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Fa bi haythou*, yahya Bourguiba !
06/04/2014 | 1
min
Fa bi haythou*, yahya Bourguiba !
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Quatorze ans que Habib Bourguiba est décédé. Le 6 avril 2000, le "combattant suprême" a été enterré à Monastir. Son héritage et son action ont fait l'objet de dizaines de livres et d'études. Entre ceux qui le mettent sur un piédestal intouchable et ceux qui le vouent aux gémonies, Habib Bourguiba ne laisse pas indifférent même vingt sept ans après avoir été débarqué du pouvoir.

Habib Bourguiba a fait partie de ceux qui ont contribué grandement à la libération du pays du joug colonial. Il a libéré le pays et ceci lui a conféré un sentiment paternaliste qui n'a fait que s'accentuer durant des années. Pendant des décennies, Habib Bourguiba a agi comme si la Tunisie lui appartenait et comme si tous ses habitants étaient ses enfants.

Mohamed Mehdi Hattab est l'auteur d'un livre sur ce qu'il a vu de Bourguiba. Il l'a côtoyé pendant une douzaine d'années en tant que journaliste de la TAP affecté au palais présidentiel. De cette expérience, il ressort que Habib Bourguiba s'est comporté avec le pays comme un vrai père de famille. Plusieurs connaisseurs s'accordent à dire que c'est là l'une des raisons qui expliquent que Bourguiba n'avait pas éprouvé le besoin d'avoir des possessions matérielles. Il est parti de la présidence en étant pauvre et est décédé sans rien posséder.

Toutefois, Habib Bourguiba est parti en laissant un pays ancré dans la modernité car sa présidence a été l'occasion d'entreprendre et de mettre en place une batterie de politiques et de mesures qui ont fait sortir la Tunisie de la misère et de l'arriération.

Les travaux concernant Bourguiba ont révélé que ce dernier n'avait que peu d'estime pour la démocratie. De par sa formation et son parcours, Bourguiba adhère à l'idéal que représente la démocratie mais il avait, en même temps, la conscience qu'atteindre cet idéal nécessite du temps et des sacrifices.

C'est pour cela que Bourguiba était ce qu'on appelle un despote éclairé. Il avait une idée très claire de ce qu'il allait entreprendre pour la Tunisie avec la ferme conviction que personne d'autre ne connaît les besoins de la Tunisie mieux que lui. Evidemment, cette conviction ne fût pas de tout repos pour son entourage et pour les personnes qui ont travaillé avec lui. Relégués au rang d'exécutants, ses collaborateurs se sont échinés durant des années à mettre en application les grandes directions tracées par le président Bourguiba.

Habib Bourguiba n'avait que du mépris pour la démocratie en tant qu'étendard sorti à toutes les occasions. Mohamed Mehdi Hattab rapporte une anecdote à ce propos. Au palais présidentiel, l'ambassadeur du Yémen "démocratique" a prononcé le nom de son pays au cours d'une cérémonie. Habib Bourguiba avait hoché la tête d'une façon moqueuse en disant : "très démocratique!". Cette réaction du président avait failli provoquer un incident diplomatique entre les deux pays.

Par ailleurs, du temps de Bourguiba, la Tunisie n'était pas arrivée à un stade de progression qui lui aurait permis de fonder une vie politique pluraliste et "démocratique". C'est au moins ce que pensait Bourguiba durant sa présidence. Il n'avait de cesse de répéter que le vote d'un ignorant et celui de quelqu'un qui a faim ne servaient à rien et ne représentaient pas la volonté de ces personnes.

Quand il s'agit d'évaluer ou d'exprimer un jugement sur l'œuvre bourguibienne, la passion l'emporte souvent sur la raison. A l'heure où de vielles peurs sont exacerbées concernant le caractère civil de l'Etat ou les droits de la femme, l'héritage bourguibien est brandi comme un élément identitaire. L'œuvre bourguibienne a dépassé sa dimension historique ou politique et est devenue partie intégrante de la Tunisie.

Quant aux pourfendeurs du bourguibisme, ils n'évaluent pas de manière objective l'héritage bourguibien. Ils mettent en avant l'arrangement avec la France, les événements de Bizerte etc. Le conflit avec Salah Ben Youssef est souvent remis sur le tapis pour attaquer Bourguiba.

Pourtant, l'Histoire a souvent donné raison à Bourguiba. Son choix de tourner le dos à l'Allemagne et à l'Italie durant la deuxième guerre mondiale s'est révélé d'une grande pertinence. Son désaccord fondamental avec Jamal Abdennaser, le grand leader égyptien, à propos du panarabisme et de l'union arabe a été confirmé par les rares expériences tentées dans ce sens. Son légendaire discours du palmarium en présence de Mouammar Gadhafi représente, aujourd'hui encore, une leçon.

L'héritage de Bourguiba doit être mesuré à l'aune du progrès réalisé par la Tunisie durant sa présidence. Quatorze ans après sa mort, Habib Bourguiba reste présent dans les esprits et sur la scène politique tunisienne. Plusieurs partis se réclament, jusqu'à aujourd'hui, de son héritage et prétendent poursuivre sa pensée et son œuvre.

Habib Bourguiba a été l'un des bâtisseurs de la Tunisie moderne. Un pays qu'il a façonné à l'image de la formation qu'il a eue. Sans conteste, La Tunisie doit beaucoup à Bourguiba. Aujourd'hui, une connaissance accrue de notre histoire et de l'héritage bourguibien permettra aux citoyens de faire la différence entre la quinzaine de partis bourguibiens et destouriens. Bourguiba reste décidément un acteur majeur de la politique tunisienne, même d'outre-tombe.

Marouen Achouri

* Fa bi haythou: Locution souvent utilisée par Habib Bourguiba.
06/04/2014 | 1
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