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Tunisie - Pépites des enquêtes de la Commission sur la corruption et les malversations

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Une deuxième rencontre exclusive à Business News avec Rachid Tmar, membre de la Commission nationale d’investigations sur la corruption et les malversations (CICM), nous apprend que les abus et les ruses des membres de la « famille » qui tenaient les rênes du pays, n’ont pas de limites. Des corruptions, il y en a plusieurs formes : juridique, judiciaire et administrative qui ont touché tous les secteurs économiques les plus juteux ainsi que les différents rouages de l’administration, avec des exemples concrets et des témoignages et affaires à dormir debout !
La Commission nationale d’investigations sur la corruption et les malversations (CICM) continue ses travaux à un rythme plus soutenu suite au renforcement de son effectif, vu le volume gigantesque de travail et les innombrables plaintes à examiner. En effet, deux membres viennent de rejoindre le comité technique. Il s’agit de Mme Chouikha, juge auprès du tribunal administratif et Fayçal Ajina, juge chercheur auprès des études juridiques et judiciaires. De plus, l’équipe des contrôleurs, qui assistent les membres du comité technique dans l’étude des dossiers, a été elle aussi renforcée par l’arrivée de quatre nouveaux contrôleurs de l’administration centrale.
La CICM, a reçu à ce jour 7500 dossiers, 2000 parmi ces dossiers ont été traités dont la moitié a déjà fait l’objet de réponse aux demandeurs et l’autre moitié transférée aux instances concernées, avec 100 dossiers orientés directement au procureur de la république.
La commission a auditionné de nouvelles personnes, notamment des PDG de banques publiques et privées ainsi que l’une des filles de l’ancien président. Ces auditions ont été enregistrées en vidéo avec l’accord préalable des concernés.
Les travaux d’investigations ont conduit, également, à la découverte d’une nouvelle salle d’archives au palais de Carthage contenant des documents assez précieux.
La « famille » a exercé toutes les formes possibles et imaginaires de la corruption. Sur le plan juridique, on a eu recours à la promulgation de textes légaux nouveaux ou à l’interprétation de textes existants sur mesure. Ainsi, l’ex-président avait fait voter une loi lui accordant l’immunité totale à lui et à sa famille pour tous les actes qu’il avait commis au cours de ses mandats de président, tout en lui préservant son salaire et avantages en nature au terme de son mandat. Par ailleurs, on a eu recours à une interprétation biscornue de la loi de façon à faire bénéficier le gendre de Ben Ali d’une exonération de la TVA sur les produits d’exploitation d’une concession portuaire relative à La Goulette, et dont les revenus devaient normalement revenir au Trésor public. Sur le plan judiciaire, la commission a eu la preuve qu’un juge avait été corrompu par deux avocats.
Par ailleurs, des anomalies administratives et procédurales ont été enregistrées. A titre d’exemple, des terrains à vocation agricole sont devenus à vocation urbaine. Ils ont été cédés, par la suite, à des prix dérisoires aux proches du régime qui, à leur tour, les ont revendus à des tiers à des prix exorbitants.
Autre exemple, celui de l’octroi des autorisations administratives, soit aux proches de Ben Ali, soit à des tiers sur la base d’interventions desdits proches moyennant des sommes d’argent ou des « commissions ». Ces autorisations concernaient les concessions des terres agricoles propriété de l’Etat (SMVDA), de carrières, de cartes de commerçants pour étrangers, des licences de commercialisation de boissons alcoolisées, des permis de constructions, sans oublier la préparation en amont de scénario permettant l’octroi des marchés publics …, le tout en ayant recours aux délits d’initié, aux menaces et à la falsification de documents légaux.
La police, l’administration fiscale et la sécurité sociale ont été, à leur tour, utilisées comme instruments redoutables pour punir tous ceux qui s’opposaient d’une façon ou d’une autre au pouvoir des malfrats et des profiteurs, y compris les expatriations de biens.
Les abus des proches du pouvoir se sont également manifestés par l’infraction aux règlementations en matière des importations sans aucun contrôle, l’émission de fausses factures sans oublier les abus psychologiques exercés sur les fonctionnaires, entre autres les humiliations et le dénigrement total du personnel des administrations.
M. Tmar, nous a, par ailleurs, fait part d’une affaire digne d’un film hollywoodien. Un citoyen avait construit une belle villa au bord de la mer à Hammamet, sur un terrain qui lui appartenait, titre foncier à l’appui. Alors qu’il y donnait le dernier coup de peinture, il reçoit un avis lui indiquant que son terrain venait d’être exproprié pour utilité publique au profit du ministère de la Défense. La villa fût démolie et remplacée par le fameux palais estival présidentiel. Ayant refusé de se soumettre à cette injustice flagrante, après avoir pris connaissance de l’indemnisation dérisoire qu’on lui avait proposée et surtout de l’affectation du terrain à un domaine qui n’a nullement la vocation d’intérêt public, il fût traduit avec sa femme devant les tribunaux pour une accusation montée de toutes pièces et emprisonnés tous les deux. Comprenant le rapport de forces, il s’est vu obligé d’accepter le montant de l’indemnisation qui lui a été offert.
Une autre histoire, incroyable mais vraie, celle d’un agent de police qui a arrêté, pendant une nuit, une voiture conduite par une femme accompagnée de 4 autres femmes. L’agent a été humilié et notamment une des passagères s’était moquée de lui et a lancé des menaces à son encontre, jurant de le punir, rien que pour le fait de les avoir importunées. Dans les minutes qui suivaient, deux motards de la garde présidentielle arrivaient et lui demandaient de les suivre. Il avait refusé et s’en est plaint à son administration. Il s’est vu alors convoqué et muté et c’est là qu’il a découvert qu’il avait à faire avec une des sœurs de Leila Ben Ali et d’une présentatrice à la TV tunisienne.
Les affaires d’abus de pouvoir, d’escroquerie et d’injustices commises par les membres et les proches de l’ancien régime sont hélas loin de s’arrêter à ces quelques témoignages ou exemples. La liste reste bien longue.
La CMCI a accompli un travail monumental, mais il reste encore beaucoup à faire pour restituer, au moins, partiellement les richesses détournées.
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