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Tunisie - Attractivité des IDE : la charité révolutionnaire, et après ?

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Les appels du pied aux investisseurs étrangers, notamment arabes, se sont succédé tout au long de la semaine écoulée. Mais sans grands succès apparemment ! Les investisseurs, par charité révolutionnaire probablement, continuent de venir mais ne se bousculent pas. La Tunisie est-elle toujours aussi attractive ? Il s’agit-là de la principale interrogation ? Car, les temps ont changé, tant en Tunisie que dans les pays pourvoyeurs d’investisseurs. Cependant, ce sont nos méthodes d’attraction des investisseurs qui n’ont pas changé. Et ce, au grand dam des bailleurs de fonds et de nos partenaires.
La baisse des investissements étrangers de 29,2% au cours de 2011 ( - 25,7% en IDE et - 59,5% en portefeuille ) est rattrapable. L’évolution positive de 35,2%, au cours des mois de janvier et février 2012, par rapport à la même période de 2011 et de 5,9% par rapport à la période correspondante de 2010 le confirme. Sauf que la manière fait défaut. Car, en multipliant les bourdes et les incertitudes, la sympathie ou la charité suscitée par la Révolution ne suffisent pas et leur effet ne dure pas longtemps.
L’on se rappelle tous l’épisode de Christine Lagarde. La bonne dame avec toute la bonne volonté et, surtout, les pouvoirs financiers et moraux que lui procure son poste de Directrice générale du FMI est rentrée « bredouille » de son voyage tunisien. A l’époque, des rumeurs – qui n’ont pas été réfutées depuis – ont circulé sur sa grande déception quant à la nonchalance du gouvernement de Hamadi Jebali à préparer des dossiers en vue d’attirer des investissements !
L’on ne s’attardera pas longtemps sur cet « incident », mais nous allons plutôt focaliser sur un fait plus récent. En effet, lors de la séance de clôture du Forum international sur le financement des projets de développement de la Tunisie Nouvelle, tenu le 16 mai à Tunis, M. Rachid Gribaâ, ancien haut commis de l’Etat a, semble-t-il, mis le doigt où ça fait mal.
En présence d’une pléiade de représentants de l’Etat, notamment MM. Ridha Saidi, ministre conseiller auprès du Premier ministre chargé des dossiers économiques et sociaux, Houssine Dimassi ministre des Finances, Riadh Bettaieb ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale flanqué de son secrétaire d'Etat à la coopération internationale, Alaya Bettaïeb, et Mustpaha Kamel Nabli gouverneur de la BCT (que du beau monde !), M. Gribaâ parle de fond et non de forme et tacle ce « forum » qui a privilégié le quantitatif au qualitatif : « Tout le monde est mobilisé pour aider la révolution, mais les investisseurs ne prennent pas de risques pour aller vers des projets qui ne sont pas bien préparés, voire-même, pour certains, calqués comme c’est le cas des projets des pôles technologiques ou les marinas », avait-il souligné en substance.
A ce moment là, on aurait aimé avoir Samir Dilou dans la salle pour nous sauver la face devant des investisseurs étrangers (notamment européens) qui esquissait, par un sourire ou un hochement de tête, leur approbation de ce constat !
Car, voici, comment en trois phrases, un observateur avisé peut résumer les maux de la stratégie nationale en matière d’attraction des IDE. Amateurisme est le mot qui lui sied le plus.
Et sous les yeux hébétés et le sourire béat de M. Bettaieb qui ne s’attendait probablement pas à cette missive, c’est le ministre des Finances qui monte au créneau : « je suis tout à fait d’accord avec votre analyse !». Avant de rétorquer « mais je vais vous expliquer ».
Sans pour autant convaincre, l’intervention de M. Dimassi a été salutaire. Elle a, au-moins, le mérite de colmater les brèches. Face à une partie de la centaine des bailleurs de fonds (on s’attendait à 200) présents dans la salle et qui, tout ouïe, guettaient les subtilités de la traduction au bout de leur écouteurs, le ministre des Finances souligne que la démarche adoptée, pour cette année, s’est voulu participative, comprendre démocratique. De larges consultations régionales ont réuni l’administration et la société civile afin que ces dernières, « connaissant mieux la particularité des régions », puissent proposer les projets les plus fiable et les mieux adaptés. Tout en prétextant « la conjoncture exceptionnelle » ou « le temps qui presse », il explique, au passage, que parmi les prépositions émanant des régions « tout ne sera pas réalisé ».
Le modérateur de la séance, M. Ahmed Benghazi, DG d’Axis Capital et membre du CA de la BCT a enfoncé le clou en se disant « partager entièrement » l’avis de M. Gribaâ. Il propose, à cet effet, l’organisation de mini-séminaire et une communication en amont !
Fallait-il mobiliser autant de moyens pour attirer des IDE qui ne cherchent que paix sociale, sérieux dans la gouvernance et visibilité dans l’avenir du pays. La Tunisie peut-elle prétendre garantir, actuellement, ces éléments ? D’ailleurs, l’hésitation des investisseurs tant étrangers ou locaux est, essentiellement, due à un problème de stabilité !
Comment garantir cette stabilité ? Qu’elle soit politique ou sociale, c’est au gouvernement de l’assurer. Tant par le dialogue que par l’impartialité et la fermeté de ses institutions, l’Etat doit donner l’exemple.
La confiance est une question d’hommes avec un subtil mariage d’expérience, de connaissance, de charme et de lobbying. Or, rares sont ceux parmi les « apprentis » ministres actuels qui peuvent se targuer de telles qualités.
La Révolution, aussi bénie soit-elle, ne peut pas apporter l’investissement. Notre courte expérience a montrée qu’elle apporte, certes, la charité (et encore !) mais pas d’investissement, donc pas d’emplois, encore moins de développement ou de création de richesses, soit quelques uns des objectifs de la Révolution !
Que des technocrates, le plus apolitiques possibles, se mettent à repenser un plan d’attractivité des investissements est un objectif de long terme qui contraste sensiblement avec la nature « court-termiste » ou provisoire du gouvernement actuel. Sur le plan de l’investissement, donc, sommes-nous en train de nous tromper et d’objectifs de méthode ?
Adem BEN AMMAR
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