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Tunisie - Moncef Marzouki, saura-t-il viser loin?

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Le Congrès Pour la République (CPR) a décroché la médaille d’argent aux élections de la Constituante avec 30 sièges sur 217, soit environ le 1/7ème de la totalité des sièges. Classé deuxième après la victoire écrasante d’Ennahdha, grand vainqueur de ces élections, le score réalisé par le CPR est considéré comme un score respectable voire même inespéré selon certains critiques. Ceci étant, les aspirations de ce parti ne se limitent pas à siéger au sein de la Constituante mais surtout à gouverner, une convoitise de la présidence de la république, ainsi qu’une lorgnerie sur le ministère de l’Intérieur ont, déjà, été franchement affirmées.
Fondé en 2001 mais n’obtenant la légalisation qu’en mars 2011, ce parti a longtemps milité dans l’opposition. Moncef Marzouki, un de ses fondateurs et son leader depuis sa constitution, a toujours représenté sa figure emblématique.
Le CPR, ayant souffert de la répression à l’instar de tout ce qui pouvait ressembler à un mouvement d’opposition au régime de Ben Ali, s’est vu partager les mêmes souffrances que les islamistes, les progressistes ou encore les communistes. Des tendances divergentes dans leurs idéologies mais unies face à un même ennemi : le dictateur Ben Ali. Cependant, les relations du CPR avec les autres partis sont loin d’être claires et ont connu plusieurs rebondissements.
Moncef Marzouki a, depuis son retour en Tunisie à l’aube de la révolution, multiplié les déclarations et les prises de positions parfois concordantes et des fois contradictoires.
En effet, le CPR a montré une fluctuation dans ses prises de position notamment en ce qui concerne ses rapports avec Ennahdha.
En survolant les articles publiés lors des différentes phases de la période de l’après révolution, on constate que par exemple en date du 6 juin, M. Marzouki avait formellement nié la possibilité d’une coalition avec Ennahdha. En début du mois de juillet, le CPR a claqué la porte de la Haute Instance de Ben Achour, presque simultanément qu’Ennahdha tout en annonçant sa volonté de créer un «front national pour la réalisation des objectifs de la Révolution». Le 20 juillet, Rached Ghannouchi annonça la conclusion avec le CPR et quatre autres partis d’un accord de coalition. Le 4 août, Moncef Marzouki adresse une lettre incendiaire pointant du doigt Ennahdha, le PDP et Ettakatol leur reprochant de dévier des objectifs de la révolution et d’user dans leurs actions politiques, d’argent d’origine louche.
Ensuite avec le démarrage de la campagne électorale en début du mois d’octobre, M. Marzouki a incité les électeurs à voter pour les 4 ou 5 plus grands partis, qui comme nous le savons tous, ne sont autres qu’Ennahdha, le PDP, Ettakatol et bien entendu le CPR. Il a par la même occasion appelé les électeurs à éviter de voter pour les indépendants, quelque soient leurs appartenances.
Avec l’annonce des résultats des élections, le CPR s’est retrouvé dans une situation plutôt confortable par rapport au pouvoir. Aux côtés d’Ennahdha qui s’est incontestablement installée sur le trône, le partage des postes au pouvoir et des portefeuilles ministériels commence à tourmenter les autres partis proportionnellement à leurs acquis dans la Constituante. Moncef Marzouki, ne se cachant pas de postuler pour la présidence dès le 17 janvier 2011, s’est senti plus que jamais près du but.
Etant politicien, médecin et écrivain, né le 7 juillet 1945 à Grombalia, M. Marzouki avait déjà présenté sa candidature à l'élection présidentielle du 20 mars 1994, alors qu’il savait pertinemment qu’il n’avait aucune chance. Il avait eu le courage de défier Ben Ali et de prouver sa volonté d’être concrètement actif politiquement. Sa candidature à l’époque lui a coûté une interdiction de passeport, un emprisonnement et plus tard l’exil. Par contre, se déclarant de nouveau candidat à la présidence, à peine 3 jours après la révolution, M. Marzouki a fait preuve de beaucoup d’assurance. Il n’y a donc plus l’ombre d’un doute que la présidence de la république passe de l’ambition souhaitée à l’objectif réalisable.
Pour ce qui est du portefeuille de l’Intérieur, on mentionnera la déclaration de Mohamed Abbou, véritable numéro 2 du CPR, quant à son souhait d’avoir ce ministère pour « y faire le grand ménage ». Or, des propos pareils d’un homme politique et responsable sont étonnants dans le sens où on y décèle, clairement, une volonté de vengeance. C’est à se demander si Mohamed Abbou réalise vraiment l’aspect sensible et stratégique de ce département !
Pour revenir aux ambitions du CPR, certains pensent même que son consentement à saisir la main tendue d’Ennahdha afin de former ensemble le nouveau gouvernement rentre dans les calculs stratégiques du parti. L’attitude d’Ettakatol présente dans cet aspect une grande similitude avec celle du CPR, probablement pour les mêmes raisons, puisque les deux leaders aspirent à la présidence.
Faire les «yeux» doux à Ennahdha, porter les bonnes «lunettes» «pour une meilleure vision» de l’avenir, ne serait-ce pas le meilleur moyen d’atteindre les «objectifs», de tous les «points de vues»? A vous de «voir»!
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