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Tunisie – Chambre des députés : Les dessous d'une délégation de pouvoirs

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La Chambre des députés a voté hier par une écrasante majorité son « quasi-écartement du pouvoir » en délégant ses attributions en matière législative dans dix-sept domaines au président de la République par intérim, Foued Mebazaâ.
La séance plénière ne fut pas de tout repos ni pour Sahbi Karoui, premier vice-président de la Chambre des députés et président de la séance, ni encore pour le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, qui fut la cible d’attaques directes d’une partie des députés de l’opposition qui faisait partie, il n’y a pas longtemps de la « majorité présidentielle ».
Cette opposition s’est retrouvée, tout d’un coup, écartée du paysage politique et n’a plus même accès aux médias. Elle qui a constitué du temps du régime déchu, un élément indispensable du dispositif mis en place par l’ancien régime pour montrer « le pluralisme » en Tunisie.
Il est clair, selon les observateurs, que le gouvernement de transition cherchait à sauvegarder un « soupçon » de constitutionnalité dans ses décisions qu’il ne pouvait obtenir en transitant « régulièrement » par une chambre désormais « illégitime ». L’élection d’une assemblée constituante prendrait du temps et ferait perdurer la construction de l’édifice démocratique. Cette « acrobatie » constitutionnelle réduirait certes à l’extrême le cercle de la décision politique mais renforcerait le gouvernement de transition et le libérerait par rapport à la Chambre des députés. Mais il fallait miser sur l’aval de la Chambre des députés qui va être écartée des sphères de décision au profit du Président de la République par intérim.
Les débats étaient inédits, houleux à la limite. Ils ont suscité des interrogations évidentes sur la capacité de certains députés, longtemps figurants, de changer de bord et de rater une occasion exceptionnelle de se taire, maintenant que s’est ouverte une ère de liberté en Tunisie.
Le premier vice-président de la Chambre des députés, Sahbi Karoui a fait preuve d’un doigté exceptionnel en contenant les « attaques » de certains députés. Il a fait preuve de beaucoup de patience et s’est limité à gérer les débats pour les mener à bon port, autorisant les répétitions et les longues parades « révolutionnaires ».
Le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, s’est limité à expliquer cette demande étendue de délégation exceptionnelle des pouvoirs en matière législative par « un impératif d’accélération des procédures législatives pour mettre en route les réformes démocratiques permettant de transformer le visage de la République ». Il a même répondu à certaines attaques personnelles.
Concernant les députés, s’il est vrai que 16 députés, seulement, se sont opposés à la délégation des pouvoirs votée hier par la Chambre des députés au profit du Président de la République.par intérim, il n’empêche que les débats étaient très chauds, à la limite de l’agressivité. Khadija Mbaziaâ (PVP) et Raoudha Essaïbi (PSL) se sont emportées suite aux propos de Hichem El Bassi (RCD) qui demande « la dissolution de la Chambre et la mise en route d’une assemblée constituante tout en mettant en place des mécanismes de contrôle du gouvernement de transition ».
Oubliant qu’elle a défendu, elle aussi le régime déchu, Mme Mbaziaâ reproche à M. El Bassi « son silence et celui des députés RCDistes pendant des décennies » et l’accuse « d’opportunisme et de désir de s’approprier une révolution qui n’est pas sienne ».
Pour Mme Raoudha Essaïbi, dont le parti (PSL) a longtemps défendu les choix « indéfectibles » du président déchu, elle conteste « le hold-up opéré contre le Parti Social Libéral (PSL) ». Elle affirme que « le PSL a longtemps milité pour la liberté d’expression » et que « le parlement n’est pas partie prenante de la mafia ayant sévi dans le pays ».
Le PSL s’était rangé hier pour contrer le projet. D’autres députés (Khalifa Trabelsi, Boujemaâ Yahiaoui, Mohsen Khaldi, etc.) ont insisté sur les mêmes propos allant même jusqu’à contester « la crédibilité du Premier ministre qui a évoqué sa peur à l’image de tous les Tunisiens ». Ils ont rejeté « ce processus de quasi-dissolution du parlement » et de « manipulation de la révolution ».
En symphonie avec la colère de Khadija Mbaziaâ (PVP), sa collègue Faten Charkaoui a contesté « cette tendance totalitariste prônant l’exclusion » et demandé de trouver « une issue constitutionnelle à ce blocage ». Elle a appelé à « sauvegarder la révolution ».
Il est à rappeler que le PVP et le PSL ont soutenu « la candidature de Zine El Abidine Ben Ali à la dernière élection présidentielle » et ont « récolté » respectivement six et huit sièges à la Chambre des députés.
Leurs réactions à la Chambre des députés traduit le « profond malaise » des députés de ces deux partis d’être qualifiés par les médias, enfin libres, d’opposition de décor.
La teneur tendue des débats et la chaleur des applaudissements, même des députés RCDistes, suite notamment aux propos du député PSL, Khelifa Trabelsi, laissaient les observateurs perplexes quant à l’issue du vote sur la délégation des pouvoirs. Le RCD conserverait-il sa discipline de vote maintenant qu’il est quasi-dissout ?
L’hémicycle était certes plein et l’opposition regroupée ne disposait que de 51 voix sur les 214 députés de la Chambre des députés. Les deux députés d’Attajdid, éternels opposants aux projets de lois sous Ben Ali, sont aujourd’hui pour le gouvernement de transition. Tout dépendait de la discipline du RCD.
Point de surprise à la fin. Seize députés, seulement, ont voté contre le projet. Ils appartiennent essentiellement au PSL, au PVP et quelques députés de l’UDU. Deux députés se sont abstenus.
Les députés ont ainsi voté leur « mise à l’écart du pouvoir législatif » en délégant les compétences de la Chambre au Président de la République par intérim dans dix-sept domaines, soit une délégation quasi-générale.
N’a-t-on pas assisté hier à la dernière séance plénière de l’actuelle Chambre des députés?
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