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Loi de finances 2014, l'équation à deux inconnues?

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L'actualité politique du pays est certes brûlante, une crise à l'ANC avec la suspension par le bloc d'Ettakatol de ses activités à la Constituante et le gel de l'activité des élus de l'opposition et une paralysie du dialogue national. Mais, la question économique reste vitale pour tous les citoyens, hommes politiques, chefs d'entreprises, employés et consommateurs. Ainsi, soucieuse de booster l'économie agonisante et de remédier aux grandes difficultés économiques, financières et bancaires, l'opinion publique se montre plus qu'intéressée par la loi de finances 2014, récemment dévoilée officiellement, espérant y trouver des issues à la crise économique et sociale et y percevant un facteur clé de l'économie nationale.
Cependant, plusieurs voix se sont levées pour critiquer ce projet de loi de finances non encore approuvée par l'ANC. En dépit de l'effort fourni et hormis certaines mesures jugées adéquates, raisonnables et même courageuses, les critiques ont dénoncé plusieurs lacunes, incohérences, voire même des dispositions précipitées et irréfléchies et qui mériteraient d'être amendées et rectifiées.
Ce projet de loi de finances a été, ces derniers jours, au cœur de plusieurs manifestations et débats, dont notamment la conférence organisée le 6 novembre 2013 à Tunis par la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (Conect). A cette conférence, ont été conviés, entre autres, le ministre des Finances Elyes Fakhfakh, le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, Chedly Ayari, le président de l'Ordre des Experts Comptables de Tunisie (OECT), Nabil Abdellatif, la directrice générale des études de la législation fiscale Habiba Louati, ainsi que plusieurs conseillers fiscaux, experts comptables et universitaires.
Après un bref aperçu sur les grandes lignes de ce projet de loi de finances, présenté par le ministre des M. Fakhfakh, le gouverneur de la BCT, a pris la parole pour défendre "le travail colossal accompli par l'équipe ministérielle qui a élaboré cette loi de finances ainsi que le projet de budget". "C'est un miracle d'être parvenu à les préparer dans de telles circonstances". "Le gouvernement transitionnel, qui, de surcroit, est démissionnaire ! Un exploit à inscrire dans le Guiness Book!", a-t-il soutenu, ajoutant: "En dépit de la conjoncture extrêmement difficile, la résilience de la Tunisie est là et nous maintient encore!".
M. Ayari estime que la loi de finances devait faire face à plusieurs défis, et estime qu'elle y répond bien. Il a cité sur le plan macroéconomique "le gigantisme" ou "la dérive" budgétaire qui nécessite une réduction immédiate et conséquente du budget, d'où les mesures qui visent à minimiser les dépenses et à augmenter les recettes de l'Etat. Autre défi, celui du renforcement du soutien individuel et physique du citoyen auquel correspondent les mesures à caractère social. M. Ayari estime que cette loi répond au défi de la transparence, avec notamment les mesures qui incitent au recours aux opérations bancaires et qui visent à bannir les transactions en espèces...
Tarak Cherif, président de la Conect, de son côté a, de suite, annoncé la couleur. Il a exprimé "la surprise de nombreuses personnes de voir certaines mesures faire partie de cette loi de finances alors qu'elles devraient figurer dans le projet de la réforme du code fiscal".
Il a admis que la situation très difficile à laquelle ont contribué plusieurs facteurs endogènes et exogènes, les déséquilibres économiques et les pressions sur le budget, ont conduit à des mesures hâtives, à effet immédiat telles que la hausse partielle des prix du carburant, la révision de la compensation et les nouvelles impositions, notamment sur les sociétés off-shore, sur les dividendes…
M. Cherif estime cependant que ces mesures ne peuvent que "compliquer le système fiscal, augmenter la pression sur les entreprises et institutions régulièrement constituées, et pousser ainsi à la fraude fiscale et l'orientation vers le secteur informel". Il a ajouté: "En outre, le fait d'instaurer de nouvelles taxes sur les sociétés totalement exportatrices est susceptible d'engendrer une plus grande réticence chez les investisseurs locaux et étrangers".
En observant les différentes réactions, commentaires et analyses des experts et des acteurs de l'économie, des finances et de la fiscalité, l'étude de cette loi de finances fait ressortir certains points qui créent polémique. Bien que les avis divergent sur certains détails, plusieurs critiques convergent à reprocher par exemple la décision d'intégrer la nouvelle imposition au taux de 10% des sociétés totalement exportatrices, qui étaient jusque-là exonérées de toutes taxes. Bien que la décision remonte à plusieurs années auparavant avec l'ancien régime de Ben Ali, cette imposition tardait à être activée. Et voilà que dans son article 27 de ce projet de loi de finances 2014, il a enfin été explicitement décidé l'entrée en vigueur de cette mesure. La question qui se pose alors: le moment est-il opportun? Le pays vit une crise des plus aigües de son histoire et l'économie a plus que jamais besoin d'investissements étrangers et c'est à ce moment précis qu'on décide d'imposer une taxe de 10% à ces investisseurs étrangers?
