
Le mois de ramadan a été marqué cette année par les arrestations et les mises en examen de plusieurs personnes soupçonnées de corruption. L’homme d’affaires et lobbyiste Chafik Jarraya a ouvert le bal, s’en sont suivies plus tard, à un rythme soutenu, de nombreuses arrestations visant des figures notoires de la contrebande et de la corruption. Retour sur la plus grande opération anti-corruption menée par le gouvernement…
« GO Jo », s’il est un slogan qui aura marqué le début de l’été 2017, ce serait bien celui là. Las du laxisme longtemps affiché par l’Etat envers ceux qui, forts de leurs relations et de leur portefeuille, ont impunément sévi dans le pays des années durant, les Tunisiens ont suivi avec espoir et exaltation l’opération « Mani pulite » menée par le chef du gouvernement, Youssef Chahed.
Pour une fois, l’Etat n’avait pas peur de s’en prendre aux « intouchables », affirmant ainsi une autorité jusque là bafouée. Si Youssef Chahed a d’abord été « abandonné » par les partis de la coalition au pouvoir, très « perturbés » par le sujet, il a bénéficié du soutien indéfectible d’une opinion publique, d’abord enthousiaste, puis sceptique et enfin déterminée à le soutenir dans cette entreprise courageuse et inédite.
Le 23 mai 2017, nous apprenions avec stupéfaction l’arrestation, pour complot contre l’Etat, de l’homme d’affaires controversé, Chafik Jarraya. Pourtant chuchotée dans certains couloirs depuis quelques jours, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Youssef Chahed a osé !
Plus tard la même journée, l’ancien candidat à la présidentielle, Yassine Chennoufi a été arrêté à son tour. Son dossier, lié à la corruption, était alors en cours de préparation depuis des semaines. Le soir même, l' "homme d'affaires" Néjib Ben Ismail, connu pour le commerce de fruits secs, fut arrêté à Ben Guerdène. Une arrestation liée à de grosses affaires de contrebande selon les déclarations de sources bien informées à Business News.
Dès lors le ton a été donné. Des noms ont commencé à être cités, des personnalités politiques, des journalistes, de hauts cadres de l’Etat… personne n’était désormais à l’abri et les teigneux ont eu très vite une forte envie de se gratter.
Le 24 mai 2017, L’ancien colonel à la Douane, désormais homme d’affaires a été arrêté à Tunis alors qu’il était en état de fuite. Plus tard Kheïreddine Meddeb, supposé contrebandier suspecté d’avoir fourni des véhicules aux manifestants de Tataouine et de grosses sommes d’argent aux sitinneurs, a été arrêté. Il est surnommé "khrab essoug" (signifiant destructeur de marchés) et était également suspecté d’être mêlé à une affaire liée à la sûreté de l’Etat.
Le 25 mai 2017, les forces sécuritaires ont arrêté à l’aube Ali Grigri, le plus célèbre contrebandier de la région de Kasserine et du Centre-ouest tunisien « maître de la route de la contrebande» entre la Tunisie et l’Algérie. L’individu a bénéficié, jusque là, de ses relations privilégiées avec de hauts gradés dans les forces sécuritaires.
Le jour même, à Sousse, les deux frères Adel et Fathi Jenayah, soupçonnés de corruption, ont été arrêtés ainsi que six contrebandiers au Kef.
Le 26 mai, Hlel Ben Messoud Bechr, soupçonné d'être un contrebandier spécialisé dans le pétrole et l'essence de contrebande, a été arrêté à Médenine. Le 28 mai Kamel Soltani, présumé contrebandier de cigarettes, a été arrêté à Kasserine.
Le 30 mai, le juge d’instruction près du tribunal militaire en charge de l’affaire de Chafik Jarraya a ordonné l'arrestation du directeur général de la sûreté touristique et ancien chef de la brigade antiterroriste du Gorjani, Saber Laâjili. Il aurait appelé Chafik Jarraya au téléphone dès l’arrestation de ce dernier et serait impliqué dans certaines affaires avec le lobbyiste, un mandat de dépôt a été émis à son encontre.
Le 1er juin 2017, les unités de la Garde nationale relevant de Gafsa, en coordination avec la Garde nationale de Médenine et de Ben Guerdène, étaient parvenues à mettre la main sur le célèbre contrebandier de Ben Guerdène, connu sous le pseudonyme de « Wachwacha ». Une opération sécuritaire avait permis de mettre à jour un réseau de contrebande de fusils de chasse de Libye en Algérie en passant par la Tunisie.
