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La visite polémique du président tunisien aux Etats-Unis
26/09/2013 | 1
min
La visite polémique du président tunisien aux Etats-Unis
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Alors que la Tunisie se débat dans une crise politique sans précédent, le président Moncef Marzouki est parti aux Etats-Unis pour assister aux travaux de la 68ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le président de la République a, encore une fois, fait preuve d’originalité dans ses différents actes et interventions. A la diplomatie tunisienne de payer les pots cassés…


Le président de la République tunisienne, Moncef Marzouki, n’est pas un habitué des us et coutumes diplomatiques et des protocoles. N’ayant aucune expérience dans ce domaine, Moncef Marzouki s’est exposé au feu des critiques, en réaction à sa visite aux Etats-Unis. Notons, cependant, que la situation de crise politique en Tunisie marquée par le bras de fer engagé entre le quartette et la Troïka a occulté, médiatiquement, cette visite. Mais ceci n’empêche qu’elle est digne d’intérêt.

Le président de la République a profité de sa visite pour donner quelques interviews à des agences de presse, après celle qu’il avait accordée à l’humoriste Raouf Ben Yaghlane. Dans une interview accordée à l’Associated Press, Moncef Marzouki a réitéré une proposition à laquelle il semble tenir : offrir l’asile politique au président syrien Bachar Al-Assad. "Si nous pouvons éviter d'autres massacres, éviter que des milliers de Syriens meurent, pourquoi pas? " a-t-il argumenté. Par cette proposition, le président de la République tunisienne tente de se poser en médiateur et en « apporteur de solutions », un rôle qu’il semble vouloir jouer à tout prix puisqu’il avait également proposé sa médiation dans la crise égyptienne.
Toutefois, Moncef Marzouki ne semble pas mesurer la complexité du conflit syrien en croyant que le simple fait de permettre à Bachar El-Assad de quitter son pays, cela mettrait fin à la guerre. Par ailleurs, on peut s’interroger sur les répercussions diplomatiques, politiques et sociales de l’octroi d’asile au président syrien.
Moncef Marzouki a-t-il dispose t-il de réponses adéquates à ces questions avant de faire une telle démarche ? Est-ce que cette proposition a été soumise à l’accord préalable du gouvernement tunisien ou s’agit-il d’une initiative spontanée ? En attendant d’hypothétiques réponses, rappelons que le président Marzouki avait perdu la face dans l’affaire de Baghdadi Mahmoudi. En effet, le président de la République avait échoué à empêcher l’extradition de l’ancien Premier ministre libyen alors qu’il se trouvait sur le sol tunisien. Pire, l’extradition s’est effectuée sans que Moncef Marzouki ne soit ni consulté, ni informé…

Moncef Marzouki a, également, livré sa vision quant à l’emprisonnement de Jabeur Mejri au cours d’une intervention devant le Conseil des Relations étrangères américain, et ce en guise de réponse à une question de Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch. Le président Moncef Marzouki s’est dit « choqué » par l’emprisonnement de Jabeur Mejri pour sept ans à cause de caricatures jugées offensantes pour l’Islam. L’état de choc du président semble s’installer dans la durée puisque Jabeur Mejri a été condamné le 25 juin 2012…
Toutefois, cet état de choc n’empêche pas Moncef Marzouki, ancien défenseur des Droits de l’Homme, de trouver une justification à cet emprisonnement. Selon le président, la société tunisienne étant conservatrice, il est important de choisir « le bon moment » pour gracier Jabeur Mejri. Il va plus loin en affirmant que le maintien en détention de Jabeur Mejri est en fait nécessaire à la sécurité du prisonnier en ce sens que s’il est libéré, des groupes salafistes violents pourraient s’attaquer à lui. Tant d’approximations en si peu de mots. Selon cette logique, il faudrait emprisonner toutes les personnes qui seraient sous la menace de ces groupes salafistes dont parle le président. Relevons, également, l’agilité intellectuelle dont fait preuve le président de la République pour passer du « choc » à la justification.

Last but not least, la page officielle de la présidence de la République a rendu public un communiqué en date du 23 septembre pour exposer le contenu et les résultats d’une réunion entre Moncef Marzouki et Barack Obama, le président américain. En réalité, le président américain a discuté avec le président tunisien debout, quelques minutes avant que ne commence une réunion plus large à laquelle ont participé 36 chefs d’Etat et de gouvernement de différents pays.
Par ailleurs, l’agenda du président américain ne contient aucune trace d’une quelconque réunion particulière avec le président Moncef Marzouki. Au vu de ces faits, on est bien tenté de penser que la cellule de communication du président a essayé de faire passer une rencontre fortuite pour une réunion au sommet entre le président tunisien et son homologue américain.

La visite du président tunisien aux Etats-Unis n’a pas été que négative. Il a rencontré des représentants de grandes firmes américaines et des hommes d’affaires tunisiens installés aux Etats-Unis pour explorer, en leur compagnie, les possibilités d’investissement en Tunisie et a tenté de les rassurer quant à la sécurité des éventuels projets qu’ils pourraient mettre en place. Vu la note souveraine tunisienne et la situation sécuritaire actuelle en Tunisie en plus de la diminution des investissements extérieurs, il y a bien peu de chances que des hommes d’affaires américains se lancent dans une aventure en Tunisie. Toutefois, le président aura au moins eu le mérite de tenter, d’essayer collant ainsi avec l’une de ses missions fondamentales, se faire le VRP (Voyageur représentant placier) de son pays.

Le président de la République tunisienne a multiplié, aussi, les rencontres bilatérales avec plusieurs de ses homologues. Nous retiendrons la rencontre avec le président gabonais Ali Ben Bongo Ondimba qui s’inscrit dans la nouvelle tournure vers l’Afrique que prend la politique étrangère tunisienne. Toutefois, le président de la République devrait savoir qu’il suffit d’un seul couac ou d’une seule bourde pour décrédibiliser une visite à un niveau aussi élevé. L’une des maigres prérogatives du président de la République est la gestion de la politique extérieure de la Tunisie. Plusieurs anciens diplomates et experts en politique étrangère jugent celle de la Tunisie comme dispersée et hésitante. Cette dernière visite aux Etats-Unis n’infirmera vraisemblablement pas ce constat.

Marouen Achouri
26/09/2013 | 1
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