A la Une
Tunisair : Pendant la chute, il y a toujours espoir de bien atterrir !

{legende_image}
Son emblème c’est la gazelle, signe de l’élégance et de la rapidité, et pourtant la compagnie aérienne historique de la Tunisie a perdu de son élégance, de sa rapidité et même de son agilité durant les deux dernières années. C’est sans doute un secret de polichinelle, Tunisair n’a de cesse de s’enfoncer dans le rouge : -72 MDT de résultat net semestriel à fin juin 2012. Toutefois, 2011 a été encore plus sinistre, un véritable carnage dans les livres de compte de Tunisair : un déficit de -134 MDT.
64 ans d’expérience n’ont donc pas suffi pour faire éviter à la compagnie aérienne de tomber si bas, notamment après la révolution du 14 janvier 2011. Deux ans plus tard, le tableau ne s’est pas embelli, et l’année 2011 a été sacrée la plus pénible avec une perte de 500 mille passagers sur fond de signature des accords sociaux.
Rabah Jrad, PDG de Tunisair s’est réuni à la clôture de l’année 2012, avec les analystes financiers et boursiers, en vue d’établir l’état des lieux de la compagnie et de mettre à nu le business plan confectionné afin de ressusciter Tunisair et la repêcher des airs troubles.
L’année 2012 dépeint un retour à la normale et ce, sur le plan commercial. En effet, Tunisair a transporté environ 3,818 millions passagers, un chiffre flirte avec le record enregistré au titre de 2008. Sans trop s’emballer, en termes de nombre de vols, la compagnie déçoit la performance de l’année de référence en termes d’activité à savoir : l’année 2008, les tableaux affichent près de 90500 heures de vols dont 1100 affrétées comptent à l’actif de la compagnie en 2012 contre 97400 dont 6200 affrétées en 2008.
Poursuivons dans les chiffres afin de mieux cerner le tableau glauque des états financiers de Tunisair. Tout comme en l’année de référence, en 2012, la compagnie a assuré une moyenne de 100 vols par jour en signant les pics saisonniers classiques pendant la période estivale, la saison du pèlerinage et les week-ends. Et contre toute attente, Tunisair réalise ainsi un record de coefficient de remplissage flottant au niveau des 70% entre vols réguliers et supplémentaires confondus.
Retour dans la sphère stérile au compartiment de la flotte dont le taux d’utilisation est, au demeurant, moindre que les aspirations, soit 7,85 heures par jour. Les dix premiers mois de l’année 2012 ont enregistré, sur le volet de l’exploitation, l’accroissement des produits de l’ordre de 17% et celui des charges à hauteur de 15%.
La part du lion des charges revient au poste carburant représentant 32% des coûts. A ce titre, le prix moyen de la tonne de carburant a été négocié à hauteur de 1702,426 DT, soit un prix élevé en comparaison avec l’année 2011 : 1538,090 DT et en 2010 : 1164,04 DT. Ainsi, la facture du carburant a-t-elle progressé de 26% sur la période des 10 premiers mois de l’année 2012 par rapport à la même période de l’année 2011. Cette évolution a marqué un accablement des charges oppressant de la sorte le résultat d’exploitation.
La compagnie aérienne, ambitionne, à ce titre, un accroissement annuel du trafic de l’ordre de 4,2% et des heures de vols à hauteur de 3,1%. En ce qui concerne les produits d’exploitation, leur évolution est escomptée en moyenne de 5,5% contre 5,4% pour les charges d’exploitation.
Loin des chiffres qui ne présentent guère Tunisair sous son plus beau jour, un diagnostic des menaces pesant sur la compagnie a été dressé par Rabah Jrad. En première ligne, l’Open Sky, véritable instrument d’intimidation dont les conséquences seront plus que fâcheuses sur l’avenir de la compagnie. Cette dernière avait pris part aux rounds de négociations engageant le gouvernement tunisien et l’Union Européenne à Bruxelles en date du 13 novembre 2012.
Cette rencontre a conduit à un consensus stipulant une ouverture progressive à l’image du système adopté dans la mise en place de l’accord de libre échange avec l’UE. Un système qui repose essentiellement sur la politique des étapes. Car, la compagnie a, selon M. Jrad, grandement besoin de se restructurer, ce qui signifie qu’un programme de mise à niveau avec le concours indispensable de l’Etat est de première nécessité.
Mais encore, l’aéroport Tunis Carthage n’est pas taillé de sorte à recevoir le flux tablé par l’Open Sky eu égard à sa capacité saturée. Les instances européennes étant mises au courant de la capacité de l’infrastructure actuelle ne pouvant contenir plus de 5 millions de passagers. Reste, en ce cas, la soupape de secours des aéroports régionaux à l’instar de Tabarka, Enfidha, Monastir, Sfax et Tozeur.
