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Tunisie - Rached Ghannouchi, charmeur de troupes
07/06/2011 |
min
Tunisie - Rached Ghannouchi, charmeur de troupes
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Pour la deuxième fois, en cinq jours, le parti Ennahdha organise une conférence de presse. Jeudi dernier c’était pour dévoiler son nouveau logo. Lundi 6 juin 2011 c’était pour célébrer son trentième anniversaire. La dernière fois, c’était Hammadi Jebali à la tribune. Cette fois, c’est Rached El Ghannouchi.
Seule différence, l’assistance où il n’y avait quasiment que des journalistes pour la conférence de presse du jeudi, alors qu’il fallait distinguer, lundi, les journalistes parmi les centaines de militants et sympathisants venus applaudir leur leader à tout bout de champs. On a même entendu des youyous et des « Allahou akbar » dans cette conférence de presse marquée par ce véritable record de nombre de femmes voilées au mètre carré. On dirait la Libye ou l’Egypte et non la Tunisie.



Il est toujours agréable, pour un journaliste, d’être accueilli par une charmante hôtesse qui vous sourit et vous souhaite la bienvenue. En véritables as de la com, les dirigeants d’Ennahdha n’ont pas dérogé à la règle. Les hôtesses accueillant les centaines d’invités à la conférence de presse du lundi 6 juin 2011 étaient toutes souriantes, toutes bien accueillantes, toutes bienveillantes. Comme l’exige l’organisation de tout grand événement.
A son arrivée, Rached Ghannouchi, entouré de son état major, était précédé par une meute de photographes et vidéastes. Comme toute star.
Dix minutes plus tard, l’autre star débarque, précédée elle aussi par une meute (moins importante) de photographes et vidéastes. C’est Abdelfattah Mourou qui aura droit, plus tard, à un tonnerre d’applaudissements.
Pas loin de là, un jeune Nahdhaoui sollicite Hammadi Jebali pour une photo souvenir. L’ancien prisonnier politique s’y prête, tout sourire. Point commun à tout ce beau monde : leur charisme et leur prestance. Ils en jettent !
Rached Ghannouchi monte à la tribune, entouré d’un jeune homme et d’une dame voilée parmi les membres du bureau constitutif du parti et s’adresse aux journalistes. Pardon, au public, puisque cette rencontre ne s’apparente pas vraiment à une conférence de presse dans le sens ordinaire du terme.
Remarque importante : la fluidité et la maîtrise totale du discours de Rached Ghannouchi. Nul besoin de document à lire, il sait tout. Seul hic, la langue arabe qui remplace notre cher dialecte tunisien.

Ceci pour la forme. Reste le fond, pour lequel nous étions présents. Le président d’Ennahdha critique sévèrement l’instance de Kamel Jendoubi et sa décision "unilatérale" de fixer la date des élections ou encore cette autre annonce "louche" des trois jours ouvrables pour déposer sa candidature. 
Il fait part de ces mains obscures (des forces occultes) qui tirent les ficelles. Il tance l’instance de Ben Achour qui n’a pas à parler de majorité et de minorité puisqu’elle n’a aucune légitimité à part celle du consensus.
Pour Ghannouchi, la possibilité de reporter encore une fois les élections n’est pas du tout exclue. Celui qui a reporté une fois a intérêt à pousser la balle encore plus loin dans l’espoir de voir naître des éléments nouveaux, accuse-t-il sans nommer personne.
Le leader d’Ennahdha, après avoir évoqué des présomptions pesant sur le RCD dissout à propos des récents incidents à Metlaoui, il a indiqué que certains partis ayant peur que les urnes dévoilent leur véritable poids, font tout pour faire reporter l’opération du scrutin.

Interrogé par Business News sur le nombre d’adhérents et son budget, Rached Ghannouchi zappe subtilement la question en la noyant dans un flot de vagues phrases. Il n’en sait rien, commence-t-il par dire, puisque le parti né en 1981 a connu plusieurs rebondissements, entrées et sorties et qu’il faudra encore quelques mois pour connaître le nombre exact d’adhérents.
Il s’attend cependant à quelques centaines de milliers.
Quant au budget, il dit que le sujet n’est pas tabou et que son parti ne cache rien, mais qu’il ignore de combien il dispose, de combien ont été les recettes et de combien ont été les dépenses. Seules certitudes, c’est qu’il ne fait pas appel à des contributions étrangères et que tout provient des dons des militants. Des militants qui se seraient engagés à donner au parti 5% de leurs revenus. Au minimum, précise Rached Ghannouchi ajoutant qu’il n’y a pas de plafond. Mais sans donner un quelconque chiffre.
De même lorsqu’il fut interrogé sur la vision économique de son parti. Il n’a avancé aucun chiffre ni de conception, mais il a promis l’annonce prochaine de tout un programme économique et social.



Interrogé sur le retour à Ennahdha de Abdelfattah Mourou et s’il y a possibilité qu’il préside la campagne électorale du parti, Rached Ghannouchi s’est livré à un numéro de séduction inouï à l’égard de son co-fondateur.
« Mais Abdelfattah Mourou n’a jamais quitté le parti pour qu’il y revienne ! Et puis s’il accepte, ce serait le plus grand des honneurs qu’il préside notre campagne ! Mais il faudrait qu’il accepte d’abord ! ». La salle (essentiellement composée de militants/sympathisants) n’en revenait pas et s’est mise à applaudir. Longuement. Puis les gens se sont mis debout. Et puis voilà des you you. Et des Allahou akbar.
Plus tard, Rached Ghannouchi déclare que l’égalité entre hommes et femmes est un principe irréversible qui pourrait même être ajouté à la constitution. Il prend même à témoin ses propres enfants qui bénéficient de toutes leurs libertés et ce après avoir récité des sourates du Coran pour étayer ses dires.
Concernant d’éventuelles alliances, Cheikh Rached a précisé qu’effectivement, des concertations ont lieu avec d’autres formations politiques et s’il y a des terrains d’entente avec d’autres partis, des coalitions pourraient, ainsi, voir le jour.
Dans cet ordre d’idées, on notera la présence d’Abdelwahab El Hani, chef du parti d’El Majd et de Hammouda Ben Slama.
On notera également le clin d'oeil séducteur en direction des anciens RCDistes qui en majorité, selon Rached Ghannouchi, n'ont adhéré à ce parti que pour pouvoir obtenir leurs droits légitimes  qu'ils ne pouvaient avoir autrement.

Face à ces réponses, face à cette ambiance, il serait malvenu d’accuser Rached Ghannouchi de mauvaise foi. Mais ce serait oublier la règle de tout homme politique qui nous sera rappelée par … Rached Ghannouchi, lui-même, quand il dira « la règle, pour un homme politique, est la mauvaise foi. » Et la règle, pour un journaliste, est le scepticisme et le doute. Il nous le reprochera, d'ailleurs, avec amertume.

Photos : Salah Habibi
07/06/2011 |
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