Le 5 juin, le contrebandier Akerma Wadhen a été arrêté à Tataouine. Il était suspecté d’avoir financé les manifestants d’El Kamour et serait également, impliqué dans des activités de contrebande, notamment, dans le secteur du pétrole.
Le 19 juin, l’animateur Samir El Wafi, soupçonné de corruption, a été arrêté à son tour. L’animateur a été interrogé sur des affaires relatives, notamment, à des pots-de-vin et d’escroquerie avant qu’un mandat de dépôt n’ait été émis à son encontre deux jours plus tard.
Le 21 juin, le juge d’instruction au Tribunal de première de la Manouba a émis un mandat de dépôt à l’encontre du directeur de sécurité des unités à la direction générale des Prisons et de la Rééducation, Imed Dridi également soupçonné de corruption.
Le 22 juin 2017 un mandat de dépôt a été émis contre l’homme d’affaires Khaled Kobbi, accusé de corruption dans le cadre de l'affaire impliquant également Imed Dridi. Le jour même, un mandat de dépôt a été émis à l’encontre de l’homme d’affaires Fethi Jenayah, accusé de blanchiment d’argent et de corruption…
Hormis la libération de trois personnes dont une faisant partie de la famille connue sous le pseudonyme Wachwacha, le 16 juin, tous les autres suspects sont encore actuellement maintenus en état de détention.
Le nom de Sofiène Toubel, aussi récemment très cité, a fait l’objet de nombreuses rumeurs sur une proche arrestation. Le député Nidaa Tounes a en effet été convoqué par un juge d'instruction du Tribunal militaire, pour le jeudi 29 juin courant, dans le cadre de l'affaire Chafik Jarraya, avons-nous appris auprès d'une source autorisée. Nous ignorons toutefois à quel titre Sofiène Toubel a été convoqué, en qualité de témoin ou de suspect. Sa forte proximité et son amitié avec Chafik Jarraya sont notoires mais rien n'indique, à ce stade, s'il soit mêlé à des faits délictueux, secret de l'instruction oblige.
La lutte contre la corruption menée par le chef du gouvernement ne s’est pas arrêtée à ces arrestations. Le 14 juin au matin, Youssef Chahed a effectué une visite surprise au port de Radès connu pour être une plaque tournante de la corruption dans le pays. Quelques heures après qu’il a quitté les lieux, un incendie de grande ampleur s’était déclaré au niveau d'un entrepôt sous douane situé en face de l’entrepôt principal. Le chef du gouvernement, avait décidé, ce jour là, d'écarter 21 agents de la Douane des postes de responsabilité et des départements sensibles, en attendant la fin des investigations les concernant. 35 autres agents de différents grades devaient également être traduits devant le conseil d’honneur et des investigations ont été lancées concernant d'autres agents soupçonnés de corruption.
Si l’opération lancée par Youssef Chahed a suscité un enthousiasme certain auprès de l’opinion publique et un relatif regain de confiance en l’Etat, elle a néanmoins ébranlé la scène politique. En ont témoigné les réactions laconiques des partis au pouvoir, eux aussi fortement soupçonnés d’être touchés par le fléau, et celles mitigées de l’opposition qui s’est vue ôter un important fonds de commerce.
Tout le monde s’accorde à dire qu’il était temps de procéder à cette purge et de montrer que nul ne peut être au dessus de la loi. Le travail qui a commencé à être effectué dans ce sens est louable mais la guerre déclarée est longue et compliquée et nécessitera une fermeté à toute épreuve et une union autour de la cause qui n’est pas dans l’intérêt de nombreux protagonistes au cœur même du système…

Commentaires (8)
CommenterLa route est encore longue
Mis en seine préparée par BCS et Gannouchi
enfin du concret à propos des intouchables
El Wafi et ses invités
un coup de balai
Curieux !
Mais de là à nous appeler à supporter la démarcher sans condition aucune et de là à nous imposer une terminologie fasciste telle que le renvoi aux "purges" je trouve cela bien curieux venant d'un intellectuel
qui connait combien l'histoire des nations est jalonnée d'iniquité et de drame dont le seul rempart est une justice saine juste et apolitique travaillant loin des pressions.
La légalité
Il faudrait pas tomber dans la facilité des lois d'exception, des tribunaux d'exception et des procès montés de toutes pièces.
"La justice est le fondement des sociétés organisées et l'iniquité est annonciatrice du déclin des civilisations" disait Abderrahmane Ibn Khaldoun.