Quelle confusion ! Et à un si haut niveau des cadres d'un Ministère de souveraineté !
Les services compétents auraient quand-même pu __depuis le temps que ce problème a ressurgi__ épargner au porte-parole de leur ministère de tomber dans le ridicule d'aussi grossières erreurs s'ils avaient pris la précaution de l'initier un tant soit peu aux fondamentaux de tout ordonnancement juridique ! La matière de son intervention ne le nécessitait-elle donc pas ?!
2__De telles déclarations sont très révélatrices. Elles permettent notamment de jauger la conception pratique __donc véritable, puisque l'effective__ de l'?tat de Droit des gouvernants d'un pays. Et celle qui transparaît à travers cette déclaration du porte-parole du Ministère de l'Intérieur fait plutôt violence ... au Droit __qu'il veut cependant donner l'impression de défendre en insistant sans rire que le ministère "ne fait qu'exécuter la loi"(sic)! Aussi ne manque-t-elle pas d'inquiéter.
Elle est d'autant plus inquiétante que la classe dirigeante semble curieusement la partager, elle dont on entend le silence assourdissant alors que, naguère __et alors qu'ils étaient dans l'opposition clandestine ou déclarée, plus ou moins volontairement expatriés ou restés au pays__ ceux qui la composent faisaient feu de tout bois à la moindre dérive, ameutant à l'occasion toutes sortes d'organismes étrangers !
Est-ce à cause de l'objet spécifique de cette circulaire ou à raison de la même confusion des esprits ?
3_Faisons, un moment, abstraction de l'objet spécifique de la circulaire en cause, afin de dépassionner méthodologiquement le problème, et résumons les termes du défi qu'il (re)lance à la face de cette République née de la "meilleure Constitution au monde" :
3.1_En 2011, toute une République est balayée __au prix de nombreuses vies humaines et de tant d'autres sacrifices simultanés ou postérieurs__, au motif qu'elle était en fait un régime dictatorial-né, qui étouffait les libertés, transgressait systématiquement son propre Droit et foulait aux pieds ceux de ses citoyens et les libertés individuelles et collectives de ceux-ci __pourtant clairement inscrits dans la Constitution alors en vigueur.
3.2_Trois ans plus tard une autre République, née sur les ruines de la précédente, est proclamée par une Constitution censée instituer un régime exempt de toutes les tares que l'on attribuait à tort ou à raison au précédent. Une Constitution qui, proclamant la Tunisie "'?tat civil, fondé sur (...) la primauté du droit" (art.2), garantit d'emblée "la liberté de conscience et de croyance" (art.6), dédie tout un chapitre aux droits et libertés individuels et collectifs (art. 21 à 48) et prend la précaution de préciser __ou de mettre en garde pouvoirs et autorités du nouveau régime__ que:
'?' seule "la LOI D'?TERMINE LES RESTRICTIONS RELATIVES AUX DROITS ET LIBERT'?S" quelle garantit (article 49); et cela ...
'?' ... sans que les éventuelles restrictions en question puissent porter atteinte à l'ESSENCE de ces droits et libertés (même article); ...
'?' ... les restrictions éventuelles devant en tout état de cause être PROPORTIONNELLES '? L'OBJECTIF RECHERCH'? (même article).
3.3_Fondateurs et autres ténors de la nouvelle République n'ont cessé depuis lors de nous jurer, à tout bout de champ, que cette fois nous sommes bel et bien au paradis des droits et des libertés dont la consécration en droit comme dans les faits est "irréversible" ! Et tout un chacun s'est pris à rêver au règne de la loi, entendue comme ordonnancement juridique chapeauté par la suprématie d'une Constitution dont aucun autre texte __et encore moins une pratique__ ne pourrait jamais mettre les dispositions en échec.
Grossière erreur ! Une simple circulaire, ressortie des tiroirs de cette même République traitée de tous les noms, vouée aux gémonies et finalement balayée, est aujourd'hui érigée en rempart contre le respect des droits et libertés consacrés par la Constitution de la nouvelle ! Même pas une loi, comme le prescrit l'article 49 de la Constitution et comme auraient pu demander les tenants de l'interdiction, évitant la schizophrénie socio-juridique et politique. Une simple circulaire, un "papier" sans valeur pour le citoyen et qui ne peut lui être valablement opposé! Et pourtant imposée, "justifiée" et défendue bec et ongles !
'?trange conception de l' "'?tat de droit" __où la pyramide de la légalité est, sur le terrain de l'action, bel et bien inversée.
Dangereuse conception de l' "'?tat de droit", surtout, car les Constitutions n'ont aucune existence hors le respect; et les droits et les libertés n'ont aucune effectivité hors la pratique.
La Seconde République n'aura-t-elle été qu'un changement de gouvernants ?