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Le Tunisien ne sent pas encore que l'Etat lui appartient
06/05/2012 | 1
min
Le Tunisien ne sent pas encore que l'Etat lui appartient
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La révolution du 14 janvier a permis au peuple de faire entendre ses requêtes, dont un impôt démocratique et consenti ; un objectif qu’on ne peut obtenir sans un débat public afin de gagner la confiance populaire dans l’administration fiscale.
Pour le moment, le contexte révolutionnaire rend complexe cette question fiscale. La rue tunisienne continue à présenter une opposition entre des attentes légitimes des citoyens à une révolution dans tous les domaines et des réserves systématiques du pouvoir politique, faute de moyens (entre autres raisons) et ce, en l’absence d’un véritable débat sur la démocratisation de l’impôt. Comment concevoir une réconciliation entre le contribuable et l’administration fiscale ?

Comme les académiciens sont les premiers à prospecter le terrain, le centre d’études fiscales de la faculté de Droit de Sfax a choisi cette année le thème ‘impôt et démocratisation des systèmes politiques’, pour la 6ème session de son colloque international, afin d’être en harmonie avec la transition démocratique en Tunisie.
Le programme du colloque a essayé de réunir des regards croisés, à partir d’expériences internationales (Grèce, Espagne, Italie) sur le rôle de l’impôt dans la démocratisation du système politique. Des chercheurs tunisiens, algériens et marocains ont également posé des questionnements sur les problématiques du consentement de l’impôt.
Le thème est donc d’actualité percutante, surtout en ce moment où la Constituante est en pleins débats sur la loi de finances complémentaire, avec le rapport direct existant entre la réalisation des objectifs du programme économique et social du gouvernement avec le volume des recettes fiscales.
Les expériences internationales ont montré que ‘c’est grâce à la démocratisation de l’impôt et à la transparence de l’administration fiscale que la démocratie peut avancer’, comme l’a souligné Mohamed Mahfoudh, Doyen de la faculté de Droit de Sfax, à l’ouverture du colloque, qui s’est déroulé les 5, 6 et 7 avril.

Le Doyen Mahfoudh n’était pas le seul à aller dans ce sens. Le représentant de la Fondation allemande Hanns Seidel, Jamil Hayder, partenaire de ce colloque, a insisté sur ‘la place de l’impôt dans les perspectives d’édification d’un Etat de droit, passage incontournable vers la réussite de la transition démocratique’.
Pour sa part, le président de la centrale patronale CONECT, Tarek Chérif, a valorisé le rôle de l’impôt dans le processus de démocratisation. ‘C’est pourquoi la CONECT n’accepte dans ses rangs que les contribuables assujettis au régime réel, tremplin vers toute réforme fiscale’, a-t-il expliqué.
Il est donc avéré que le développement économique s’accompagne systématiquement par la modernisation de l’impôt, comme ceci a été présenté dans le rapport introductif du président du centre d’études fiscales, Néji Baccouche, qui a mis l’accent sur le rapport solide entre l’impôt et la démocratie.
‘Présenté comme la pierre angulaire de la démocratie, l’impôt continue à nourrir les institutions sur lesquelles se fonde tout régime politique voulant être démocratique. L’impôt et la démocratie vont de pair dans la mesure où l’impôt assure la démocratie et que la démocratie favorise le prélèvement de l’impôt’, a-t-il dit.
Baccouche a ajouté plus loin dans le même rapport : ‘légitimé par la nécessité de la vie en collectivité, l’impôt constitue la principale source de légitimité des gouvernants. Par le consentement de l’impôt qui présuppose l’existence des institutions représentatives, l’impôt crée les conditions d’exercice des pouvoirs’.
‘En payant l’impôt les contribuables contribuent, même indirectement, au fonctionnement de l’Etat, à la prise des décisions politiques et à l’exercice réel de la souveraineté. La citoyenneté, l’un des piliers des régimes démocratiques, passe nécessairement par la croyance au devoir fiscal et la confiance en la politique menée par les gouvernants’, a-t-il notamment expliqué.

Concernant la situation actuelle prévalant en Tunisie, Néji Baccouche a insisté sur l’impératif de la réconciliation entre les contribuables et l’administration fiscale. ‘A cet effet, a-t-il dit, la société a besoin d’exemples. Ceci dépend donc de l’exemplarité des gouvernants dans leur lutte contre la corruption et le népotisme. C’est par cette voie que l’on acquiert la responsabilisation des contribuables’.

De son côté, Mansour Moâlla, président d’honneur de l’IACE, n’a pas manqué de faire le lien entre les révoltes populaires et la question fiscale, précisant que : ‘La Tunisie a eu son lot de révoltes fiscales, comme celles de Ali Ben Ghdhahem en 1864, lorsque l’Etat a doublé la taxation d’office (Majba), ou en 1978, doublement du prix du pain, qu’on peut aussi qualifier de révolte fiscale dans la mesure que c’est la distribution de l’impôt qui a changé en réduisant l’intervention de la caisse de compensation’.
L’ex-ministre de Bourguiba et fondateur de la BIAT a précisé que : ‘Ces révoltes éclatent lorsque le peuple ne perçoit pas que la fiscalité est juste, équitable et supportable’. Il a mis l’accent sur le fait que ‘toute la problématique actuelle, c’est de rétablir la confiance entre le contribuable et l’administration fiscale’.
En effet, un petit regard sur la situation actuelle en Tunisie en matière de politique fiscale traduit le malaise entre les contribuables et l’administration fiscale. Il suffit de constater que la retenue à la source est la règle chez les employés pour comprendre la faiblesse de la conscience fiscale.

Autre constat important, A peine 20 % des 500.000 sociétés constituées font leurs déclarations sur la base du régime réel, alors que 80 % appliquent de multiples variétés de régime forfaitaire avec des contributions moyennes ne dépassant pas 100 dinars par société et par an. Les recettes fiscales générées par le régime forfaitaire n’ont jamais dépassé les 50 millions de dinars par an.
Il est donc clair que le volume des recettes fiscales est déterminant dans l’évolution des fonds alloués au développement social. Car l’Etat puise le plus grand taux de ses ressources de la fiscalité, en l’absence de richesses naturelles. Or, le peuple n’est plus dupe. Il demande désormais des comptes. D’où le besoin d’une crédibilité à toute épreuve entre l’Etat et ses citoyens.

L’impôt est certes donc un acte fondateur de la démocratie, comme l’a dit Néji Baccouche. Mais, la démocratie impose de prendre en considération la volonté du peuple, y compris en matière fiscale.
En Tunisie, le pays a réussi à se moderniser mais, n’a pas réussi à se démocratiser. Les réformes n’ont pas été faites avec la participation de la population. Il n’y a jamais eu de véritable dialogue sur les programmes. D’où le besoin d’un débat public sur le consentement de l’impôt.
Le Tunisien veut désormais voir que des juges et des experts peuvent contrôler l’administration. Il veut constater l’égalité de tous devant l’impôt et la justice. Il veut sentir la démocratie dans sa proximité. A ce moment-là, il percevra que l’Etat lui appartient et contribuera volontairement à renflouer ses fonds.
06/05/2012 | 1
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