Par ailleurs, des reproches ont été faits à cette loi de finances en ce qui concerne cette nouvelle taxe créée sur les voitures, même celles dites "populaires". Le citoyen doit donc débourser, outre l'imposition classique appelée "vignette", un montant variant entre 50 et 700 dinars, variable selon le nombre des chevaux fiscaux des véhicules. Cette nouvelle taxe est censée contribuer à la caisse de compensation des carburants. Or cette taxe aurait été mieux perçue si elle concernait uniquement les voitures de luxe, mais le fait de la généraliser et de toucher par conséquent toutes les catégories sociales, ne fait qu'alourdir les charges de la classe moyenne.
Sur le plan foncier, la loi de finances 2014, dans son article 28, prévoit la création d'une nouvelle taxe sur les biens immobiliers, appelée "taxe foncière". L'objectif de cette mesure est de "réduire le coût de la compensation des combustibles et de fournir des ressources supplémentaires au profit de la Caisse générale de compensation". Mais la question qui se pose est : "Comment parviendra-t-on à recenser les biens de chacun, d'en repérer les secondaires, de les évaluer et enfin de calculer la taxe correspondante à chaque cas? Ceci demanderait une logistique géante et une longue et minutieuse mise à jour des registres fonciers, surtout que bon nombre de citoyens ne déclarent jamais leurs biens aux autorités. Est-ce une mesure réaliste et réalisable?
En outre, en ce qui concerne les mesures relatives à "la confortation de la transparence, de la compétitivité loyale et de la lutte contre la fraude fiscale", il est stipulé que plusieurs mesures qui visent à décourager les paiements des transactions commerciales à fortes sommes, en espèces, ont été introduites. Ainsi, il est prévu d'instaurer une nouvelle amende équivalente à 20% du montant de toute transaction égale ou supérieure à 20.000 dinars, faite en espèces. Or, nul ne peut nier que les personnes "interdites de chéquiers" sont très nombreuses, notamment avec les difficultés économiques de plusieurs PME. Alors que faire dans ce cas? comment seront conclues leurs transactions? D'un autre côté, les acteurs économiques ont d'énormes soucis de recouvrement, alors comment peut-on les sanctionner quand ils acceptent d'être payés en espèces?!
Pour conclure, ce projet de loi de finances présente certains points qui mériteraient d'être revus et éventuellement amendés, mais il ne faut pas nier non plus qu'il comporte plusieurs mesures audacieuses et innovantes. A citer, l'exonération des activités culturelles de la TVA, ce qui donnera certainement du punch à nos artistes et professionnels du spectacle, les mesures et incitations fiscales en faveur de la protection de l'environnement, la limitation des charges sur le papier pour la presse écrite …
Cependant, plusieurs voix se sont levées pour critiquer ce projet de loi de finances non encore approuvée par l'ANC. En dépit de l'effort fourni et hormis certaines mesures jugées adéquates, raisonnables et même courageuses, les critiques ont dénoncé plusieurs lacunes, incohérences, voire même des dispositions précipitées et irréfléchies et qui mériteraient d'être amendées et rectifiées.
Ce projet de loi de finances a été, ces derniers jours, au cœur de plusieurs manifestations et débats, dont notamment la conférence organisée le 6 novembre 2013 à Tunis par la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (Conect). A cette conférence, ont été conviés, entre autres, le ministre des Finances Elyes Fakhfakh, le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, Chedly Ayari, le président de l'Ordre des Experts Comptables de Tunisie (OECT), Nabil Abdellatif, la directrice générale des études de la législation fiscale Habiba Louati, ainsi que plusieurs conseillers fiscaux, experts comptables et universitaires.
Après un bref aperçu sur les grandes lignes de ce projet de loi de finances, présenté par le ministre des M. Fakhfakh, le gouverneur de la BCT, a pris la parole pour défendre "le travail colossal accompli par l'équipe ministérielle qui a élaboré cette loi de finances ainsi que le projet de budget". "C'est un miracle d'être parvenu à les préparer dans de telles circonstances". "Le gouvernement transitionnel, qui, de surcroit, est démissionnaire ! Un exploit à inscrire dans le Guiness Book!", a-t-il soutenu, ajoutant: "En dépit de la conjoncture extrêmement difficile, la résilience de la Tunisie est là et nous maintient encore!".
M. Ayari estime que la loi de finances devait faire face à plusieurs défis, et estime qu'elle y répond bien. Il a cité sur le plan macroéconomique "le gigantisme" ou "la dérive" budgétaire qui nécessite une réduction immédiate et conséquente du budget, d'où les mesures qui visent à minimiser les dépenses et à augmenter les recettes de l'Etat. Autre défi, celui du renforcement du soutien individuel et physique du citoyen auquel correspondent les mesures à caractère social. M. Ayari estime que cette loi répond au défi de la transparence, avec notamment les mesures qui incitent au recours aux opérations bancaires et qui visent à bannir les transactions en espèces...
