Par Sofiene Ben Hamida
L’annonce et la signature de l’accord d’arbitrage entre le gouvernement et le gendre de l’ancien président, Slim Chiboub sous l’égide de l’IVD, a eu, outre sa dimension politique, une dimension historique et émotionnelle. Dans cette affaire, il y a certes des gagnants, mais des perdants aussi.
Plusieurs facteurs expliqueraient le retard pris dans le processus de la justice transitionnelle. Il aurait fallu réunir plusieurs circonstances pour que ce processus démarre enfin. Par chance ou simplement par de judicieuses manœuvres, Slim Chiboub en a été le premier bénéficiaire. Rappelons que la justice transitionnelle, processus réclamé par tous dès le début de la révolution, a été géré par la manière la plus politicienne qui puisse exister. On s’est même évertué à lui flanquer, contrairement à toutes les expériences connues, un ministère qui n’avait pour but en réalité que de servir les intérêts des ressortissants islamistes et accélérer leur indemnisation. Par la suite, la création de l’IVD a été tellement instrumentalisée que ses déboires actuels ne pouvaient qu’en être la conséquence inéluctable. Jusqu'à cette semaine, l’IVD était incapable de remplacer les membres démissionnaires, ni de régler définitivement la question de son vice président en fronde déclarée contre sa tonitruante présidente. C’est dans ce contexte que la signature de l’accord de conciliation entre le gouvernement et Slim Chiboub intervient pour satisfaire les intérêts et les desseins de plus d’un.
En premier lieu, les intérêts de l’IVD, qui a dépassé pratiquement la moitié de son mandat sans faire grand-chose à part accumuler les dossiers par milliers, les querelles internes de ses membres et les extravagances de sa présidente. Quoi de mieux alors pour redorer son blason et soigner son image écartelée dans l’opinion publique que de parrainer un accord avec un client aussi « mythique » et hyper médiatisé que le gendre de l’ancien président. En plus, cet accord fait de l’IVD, de facto, l’instance incontournable pour toute conciliation future. En ce sens, Slim Chiboub est un cadeau tombé du ciel, ou poussé dans les bras de Sihem Ben Sedrine pour lui permettre de rebondir et d’aplanir ses différends avec les pouvoirs publics.
Justement, ces pouvoirs publics avaient jusque là systématiquement refusé l’arbitrage de l’IVD pour accepter miraculeusement l’accord de conciliation avec Chiboub sous l’égide de cette même instance. Partant du fait qu’en politique il n’y a pas de hasard, mais uniquement des intérêts, il y a lieu de croire que ces pouvoirs publics trouvent largement leur compte dans cet accord qui permet de sécuriser les centaines d’actants économiques à l’intérieur ainsi que les influents partenaires à l’extérieur, dans la région du Golfe et ailleurs. Paradoxalement aussi, cet accord ouvre la voie, obstruée depuis des mois, devant l’initiative présidentielle de réconciliation économique.
La troisième partie gagnante de cet accord est Slim Chiboub. Voila quelqu’un qui a été durant une décennie, avec le propre frère de l’ancien président, un des piliers du système Ben Ali. Il a profité largement de sa proximité avec l’ancien président et contribué à la corruption qui a marqué son règne. Sa mise à l’écart au profit de la famille Trabelsi n’a été en réalité que le fruit d’un règlement de compte interne au sein du même clan mafieux, sans jamais être lâché complètement par son beau-père, ni inquiété sérieusement pour ses affaires. Aujourd’hui, si tout se passe bien, il sera le premier du clan Ben Ali à normaliser ses relations avec l’Etat et le pays, à « blanchir » son patrimoine et à réhabiliter une grande partie de son histoire personnelle. Pour cela, il lui a fallu d’énormes soutiens internes et internationaux, une grande capacité de manœuvre et une bonne dose de courage pour accepter de revenir au pays et accepter un séjour carcéral de 14 mois.
