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Noômane Fehri : Rached Ghannouchi mène la Tunisie vers le modèle iranien
14/10/2012 | 1
min
Noômane Fehri : Rached Ghannouchi mène la Tunisie vers le modèle iranien
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« Ghannouchi promet le modèle turc, agit en modèle soudanais et nous dirige vers l’Iran », c’est ce que soutient Noômane Fehri, lors d’une interview exclusive accordée à Business News, en date du 13 octobre 2012.
A la lumière des dernières déclarations controversées du leader islamiste, dans une vidéo récemment diffusée par les médias, le député de l’Assemblée nationale constituante, des rangs d’Al Joumhouri, nous livre sa vision de la situation actuelle du pays qui ne fait que confirmer la mainmise du parti islamiste sur l’appareil de l’Etat en vue d’une islamisation rampante de la société, dans laquelle la population tunisienne s’engouffre, parfois même à son insu.
Affirmant que Rached Ghannouchi tente de diviser les Tunisiens en deux clans qui s’affrontent et utilise la démocratie comme moyen de s’approprier les rouages de l’Etat, Noômane Fehri garde cependant espoir dans les députés « non-radicaux » du parti islamiste auprès desquels les consignes du leader ne font pas l’unanimité. Interview…


 
Rached Ghannouchi a changé de vision après l’ascension de son parti à la tête de l’autorité suprême du pays, soutient le député d’Al Joumhouri. Le leader islamiste, qui avait martelé ne pas être intéressé par le pouvoir, semble avoir d’autres plans en tête pour la Tunisie. Après s’être adonné au jeu du pouvoir, le leader islamiste ne fait désormais plus de distinction entre son parti et l’Etat et a réussi à mettre la main sur tous ses rouages pour réaliser ses plans. Le refus même de Rached Ghannouchi de s’entretenir avec Moncef Marzouki, lors d’une rencontre prévue le 12 octobre au Palais de Carthage, dénoterait de la position de force dans laquelle se place le leader du parti au pouvoir, se voyant même au-dessus de la présidence, soutient Noômane Fehri.

Les plans du parti au pouvoir ? Changer la société de bout en bout, selon le député. Les exemples qu’il cite sont nombreux, dont les plus récents sont le viol de la jeune fille par deux agents des forces de l’ordre ou encore la récente décente des policiers dans des chambres occupées par des couples non mariés dans un hôtel à Hammamet. En parallèle, l’Etat ne fait rien contre les actes de violence, et n’a pas pu empêcher les agressions contre l’ambassade US, avec les conséquences qu’on connait aujourd’hui.

Une stratégie du deux poids, deux mesures qui se matérialise dans de nombreuses décisions prises par le parti au pouvoir. Ces décisions, ne font qu’éloigner davantage la Tunisie du modèle turc, tant prôné, et la dirigent plutôt vers le modèle iranien. L’islamisme modéré affiché par Rached Ghannouchi lors de la campagne électorale du parti, tentant de prouver à ses détracteurs qu’islamisme et démocratie pouvaient, en Tunisie, s’avérer compatibles, a cédé la place à un modèle soudanais qui ne manquera pas de mener le pays vers un mode de vie à l'iranienne.

Un des facteurs qui favorisent cette radicalisation rampante, M. Fehri l’explique par l’allégorie de la grenouille qui illustre le phénomène d’accoutumance conduisant à ne pas réagir à une situation grave. Pour lui, la société tunisienne possède une très grande capacité d’adaptation et peut très marcher dans le chemin décidé par le parti au pouvoir, Ennahdha dans le cas d’espèce, parfois même, à son insu, sans se rendre compte de cette évolution qui la conduira certainement à sa perte.

L’exemple des associations islamistes, financées par l’argent du contribuable ou des pétrodollars, et bénéficiant de la logistique de l’Etat, est un autre exemple probant de la stratégie du deux poids, deux mesures.  Noômane Fehri affirme que les délégués, en grande majorité nahdhaouis, reçoivent des instructions les incitant à favoriser les associations du réseau Ennahdha au détriment d’autres, plus modernistes et progressistes, les faisant bénéficier de nombreux avantages, tels que les locaux publics, ou ayant appartenu à l’ancien RCD.

