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Tunisie - Conversation BCE/Jebali : Encore une fuite, mais à qui profite-t-elle?
18/10/2012 | 1
min
Tunisie - Conversation BCE/Jebali : Encore une fuite, mais à qui profite-t-elle?
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Les fuites des vidéos et des enregistrements se succèdent, ces derniers jours, à un rythme effréné. Après la vidéo de Rached Ghannouchi avec les salafistes, qui avait largement buzzé, voilà qu’un enregistrement audio d’une discussion entre l’ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi et l’actuel chef de gouvernement, Hamadi Jebali, vient d’être rendu public par Nawaat.
Au vu de la conjoncture et du timing de sa diffusion, l’enregistrement d’une quarantaine de minutes, a vite fait de faire le buzz sur les réseaux sociaux où il est partagé à une très grande échelle. Tout en s’interrogeant sur des questions telles le pourquoi de la diffusion de l’enregistrement et quelle est la partie qui pourrait en tirer le plus profit, nous nous intéresserons au contenu de la conversation qui est très riche en soi et en enseignements à tirer.

De toute évidence, la rencontre entre les deux hommes, objet de l’enregistrement, eut lieu juste après la formation du gouvernement de la Troïka, puisque tout au long de la discussion, c’est BCE qui monopolise la parole, alors que M. Jebali, dans la posture de l’élève, se contente de demander les conseils à son interlocuteur sur les différents dossiers qui l’attendent, tout en émettant, de temps à autre, un commentaire ou une réaction aux propos de l’ancien Premier ministre qui, dans la peau du Maître, donne ses avis et ses visions.

D’ailleurs, le chef du gouvernement de la Troïka n’hésite pas à qualifier Béji Caïd Essebsi de « notre grand frère et de notre père », auquel il demande un exposé de sa vision et de sa conception des diverses situations, de la gestion des différents dossiers, dont notamment les plus épineux, en l’occurrence, les salafistes, le ministère de l’Intérieur, les affaires en justice dont celle de Persépolis, le passage de Farhat Rajhi au ministère de l’Intérieur, la politique étrangère, l’affaire Baghdadi Mahmoudi et bien d’autres.

Bon à noter que Hamadi Jebali approuve, par des « oui », tout ce que dit Béji Caïd Essebsi.
Tous les passages de la conversation sont de la plus haute importance dans le sens où ils permettent d’avoir des révélations ou des confirmations sur certains faits pertinents. C’est ainsi que BCE, parlant de l’attitude méprisante du Royaume d’Arabie Saoudite concernant la question de l’extradition de l’ancien président Ben Ali, confirme le fait que le Prince Nayef Ben Abdulaziz est intervenu en faveur de Abdallah Kallel pour le libérer et l’autoriser à se rendre en Arabie Saoudite.
Une affaire dont Business News avait parlé dans sa livraison du 7 mars 2012 en précisant « qu’il s’agissait d’une seconde intervention, la première intervention ayant eu lieu auprès de Béji Caïd Essebsi, mais elle était restée sans suite ».

Le passage touchant au ministère de l’Intérieur est édifiant dans le sens où il était question qu’Ali Laârayedh exerce en étroite collaboration avec Habib Essid. Et c’est là que Hamadi Jebali évoque le bref passage de Farhat Rajhi que M. Caïd Essebsi qualifie de « catastrophe » qui s’était fait entourer d’un groupe bien connu, dont notamment des gens du POCT , et plus précisément, Sihem Ben Sedrine.
Cette dernière, selon BCE, « est revenue le voir après le limogeage de M. Rajhi, pour demander sa réintégration en tant que ministre de l’Intérieur tout en fomentant des manifestations ». Plus grave encore, M. Caïd Essebsi révèle que « la même Mme Ben Sedrine lui aurait exercé une sorte de chantage en lui disant qu’elle était prête à calmer l’atmosphère s’il accédait à sa demande de faire réintégrer le sieur Rajhi », mais qu’il avait, bien entendu, refusé une pareille requête tout en la priant de ne plus venir le voir.
Ce passage confirmerait certaines rumeurs circulant à l’époque concernant la proximité d’un cercle bien déterminé de ce ministre de l’Intérieur dans le but d’avoir un accès direct aux archives du département de l’Intérieur.
A noter que M. Jebali acquiesçait ces propos par des rires et par des phrases ironiques quant à l’attitude de Mme ben Sedrine et autres Radhia Nasraoui.

BCE revient sur la nomination de Moncef ben Salem au poste de ministre de l’Enseignement supérieur qu’il juge inadéquate au vu de ses déclarations incendiaires et eu égard au secteur sensible touchant les jeunes et les étudiants, donc incompatibles avec un homme responsable au sein d’une équipe au pouvoir. Un avis que M. Jebali affirme partager et dont il a même parlé à l’intérieur du parti Ennahdha où un rappel à l’ordre a été signifié à ce ministre.

M. Jebali demandera le point de vue et les conseils de BCE à propos de la question de l’extradition de Baghdadi Mahmoudi. BCE répond que l’affaire a été tranchée par la justice et que des garanties ont été demandées et obtenues de la part des autorités de Tripoli, tout en critiquant les déclarations de M. Marzouki à ce sujet.

A propos de la politique étrangère, Béji Caïd Essebsi estime qu’il faut collaborer, bien entendu, avec les pays du Golfe dont le Qatar, les Emirats Arabes Unie et le Koweït, mais il met l’accent quant au maintien d’une coopération multidimensionnelle avec l’Algérie, la Libye, le Maroc et, surtout l’Europe, plus précisément la France.

Sans s’étaler sur les autres détails de cette rencontre, à titre amical et privé, il est utile de faire remarquer que la discussion fait ressortir en la personne de BCE, un vieux routier à la vision perspicace puisque tous les toutes les analyses et autres conseils avancés sont toujours d’actualités, notamment lorsqu’il parle des salafistes, un dossier qu’il juge comme étant de la plus haute gravité.
A travers cet enregistrement, si l’ancien premier ministre fait preuve, encore une fois, de transparence et de franc-parler, donc toujours égal à lui-même, l’actuel chef du gouvernement, semble avoir changé complètement d’attitude, puisque de l’homme ouvert, conciliant et soucieux d’apprendre les différents rouages et autres principes pour la gestion des affaires de l’Etat, il semble être transformé en homme pris dans l’engrenage du parti d’Ennahdha et des directives qu’impose son homme fort, Rached Ghannouchi.

Encore une fuite qui ne laissera pas le paysage sociopolitique indifférent. Il semble, de prime abord, qu’un tel enregistrement profite, en premier lieu à Béji Caïd Essebsi qui paraît, plus que jamais, comme étant un homme d’Etat, mais en même temps, spontané, franc et visionnaire. Serait-ce, alors, l’entourage de BCE qui est à l’origine de cette fuite ? Sachant que tout semble indiquer que le micro était porté par BCE dont la voix est la mieux audible de toutes les autres.
Ce serait aller trop vite en besogne, car une autre hypothèse, plausible aussi, consiste à ce que soit le clan anti-Jebali au sein d’Ennahdha qui serait derrière cet enregistrement audio pour le discréditer, confirmant, ainsi, la thèse de l’existence d’une lutte intestine à l’intérieur du parti islamiste entre les pro-Ghannouchi et les pro-Jebali.

18/10/2012 | 1
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