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Tunisie - Djerba la douce n'est plus
02/10/2014 | 1
min
Tunisie - Djerba la douce n'est plus
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Paradoxalement, l’île qui a accueilli le grand événement artistique de Djerbahood se transforme ces derniers temps en un dépotoir grandeur nature. Cette destination touristique où il faisait bon vivre est devenue à cause des montagnes d’ordures qui surplombent son sol un endroit repoussant. Pendant que la situation s’aggrave de jour en jour, le gouvernement et les citoyens se lancent les accusations.

Depuis quelques semaines le groupe d’artistes Itinérance, rassemblant 150 peintres de 30 nationalités différentes, avait atterri à Djerba. Munis de pinceaux et de rouleaux à peinture, les membres du collectif étaient dotés d’une imagination débordante mais également d’une réelle volonté de donner une touche artistique à l’architecture de l’île. Leur mission était de transformer le village d’Erriadh, communément connu sous le nom de la Hara (NDLR : quartier juif), en un musée à ciel ouvert. De magnifiques trompe-l’œil ont été dessinés sur les murs du quartier et les façades, auparavant blanches, ont été ravivées de couleurs et animées par d’impressionnantes fresques en 3D. Le village assimilé, par le passé, à un dortoir, devient aujourd’hui un superbe lieu à visiter.
Cependant, au même moment où des étrangers viennent de très loin pour prendre soin d’un quartier qui n’est pas le leur, l’île de Djerba croule, à cause de l’incapacité des autorités, sous les ordures. Une situation désolante.

Face à cette situation, de nombreux cris ont été poussés par les habitants, mais pas seulement, pour exprimer leur ras-le-bol. Il y a deux mois de cela, une touriste italienne s'est enchainée à un poteau de signalisation pour s'indigner contre l’insalubrité des rues dans l’île. Quelques semaines plus tard, c’est la population locale de Djerba qui exprime son ras-le-bol. La société civile dans l’île était la première à agir à travers des manifestations. Pour attirer l’attention du gouvernement sur la crise environnementale, les habitants de Houmet Souk ont choisi de faire entendre leur voix en défilant dans les rues avec des pancartes et des banderoles demandant de mettre fin à une situation devenue invivable et présentant un sacré danger sanitaire. « Nous sommes arrivés aujourd’hui à un stade où l’île est menacée d’épidémies et de choléra » dit-on. Mais, décidément, le gouvernement continue à faire la sourde oreille, c’est du moins ce qu’affirme un grand nombre de Djerbiens, exaspérés par la crise qui a fait long feu. Désespérés de l’utilité des méthodes pacifiques, certains citoyens avaient usé de violence pour tenter de contraindre les autorités à se plier, en urgence, à leurs revendications. Ainsi, ils ont bloqué la route menant à l’aéroport avec des pneus brûlés. Un coup douloureux pour le tourisme tunisien.
Le problème n’étant pas résolu, la vague de protestation s'est intensifiée. Après les manifestations et les routes barrées, les contestations montent encore d’un cran. Le bureau local de l’UTICA à Houmet Souk organise le 25 septembre 2014 une grève générale. Les commerçants et les hôteliers, gravement lésés par les ordures et les odeurs incommodantes qu’elles génèrent, ont décidé d’interrompre leur activité sans même obtenir l’aval du comité central de l’organisation patronale. Celle-ci, après coup, s’est désolidarisée de la grève. N’ayant plus la moindre confiance dans les promesses gouvernementales, le secrétaire local de l’UTICA de Houmet Souk,Chokri Bargou, ne voit pas d’autres issues sauf continuer à exercer toute sorte de pressions. « Le gouvernement n’a pas tenu ses promesses de nettoyer la ville en trois jours. Il nous mène en bateau » s’est-il exprimé.
La majorité des professionnels ainsi que nombre de citoyens s’accordent à imputer la responsabilité de cette dégradation au gouvernement qui, par son incompétence, n’a pas su prendre les choses en main.  Face à ces accusations, le gouvernement se défend en renvoyant la balle à d’autres parties.
Pour étaler le dossier au grand jour, le ministre de l’Equipement, Hédi Arbi, est revenu en détail sur la question « En termes simples, le problème réside dans le refus de chacun de déposer les déchets d’autrui devant chez soi. Chaque fois où l’on essaie de déplacer les déchets en dehors de l’île, on est affronté à de vives contestations » dit-il lors de son passage sur Express Fm aujourd’hui 2 octobre.
En dehors de cette problématique, la question s’avère être plus compliquée. Le ministre pointe du doigt, dans son interview, une instrumentalisation politique du dossier et accuse certaines parties de jouer un rôle malsain et entravant. « Il nous était possible de convaincre les habitants d’une région à Medenine de recevoir les déchets en provenance de Djerba. Mais, on leur a fait changer d’avis et ils ont fini par  refuser» lâche-t-il.
Le ministre essaie d’expliquer que la solution ne dépend pas du bon vouloir du gouvernement. Il déclare que ce dernier est prêt à dépêcher tous moyens techniques, financiers et juridiques pour débarrasser les Djerbiens de ces ordures qui leur pèsent lourd. « J’ai même donné mon accord de payer les frais du transport des déchets par le bac malgré les coûts surélevés de l’opération » ajoute-il. Pour mettre un terme à cette souffrance, M. Arbi compte sur le soutien de la société civile pour contourner les tiraillements politiques qui ont rigoureusement nuit à l’état environnemental dans l’île et contribué à son délabrement.

Au vu des déclarations fortement contradictoires, il est difficile de statuer sur les responsabilités des différents protagonistes et de déterminer avec justesse les raisons ayant conduit à une telle situation. Cependant, il est indéniable qu’une catastrophe environnementale, sanitaire et économique pointe dans l’horizon, si la crise n’est pas rapidement endiguée.
02/10/2014 | 1
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