On constate l’existence d’un réseau de plus de 4000 organisations nahdhaouies dans le pays sur lequel le parti au pouvoir s’appuie pour pénétrer la société en profondeur et la faire changer petit à petit, et ce, en utilisant l’appareil de l’Etat.

Noômane Fehri condamne fortement ces pratiques et appelle à ce qu’une enquête soit ouverte afin de faire toute la lumière sur les avantages payés par le contribuable - locaux publics notamment - dont bénéficient de nombreuses associations islamistes dans le pays et demande à ce que les gouverneurs et délégués publient tout ce qu’ils accordent à ces associations.

Selon son expérience personnelle, les associations progressistes et modernistes se voient mettre les bâtons dans les roues par de nombreux délégués, nommés par Ennahdha, et certaines actions, de bienfaisance même, se voient compromises par cette politique de favoritisme. Il dénonce « l’extraordinaire connivence entre Ennahdha et les associations de son réseau qui travaillent en symbiose en utilisant, de surcroit, l’appareil de l’Etat ».

La société tunisienne est en train de changer, une mue perceptible, d’après notre interlocuteur, même dans les comportements vestimentaires des femmes tunisiennes qui optent davantage pour le port du niqab, dans certaines régions du pays, qans oublier que celles qui ne portent pas le voile sont actuellement en voie de disparition.

Mais ces changements n’obéissent pas systématiquement à des revendications citoyennes et seraient même dictées par un modèle de société auquel les citoyens n’aspiraient pas mais dans lequel ils se sont retrouvés engagés, notamment, dans certaines régions reculées du pays qui n’ont pas eu la chance de profiter de l’instruction et de l’éducation. Selon lui, Ennahdha pousse la société tunisienne vers le chemin qu’elle souhaiterait voir emprunter, en se servant de l’administration tunisienne. Et c’est là le véritable danger…

Mais sans pour autant aller jusqu’à mettre tous les nahdhaouis dans le même panier, Noômane Fehri nous déclare lors de cette interview que, son travail au sein de l’ANC et sa proximité avec les autres députés lui ont permis d’acquérir la certitude que les positions du cheikh ne sont pas toujours partagées dans les rangs des députés du parti islamiste et que Rached Ghannouchi ne fait pas toujours l’unanimité parmi les siens.

Pas de critiques en public du leader d’Ennahdha, certes, mais certaines discussions en interne, entre députés nahdhaouis, dénotent du déchirement évident qui existe entre les deux ailes du parti : l’aile radicale, à laquelle appartient le leader islamiste; et la frange « plus moderniste et modérée » qui sait distinguer les directives de son chef, des positions officielles du parti. Et de citer l’exemple de Hamadi Jebali qui déplorerait même que certains de ces ministres se concertent avec Rached Ghannouchi avant de venir le voir, chaque matin, toujours selon Noômane Fehri.
 

Le député finit par conclure sur une note d’espoir : « Je garde confiance en nos amis députés nahdhaouis modérés qui font cette différence, et qui ne font pas partie de la frange dure ». Ce qu’on peut qualifier comme  étant un clin d’œil aux députés nahdhaouis, pour qu’ils adoptent une attitude critique face à leur « chef ».

 
Ainsi, on déduit des propos de Noômane Fehri, qu’il n’y a plus de doute aujourd’hui concernant Rached Ghannouchi, catalogué par tous, ou presque, comme l’homme fort du pays, celui qui tire les ficelles. Mais si le député d’Al Joumhouri dévoile le côté sombre du leader islamiste, la sortie de crise pourrait-elle être tributaire de la « rébellion » de la frange modérée du parti, contre les directives de son chef, sans oublier l’opposition, bien entendu, tenue d’avoir  un rôle déterminant à jouer pour contrecarrer les plans d’un pouvoir hégémonique qu’elle condamne ?

 


Propos recueillis par Synda TAJINE
14/10/2012 | 1
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