Ses adversaires au sein du clan, la seconde femme de l’ancien président et ses frères, et c’est là le match dans le match et la revanche personnelle de Chiboub sur les Trabelsi, ne peuvent pas se prévaloir d’autant de courage, ni d’autant d’intelligence politique. D’une manière indirecte, Slim Chiboub a fait d’eux les principaux perdants de son accord de conciliation avec l’Etat sous l’égide de l’IVD.
En second plan, les perdants dans cet accord sont à chercher du côté du parti islamiste dont le chef a cherché, pas plus tard que la semaine dernière, à faire de la justice transitionnelle une affaire de transaction entre la réconciliation économique et l’indemnisation des islamistes dans le cadre de l’amnistie générale. L’accord entre Slim Chiboub et l’Etat tunisien sous l’égide de l’IVD montre qu’il est possible de trouver des solutions sans satisfaire systématiquement, l’appétit toujours plus gourmand des alliés islamistes. C’est d’ailleurs ce qui a été signifié aux représentants d’Ennahdha lors de la dernière réunion du collectif des partis de l’alliance au pouvoir.



Commentaires (23)
CommenterUn pays de cirque; karakouz
le seul perdant
L'IVD veut prouver son existence vaille que ça vaille...
Ce qui rend triste c'est le fait de déclarer que la conciliation est avec l'Etat et même pas avec l'ivd...Donc l'ivd peut commettre n'importe qoui et nous dire que c'est l'Etat qui fait la conciliation et de n'importe quelle manière....
Si le dicton tunisien ironise en disant "pretes lui l'argent et joues avec" ou " sallfouu wa elaab maaeh" ce qu'on voit c'est plus génial on voit"voles le et illaab maaeh" ou "voles le...et joues avec" et voire même" voles le ...et envoies le yrahhez...." comme dix it Bajbouj
"les extravagances de sa présidente"
@Dahma. et les assassinats.?
@Slaheddine
Je suis de votre avis, l'essentiel pour nous est que ceux qui ont profité du système de Ben Ali acceptent le principe de restituer l'argent volé, même si nous savons que ce qui sera rendu sera loin du compte; Par ailleurs, il est important de trouver un arrangement officiel avec l'Etat afin de barrer la route à cette nouvelle mafia d'hommes politiques et d'avocats qui se sont spécialisés dans le racket et l'extorsion; Cette situation est vraiment délicate, mais entre les voleurs repentis de l'ancien régime et les terroristes non repentis actuels, mon choix est vite fait!
Très heureuse de vous lire de nouveau. . .
Réconciliation nationale ......a conditions
J'incite tous les tunisiens à accepter la réconciliation nationale pour tous ceux qui avant et surtout après la révolution ont profité de l'argent public, des trabelsi, ben Ali, bouchlaka, les Nahdhaouis , les barons de la contrebande etc'. (100 à 200 personnes)'. A conditions :
1- Payer toutes les dettes de l'Etat.
2- Fournir deux années successives de l'argent pour le budget de l'Etat.
3- Financer 2 ou 3 grands projets d'infrastructure (entre 5 et 10milliards de dinars) dans les régions défavorisées de l'intérieur du pays.
4- Ces sommes peuvent être regroupées après 3 ou 4 réunions avec les personnes jadis 'inculpées''''et puis 'BOUSS KHOUK et SMAH.
Ben Zakour A. Prof. Universitaire
Les coups bas mesquins et habituels de cette pauvre secte de nahdha qui a rassemblée entre proches et voisins à Londres .
@ Slaheddine ... principal ET intérèts.
puis, il doit demander pardon au peuple.
ensuite on verra s'il doit ou non passer sa vie en prison.
révolution ... hhhh
C'est quoi la différence entre les Trabelsi et Slim Chiboub ? Les tunisiens ont la mémoire courte !
Sans parler de la naïveté des supporteurs de l'EST qui a joué un rôle dans tout ça !
Mais bon un voleur reste toujours "voleur" même après avoir "payer sa dette".
ça me choque même pas si BN censure mon commentaire.