Et puis il y a la problématique de la concurrence qu’imposent les deux compagnies Transavia et Syphax. Cette dernière, nouveau né du transport aérien tunisien, et qui vient à peine d’entamer son entrée en bourse, il s’agit surtout du péché de la gourmandise. En effet, une fois son agrément en poche, le propriétaire de la Syphax airlines s’est rendu compte que sa pérennité ne dépend pas du seul aéroport de Sfax. Du coup, il a revendiqué l’accord, dans un premier temps, sur la possibilité d’assurer 3 vols à partir de l’aéroport Tunis Carthage, suite à quoi Tunisair a émis son veto jugeant Syphax un peu trop rapace. Et la compagnie sfaxienne ne s’est pas limitée à cette demande, elle en a, en effet, formulé une nouvelle : obtenir deux rotations par jour, Tunis Carthage-Charles De Gaulles. En réponse, Tunisair a suggéré l’interline, suggestion qui s’est vue rejetée par Syphax. Résultat des courses, la compagnie sfaxienne assure, à ce jour, un seul vol Tunis-Carthage dans le cadre d’un traitement exceptionnel. A ce propos, Rabah Jrad a mis en garde contre la concurrence déloyale pouvant causer des problèmes dans le secteur du transport national.
Venons-en à une autre menace, non moins pesante que les précédentes, celle de la 5ème liberté. Bien qu’ayant fait beaucoup de vagues récemment dès son annonce, le PDG de Tunisair n’a pas souhaité s’étaler sur le sujet. La seule certitude qui doit faire écho, est que cette fameuse 5ème liberté accordée au Qatar, défavorise injustement la compagnie nationale, par surcroît, dans son état boiteux actuel. Quoi qu’il en soit, l’accord signé en ce sens depuis les années 90, est tributaire de l’autorisation finale de la direction de l’aviation civile pour sa mise en application, et c’est pourquoi Tunisair exige de la direction à ce qu’elle soit associée à toutes les négociations futures.
Le constat plutôt morose étant effectué, place au business plan (BP) établi sur une période de quatre ans entre 2013 et 2017. Quatre piliers fondent le BP de Tunisair, il s’agit d’une nouvelle stratégie commerciale, l’intégration des filiales : Tunisair Technics, Tunisair Handling et Tunisair Express, la concrétisation du plan de flotte de 2008 et le retrait et la mise en vente des deux avions présidentiels, l’A340 et le BBJ et des avions commerciaux qui ont atteint 20 ans.
Et pour ne retenir que le meilleur, Tunisair a planifié une action interne cruciale et des plus osées, à savoir le plan d’assainissement social qui implique le départ de 1700 agents sur deux ans entre 2013 et 2014. Aussi, la direction générale de la compagnie a t-elle conclu un accord avec les centrales syndicales pour le gel des recrutements qui, d’ailleurs, n’ont fait que trop accabler les comptes de Tunisair, un sureffectif scandaleux même quand on sait que la compagnie embauche 230 agents par avion contre 175 agents pour les standards internationaux, et en toute franchise nous ne pouvons dire que la qualité des services suivait. Il y aura, en outre, le recours à des contrats à durée déterminée et le non remplacement des départs à la retraite légale qui sont fixés à 329 agents.
Tunisair demande à l’Etat, en tant qu’actionnaire majoritaire, de réviser sérieusement son mode de gouvernance dans un souci de garantir davantage de flexibilité et d’autonomie de gestion. Oui, car, il est clair que l’Etat a failli sa mission et a mal accompli son rôle, à un point tel qu’au vu de l’état de la compagnie à ce jour, le fiasco est, on ne peut plus, flagrant !
Et ce n’est pas tout, puisque Tunisair demande aussi l’appui de l’Etat pour l’opération d’allègement des effectifs, l’annulation de la dette de groupe envers l’OACA pour 166 MDT, l’octroi d’une avance de 300 MDT remboursable dès la concrétisation de la cession des deux avions présidentiels.
Un retour à l’équilibre à compter de l’année 2014 avec une marge nette de 3% en moyenne sur la durée du Business Plan est prévu dans le cas où toutes les conditions imposées par la direction de Tunisair se concrétisent.
En tant que compagnie aérienne historique de la Tunisie et un véritable pilier du tissu économique national, Tunisair doit absolument brûler ses vaisseaux à travers son Business Plan. De toute façon, si chute il y avait, elle ne pourrait être plus fatale.
Nadya B’CHIR
sur le fil
Dans la même Rubrique

L’incroyable traque de Ridha Charfeddine
02/05/2025
11
Commentaires