Tarak Cherif, président de la Conect, de son côté a, de suite, annoncé la couleur. Il a exprimé "la surprise de nombreuses personnes de voir certaines mesures faire partie de cette loi de finances alors qu'elles devraient figurer dans le projet de la réforme du code fiscal".
Il a admis que la situation très difficile à laquelle ont contribué plusieurs facteurs endogènes et exogènes, les déséquilibres économiques et les pressions sur le budget, ont conduit à des mesures hâtives, à effet immédiat telles que la hausse partielle des prix du carburant, la révision de la compensation et les nouvelles impositions, notamment sur les sociétés off-shore, sur les dividendes…
M. Cherif estime cependant que ces mesures ne peuvent que "compliquer le système fiscal, augmenter la pression sur les entreprises et institutions régulièrement constituées, et pousser ainsi à la fraude fiscale et l'orientation vers le secteur informel". Il a ajouté: "En outre, le fait d'instaurer de nouvelles taxes sur les sociétés totalement exportatrices est susceptible d'engendrer une plus grande réticence chez les investisseurs locaux et étrangers".
En observant les différentes réactions, commentaires et analyses des experts et des acteurs de l'économie, des finances et de la fiscalité, l'étude de cette loi de finances fait ressortir certains points qui créent polémique. Bien que les avis divergent sur certains détails, plusieurs critiques convergent à reprocher par exemple la décision d'intégrer la nouvelle imposition au taux de 10% des sociétés totalement exportatrices, qui étaient jusque-là exonérées de toutes taxes. Bien que la décision remonte à plusieurs années auparavant avec l'ancien régime de Ben Ali, cette imposition tardait à être activée. Et voilà que dans son article 27 de ce projet de loi de finances 2014, il a enfin été explicitement décidé l'entrée en vigueur de cette mesure. La question qui se pose alors: le moment est-il opportun? Le pays vit une crise des plus aigües de son histoire et l'économie a plus que jamais besoin d'investissements étrangers et c'est à ce moment précis qu'on décide d'imposer une taxe de 10% à ces investisseurs étrangers?
Par ailleurs, des reproches ont été faits à cette loi de finances en ce qui concerne cette nouvelle taxe créée sur les voitures, même celles dites "populaires". Le citoyen doit donc débourser, outre l'imposition classique appelée "vignette", un montant variant entre 50 et 700 dinars, variable selon le nombre des chevaux fiscaux des véhicules. Cette nouvelle taxe est censée contribuer à la caisse de compensation des carburants. Or cette taxe aurait été mieux perçue si elle concernait uniquement les voitures de luxe, mais le fait de la généraliser et de toucher par conséquent toutes les catégories sociales, ne fait qu'alourdir les charges de la classe moyenne.
Sur le plan foncier, la loi de finances 2014, dans son article 28, prévoit la création d'une nouvelle taxe sur les biens immobiliers, appelée "taxe foncière". L'objectif de cette mesure est de "réduire le coût de la compensation des combustibles et de fournir des ressources supplémentaires au profit de la Caisse générale de compensation". Mais la question qui se pose est : "Comment parviendra-t-on à recenser les biens de chacun, d'en repérer les secondaires, de les évaluer et enfin de calculer la taxe correspondante à chaque cas? Ceci demanderait une logistique géante et une longue et minutieuse mise à jour des registres fonciers, surtout que bon nombre de citoyens ne déclarent jamais leurs biens aux autorités. Est-ce une mesure réaliste et réalisable?
En outre, en ce qui concerne les mesures relatives à "la confortation de la transparence, de la compétitivité loyale et de la lutte contre la fraude fiscale", il est stipulé que plusieurs mesures qui visent à décourager les paiements des transactions commerciales à fortes sommes, en espèces, ont été introduites. Ainsi, il est prévu d'instaurer une nouvelle amende équivalente à 20% du montant de toute transaction égale ou supérieure à 20.000 dinars, faite en espèces. Or, nul ne peut nier que les personnes "interdites de chéquiers" sont très nombreuses, notamment avec les difficultés économiques de plusieurs PME. Alors que faire dans ce cas? comment seront conclues leurs transactions? D'un autre côté, les acteurs économiques ont d'énormes soucis de recouvrement, alors comment peut-on les sanctionner quand ils acceptent d'être payés en espèces?!
Pour conclure, ce projet de loi de finances présente certains points qui mériteraient d'être revus et éventuellement amendés, mais il ne faut pas nier non plus qu'il comporte plusieurs mesures audacieuses et innovantes. A citer, l'exonération des activités culturelles de la TVA, ce qui donnera certainement du punch à nos artistes et professionnels du spectacle, les mesures et incitations fiscales en faveur de la protection de l'environnement, la limitation des charges sur le papier pour la presse écrite …
Dorra Megdiche Meziou
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