missions qui ne peuvent être réussies que lorsqu'une véritable diplomatie économique impliquant toutes les parties prenantes dans l'activité économique, qui doivent indubitablement mutualiser leurs synergies, sera mise en place.
Boutheïna Laâtar