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Malgré la démission de Khaskhoussi, l'ANC demeure une forteresse autiste

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La démission spectaculaire d’Ahmed Khaskhoussi, annoncée en pleine séance plénière le 15 juillet, a eu le mérite de confronter les élus et l’opinion publique à la question épineuse de l’évaluation du travail de l’ANC et de son éventuelle dissolution. La diversité des réactions à cette démission exprime, à elle seule, le malaise qu’elle provoque au sein de la classe politique tunisienne.
La démission d’Ahmed Khaskhoussi de l’Assemblée nationale constituante est motivée principalement par la dernière mouture du projet de Constitution. Le projet d’un parti, selon lui, et non celui d’une nation. Il a également évoqué les falsifications pures et simples, de la Constitution car le projet n’est pas conforme aux travaux des commissions parlementaires.
Par ailleurs, Ahmed Khaskhoussi a évoqué le comportement, qu’il qualifie d’injuste, du président de l’Assemblée qui a été partial tout au long de sa présidence. Il a également parlé des dispositions transitoires, rédigées par les seuls soins d’Habib Khedher, qui vont asseoir une nouvelle dictature selon lui. Ce sont des problématiques, connues de tous, qui ont poussé Ahmed Khaskhoussi à démissionner de ses fonctions d’élu. Notons qu’il sera remplacé par sa suppléante sur la liste dont il est issu et qu’il aurait assuré, en aparté, que celle-ci serait d’une grande aide pour l’opposition.
Cette démission a donc ébranlé le paysage politique tunisien qui s’est senti obligé de réagir. Les réactions ont varié entre ceux qui respectent cette décision et la comprennent et ceux qui condamnent cette démission et qui n’hésitent pas à utiliser des termes comme « trahison » et « désertion » comme il est écrit dans le billet d’Aziz Krichen. Dans une tribune publiée sur Business News, l’élu Salim Ben Abdessalem dit respecter la décision de son collègue et se pose la question suivante : « Et si la dissolution de l’ANC devenait réalité ? ». Au-delà des réactions des élus à la démission d’Ahmed Khaskhoussi, force est de constater que la question posée par Salim Ben Abdessalem est la réelle interrogation posée par cette démission.
Entre l’absence de légitimité depuis le 23 octobre 2012, la perte de tout crédit vis-à-vis de l’opinion publique et les lourdes accusations de falsification, il est clair que l’Assemblée nationale constituante pâtit d’une image catastrophique qui fait poser des questions sur son utilité. S’inspirant des récents événements en Egypte, plusieurs partis et mouvements populaires ont appelé à la dissolution de l’ANC et de toutes les institutions qui en découlent. Une revendication pour le moins irréaliste quand on sait que certains de ces partis ont des élus au sein de la même assemblée dont ils réclament la dissolution. On notera, à ce propos, la déclaration faite par Mongi Rahoui le 16 juillet qui menace de démissionner de l’ANC…
Ces suppositions donnent naissance à l’hypothèse d’une démission massive des élus de l’opposition afin de provoquer la dissolution de l’ANC. Dans le cadre de cette hypothèse, une autre interrogation s’impose : Dans quelle mesure la politique de la chaise vide pourrait servir les intérêts de l’opposition ? Comme le fait justement remarquer Salim Ben Abdessalem, cette politique a déjà été tentée par l’opposition qui avait, pendant un temps, boycotté les travaux de l’assemblée. Ceci n’a pas empêché le reste des élus de poursuivre leurs travaux, à une vitesse exceptionnelle cette fois.
Par ailleurs, l’hypothèse d’une démission collective des élus de l’opposition semble irréaliste tant leurs divergences sont substantielles. A l’heure où certains partis de l’opposition condamnaient vigoureusement le projet de Constitution, d’autres, du même camp, clamaient qu’il fallait accepter ce projet avec ses défauts et faire valoir les avancées réalisées. Les tergiversations de l’opposition et leur volonté de surfer, chacun à sa manière, sur la vague égyptienne ne leur permettront pas d’entreprendre une action collective et ordonnée de la gravité de celle d’une démission collective.
Une démission collective de l’Assemblée nécessite également une décision politique qui interdira à tous les suppléants d’accepter à occuper les postes des démissionnaires, une contrainte supplémentaire dans un choix dont les résultats sont incertains.
L’opposition tunisienne gagnerait à se recentrer sur l’objectif premier de cette Assemblée et œuvrer à rédiger une Constitution démocratique. Elle est également appelée à faire toute la lumière sur les accusations proférées par plusieurs de ses représentants à Habib Khedher. S’il est avéré que les travaux des commissions parlementaires ont été falsifiés, des poursuites judiciaires à l’encontre des responsables devront être lancées.
Il est également de la première importance de se pencher sérieusement sur le chapitre des dispositions transitoires qui met sur la touche une institution comme la cour constitutionnelle pendant trois ans, entre autres aberrations. L’opposition tunisienne se retrouve aujourd’hui au piège d’un jeu auquel elle aura participé, bien malgré elle. Les pleurs d’indignation devant les caméras, les harangues enflammées devant les foules, les accusations lancées contre d’autres élus ne servent qu’à créer une visibilité médiatique. Pendant ce temps là, la Constitution tunisienne est en projet, en progression selon certains.
Entre la « meilleure constitution du monde » et « la constitution des khwanjeya (islamistes) », l’opinion publique est perdue et se désintéresse petit à petit de la chose publique. Seule certitude, le combat fait rage dans les arcanes de l’Assemblée constituante et la Constitution sera le résultat de ce combat.
La démission de l’élu Ahmed Khaskhoussi a poussé l’opposition à faire face à ses antagonismes et à ses contradictions. Elle aura également permis de réfléchir aux moyens concrets avec lesquels cette opposition pourrait influer sur le cours des choses. L’étape du vote aux deux tiers lors des discussions sur la Constitution sera certainement décisive dans l’établissement, tant attendu, de la Constitution tunisienne.
Le ras le bol généralisé dû à l’allongement de cette période transitoire est à la fois une motivation et une menace pour cette Assemblée qui multiplie les erreurs et les bourdes. Les revendications de dissolution de l’ANC ne sont pas à prendre à la légère. Même si cela n’arrivera vraisemblablement pas, les élus de l’Assemblée ne doivent pas être sourds au message que de tels propos transmettent. Ayant failli à honorer leur contrat dans les délais impartis, l’Assemblée devra redoubler d’efforts pour mettre un terme à une période transitoire qui s’éternise.
Marouen Achouri
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